ZNIEFF 030020038
Savane et Montagne des Pères

(n° régional : 00130000)

Commentaires généraux

La ZNIEFF de la Savane et de la Montagne des Pères (type II) se situe au sud de Kourou, entre la D13 et la rive droite du Fleuve Kourou, de part et d'autre de la RN1. Elle englobe la ZNIEFF de type I "Savane des pères".

Elle est constituée principalement de trois entités écologiques très différentes : une vaste zone de savane basse herbacée et surtout arbustive ; une zone de marais à Typha angustifolia ; et une colline présentant par endroits des formations relictuelles de forêt primaire de terre ferme.

La Savane des Pères présente un gradient écologique remarquable entre les différents types de savanes guyanaises : savanes basses et hautes herbacées, savanes marécageuses et savanes arbustives. Des fourrés sclérophylles et des bosquets marécageux à Palmiers bâches (Mauritia flexuosa) parsèment la zone entrecoupée d'îlots forestiers sur cordons sableux de plaine littorale. La ZNIEFF est bordée de mangroves côtières âgées et d'estuaire.

Cette ZNIEFF s'inscrit donc en partie dans l'ensemble des savanes littorales de Guyane, principalement localisées entre Cayenne et Organabo dans la plaine côtière ancienne. Elles se trouvent sur des sols argileux marins, consolidés et en grande partie recouverts de sédiments sableux fins datant du Pleistocène. Ces sols sont le plus souvent exondés.

L'origine des savanes n'est probablement pas entièrement naturelle. Elle est due à un ensemble de facteurs liés entre eux, d'ordre climatique (saison sèche plus marquée sur la bande côtière), paléoclimatique (témoin des époques plus froides et plus sèches du Pleistocène et de l'Holocène durant lesquelles la Guyane était en partie recouverte de savane), édaphique (sols peu favorables à une couverture forestière) et anthropique (localisation des communautés amérindiennes d'autrefois et de la population actuelle sur la bande côtière ; maintien de la physionomie des savanes par les feux saisonniers).

Cette ZNIEFF correspond principalement à une savane basse arbustive sur sols sableux, unique par sa superficie en Guyane. Elle se présente sous l'aspect d'une grande étendue herbacée parsemée d'arbustes tortueux : faciès arbustif à Byrsonima crassifolia, ou " savane à poiriers ".

Les zones herbeuses sont constituées de petites touffes de 10 à 30 cm de haut laissant entre elles des plages de sol nu, à l'exception des tapis épars d'une petite plante carnivore, Drosera capillaris. Dans cette savane herbacée, la flore y est dominée par des Cypéracées et des Poacées (dont une espèce particulièrement rare : Axonopus passourae), auxquelles se mêlent principalement des Burmanniacées, Astéracées, Gentianacées, Mélastomatacées, Polygalacées et Utriculariacées. La physionomie est marquée ponctuellement par quelques sous-arbrisseaux nains de 30 à 60 cm qui émergent ainsi du tapis herbacé : Byrsonima verbascifolia (" z'oreil d'âne ") aux grandes feuilles duveteuses caractéristiques. Le milieu correspond alors à la savane basse à nanophanérophytes.

Certains secteurs présentent un faciès de savane haute herbeuse et arbustive, floristiquement plus riche que la savane basse, et transitoire avec les groupements paraforestiers périphériques. La flore herbacée est encore dominée par les Poacées ainsi que des Cypéracées (Rhynchospora barbata caractéristique du milieu) et Rubiacées, alors que Curatella americana domine la flore des buissons et petits arbres, accompagné de Byrsonima crassifolia et de Mélastomatacées et Clusiacées.

Il faut noter la présence de dalles granitiques affleurantes, dissimulées le plus souvent au sein de fourrés sclérophiles parsemant la savane.

Dans les secteurs plus humides représentant également une grande surface de la ZNIEFF, la savane basse marécageuse présente un faciès d'herbes hautes principalement composée de Poacées, de Cypéracées, accompagnées de Fabacées, Lentibulariacées et Lamiacées. Quelques espèces sont communes aux marais (Cypéracées, Onagracées, Blechnacées comme la fougère Blechnum serrulatum). Mais la physionomie de cette formation est marquée essentiellement par les buissons de Rhynchanthera grandiflora, une Mélastomatacée remarquable par ses grandes floraisons violettes, et par les massifs denses d'Heliconia psittacorum, un petit balisier aux bractées rouge orangé.

Le long des criques et mares temporaires en savane, des bosquets marécageux à Palmiers bâches (Mauritia flexuosa) se sont développés.

Le marais à Typha angustifolia correspond à une formation herbacée haute (atteignant plus de 2 mètres). C'est sans aucun doute le type de marais côtier le plus rare en Guyane, localisé à quelques stations assurant le plus souvent un rôle de transition entre les marais à Eleocharis mutata (lagune à palétuviers morts succèdant à la mangrove) et les marais d'eau douce à Cypéracées et fougères ou à graminées. La formation présente ici constitue, avec celles de la région de Mana, l'une des plus vastes pour le département, et fait la transition avec la mangrove côtière agée et la mangrove d'estuaire qui la bordent. Dans les secteurs de lisière avec la mangrove, ce marais est parsemé de grandes touffes de la fougère Acrostichum aureum.

Les mangroves de la ZNIEFF se sont développées le long de la rive droite du fleuve Kourou, dans des zones non soumises aux phénomènes érosifs qui modèlent les rivages guyanais. L'apport d'eau douce du fleuve abaisse ici nettement la salinité et les sédiments fluviatiles se mêlent aux vases marines. Le milieu est donc ici moins contraignant et plus stable. La composition et la structure de la mangrove diffèrent alors de celles pouvant s'observer dans les formations temporaires liées aux mouvements des bancs de vases. La flore de la mangrove agée est pauvre mais cependant plus riche qu'en front de mer. Elle présente une physionomie de forêt à voûte claire où dominent de très grands Palétuviers blancs (Avicennia germinans), au dessus d'un sous-bois de Palmiers pinots (Euterpe oleracea). La strate basse est caractérisée par la fougère Acrostichum aureum, tandis que les troncs des vieux Palétuviers blancs sont couvert de véritables manchons de Phylodendron épiphytes. Cette formation présente ainsi une esthétique paysagère certaine. Toujours dans la zone de balancement des marées, la mangrove évolue vers un peuplement à Palétuviers rouges (Rhizophora mangle) caractérisés par l'enchevêtrement de leurs longues racines-échasses en forme d'arceaux.

La Savane des Pères est également bordée de forêts de plaine côtière ancienne sur sols sableux. Elles sont dominées par Parinari campestris et Protium heptaphyllum, des Licania, Inga, Iryanthera hostmanii et de nombreux palmiers : Maripa (Attalea maripa), Comou (Oenocarpus bacaba), Awara mon père (Socatea exorrhiza), Pinot (Euterpe oleracea) et le rare Astrocaryum muru-muru. En sous-bois abondent divers Ischnosiphon, Piperacées, Melastomatacées, et Phenakospermum guianense qui en marque la physionomie.

Les lisières constituées par les groupements paraforestiers périphériques sont caractérisées par le Palmier awara, Astrocaryum vulgare ainsi que Clusia nemorosa, Davilla aspera, Hirtella paniculata, Miconia ciliata et Tibouchina aspera.

Ces habitats variés et peu communs permettent la présence d'une communauté diversifiée de plantes déterminantes : Eleocharis mitrata (Cyperaceae), Erythroxylum suberosum (Erythroxylaceae), Manihot esculenta subsp. flabeliifolia (Euphorbiaceae), Helicotropis linearis var. linearis (Fabaceae), Curtia tenuifolia (Gentianaceae), Curculigo scorzonerifolia (Hypoxidaceae), Cipura paludosa (Iridaceae), Acisanthera rosulans (Melastomataceae), Sauvagesia rubiginosa (Ochnaceae).

Cette ZNIEFF présente un cortège quasi-complet de l'avifaune caractéristique des habitats de savane avec notamment plusieurs espèces déterminantes du fait de leur lien étroit avec ces biotopes : le Bruant des savanes (Ammodramus humeralis), le Sporophile curio (Oryzoborus angolensis), le Sporophile plombé (Sporophila plumbea), le Tangara à camail (Schistoclamys melanolepis), le rare Tyranneau barbu (Polystictus pectoralis), l'Elénie tête-de-feu (Elaenia ruficeps), le Colibri tout-vert (Polytmus theresiae), le Colibri rubis-topaze (Chrysolampis mosquitus), l'Engoulevent minime (Chordeiles acutipennis) et le Colin huppé (Colinus cristatus). Les zones plus humides accueillent la Bécassine de Magellan (Gallinago paraguaie). La Buse des savanes (Buteogallus meridionalis) et la Buse à queue blanche (Buteo albicaudatus) se maintiennent ici en trouvant leur biotope de prédilection non perturbé: les grandes zones ouvertes herbeuses. Ces espèces exigeantes sont donc peu communes et leur répartition restreinte en Guyane. Au cours de leur passage migratoire postnuptial, certains limicoles recherchant préférentiellement les secteurs herbacés ras et découverts, font halte dans la savane, tout particulièrement le Pluvier dominicain (Pluvialis dominica).

Concernant l'herpétofaune déterminante, il faut souligner la présence du lézard Cnemidophorus lemniscatus et du Boa Epicrates maurus, ainsi que de trois amphibiens, Hypsiboas raniceps, Rhinella granulosa et surtout Leptodactylus macrosternum dont il s'agit ici d'une des deux localités connues en Guyane. Enfin, une des rares données de Crotale (Crotalus durissus) authentifiée à l'Est de Kourou provient de cette savane.

Les espèces faunistiques du marais à Typha restent méconnues ici en raison des difficultés de pénétration du milieu et des contraintes d'observations. Ce milieu mériterait des prospections significatives d'autant qu'elles devraient à terme révéler des données intéressantes concernant notamment les populations de petits Ardéidés et de Râles.

La faune de la mangrove est relativement riche (mollusques, crustacés, poissons, insectes, oiseaux et petits mammifères). On y trouve ainsi régulièrement le Raton-crabier (Procyon cancrivorus). Parmi les primates, un petit groupe de Singe hurleur (Alouatta maconnelli) se maintient. Il faut noter également la présence de lamantins (Trichechus manatus) dans la zone avale de la crique des Pères.

L'herpétofaune est pauvre dans ce milieu. Cependant le Caïman à lunettes (Caiman crocodilus) y est une espèce caractéristique.

La Montagne des Pères est une colline culminant à 152 mètres, recouverte en partie encore d'une forêt primaire de terre ferme. C'est un lieu important pour la botanique guyanaise car plusieurs espèces de bryophytes et d'hépatiques ont été décrites de cette zone (localité-type).

Elle recèle encore une entomofaune d'une grande richesse et son avifaune est marquée par la présence d'une colonie nicheuse de Milan à queue fourchue (Elanoides forficatus). Avec la ZNIEFF de la Montagne des Singes, elle accueille occasionnellement de grands rapaces : Harpie féroce (Harpia harpyja), Harpie huppé (Morphnus guianensis), Aigle tyran (Spizaetus tyrannus), visitant les marges littorales de leur territoire forestier.

Plusieurs menaces pèsent déjà sur cette zone avec les feux annuels de saison sèche, les abattis et l'implantation de pylônes EDF.

Les savanes sont soumises à une pression de chasse non négligeable, en raison de leur proximité de Kourou et des implantations agricoles de Matiti.

Pour la Montagne des Pères, étant propriété du Centre Spatial, son accès réglementé lui permet de conserver encore par endroit un caractère intact, en dehors des zones secondarisées ou complétement artificialisées liées aux infrastructures du CSG. Signalons sur cette colline, l'existence de vestiges archéologiques amérindiens.

Commentaires sur la délimitation

La ZNIEFF est limitée de la manière suivante :

N: Au nord, par le fleuve Kourou, depuis le point A situé au niveau du pont de la RN1 jusqu'au point B, situé à l'extrémité nord de la RD15.

E: A l'est, par la RD15, depuis le point B jusqu'au point C, situé à l'intersection de la RD15 et de la RD13. La limite est de la ZNIEFF se poursuit par la RD 13, depuis le point C jusqu'au point D, situé à l'intersection entre la RD13 et la RN1. La limite est de la ZNIEFF continue le long d'une ligne droite entre le point D sur la RN1 et le point E, situé sur la crique des pères (ce point correspond à un point du carroyage de la carte IGN).

S: Au sud, par le cours de la crique des Pères, reliant les points E et F, ce dernier point étant situé à la confluence avec le fleuve Kourou.

W: A l'ouest, par Fleuve Kourou, entre les points F et A (pont de la RN1).

Coordonnées des points mentionnés (WGS84, UTM 22 nord):

A (314789m; 569299m) - B (318701m; 569270m) - C (321244m; 566725m) - D (319910m; 563936m) - E (318979m; 563100m) - F (316528m; 564400m)