ZNIEFF 930020391
HAUTE VALLÉE DE LA CERVEYRETTE - MARAIS DU BOURGET - BOIS DU REBANC - BOIS DU BOURGET

(n° régional : 05106122)

Commentaires généraux

Description

Localisé dans la partie nord est du département des Hautes Alpes dans la région du Briançonnais, sous les contreforts nord du massif du Queyras, le site correspond à la haute vallée de la Cerveyrette.
Le site est établi sur un substrat carbonaté associant principalement des dolomies et moraines de calschistes en fond de vallée.
Localisé dans la zone biogéographique des Alpes internes briançonnaises, il est soumis à un climat montagnard de type continental marqué.
Débutant à l’étage de végétation subalpin inférieur à environ 1830 m d'altitude, le site culmine à 2728 m au Pic du Vallon Crouzet. Il est représenté essentiellement par les étages de végétation subalpin et alpin.
Entouré de crêtes ébouleuses, il est caractérisé par de nombreux marécages bénéficiant d'une grande richesse spécifique et d'une très forte valeur patrimoniale, ainsi que par des forêts subalpines de conifères en ubac.

Milieux remarquables

Les trois habitats déterminants que compte le site sont des marécages : les tourbières de transition [all. phyto. Caricion lasiocarpae (54.5)], les bas marais cryophiles d’altitude des bords de sources et suintements à Laîche des frimas (Carex frigida) [assoc. phyto. Caricetum frigidae (54.28)] et les bas marais pionniers arctico alpins à Laîche bicolore (Carex bicolor) [all. phyto. Caricion incurvae (54.3)], milieux d'une très grande valeur patrimoniale, qui apparaissent ponctuellement dans de nombreux secteurs du site, où ils possèdent une composition floristique tout à fait caractéristique.
Neuf autres habitats remarquables sont également présents : les saulaies arctico alpines des bas marais et bords de ruisseaux à Saule arbrisseau (Salix foetida) [all. phyto. Salicion lapponi glaucosericeae (31.6212)] et des saulaies arctico alpines des pentes rocheuses froides et humides à Saule soyeux (Salix glaucosericea) [all. phyto. Salicion helveticae (31.6211)], les mégaphorbiaies montagnardes et subalpines, formations opulentes de hautes herbes des combes humides et fraîches [all. phyto. Adenostylion alliariae et Calamagrostion villosae (37.8)], les prairies de fauche d’altitude [all. phyto. Triseto flavescentis Polygonion bistortae (38.3)], les mélèzins cembraies ou forêts de Mélèze (Larix decidua) et de Pin cembrot (Pinus cembra) (42.3), les bas marais alcalins à Laîche de Davall (Carex davalliana) [all. phyto. Caricion davallianae (54.23)], les bas marais acides [all. phyto. Caricion fuscae (54.4)], les éboulis siliceux alpins [all. phyto. Androsacion alpinae et Dryopteridion abbreviatae (61.1)], les éboulis calcaires alpins [all. phyto. Thlaspion rotundifolii (61.2)] et les formations végétales des rochers et falaises calcaires [all. phyto. Potentillion caulescentis et Violo biflorae Cystopteridion fragilis (62.15)].
Un complexe exceptionnel d’habitats humides associant des marécages divers, tourbières, plans d'eau, bas marais, magnocariçaies, abritant des espèces à très forte valeur patrimoniale s’est établi à l’arrière d’une ancienne moraine sur un ancien lac glaciaire aujourd’hui comblé (Marais du Bourget). De fréquents dépôts d’alluvions torrentielles sont établis le long de la vallée.

Flore

Le site exceptionnel comprend dix neuf espèces végétales déterminantes. Six sont protégées au niveau national : l'Androsace des Alpes (Androsace alpina), historiquement signalée et à rechercher dans les éboulis alticoles, le Saule à feuilles de myrte (Salix breviserrata), la Laîche faux Pied d'oiseau (Carex ornithopoda subsp. ornithopodioides), petite cypéracée affectionnant les rocailles longuement enneigées de l'étage alpin qui serait à retrouver sur le site, la Laîche bicolore (Carex bicolor), rare cypéracée des marécages arctico alpins froids d’altitude, également à retrouver, la Laîche des tourbières (Carex limosa), rare cypéracée caractéristique des tourbières et bas marais tremblants, et l'Avoine odorante (Hierochloe odorata), rarissime graminée des pelouses tourbeuses et marécages boréo alpins inscrite au Livre Rouge National des plantes menacées. Neuf sont protégées en région Provence Alpes Côte d’Azur : la Gymnadenie odorante (Gymnadenia odoratissima), le Dactylorhize couleur de sang (Dactylorhiza incarnata subsp. cruenta), l'Aéthionème de Thomas (Aethionema thomasianum), rarissime crucifère des éboulis calcaires ne comptant en France que quelques rares stations réparties dans le Briançonnais, l'Androsace septentrionalis (Androsace septentrionalis), le Bouleau poisseux (Betula pubescens var. glabra), la Petite utriculaire (Utricularia minor), petite plante carnivore aquatique des mares de tourbières acides, la Laîche blanchâtre (Carex canescens), la Laîche à deux étamines (Carex diandra), rare cypéracée caractéristique des tourbières et bas marais tremblants, et le Jonc arctique (Juncus arcticus), plante arctico alpine rare des marécages et bords de ruisselets. Quatre espèces n’ont pas de statut de protection : le Sainfoin de Briançon (Hedysarum brigantiacum), légumineuse récemment décrite, le Scirpe de Hudson (Trichophorum alpinum), rare cypéracée des bas marais arctico alpins, la Potentille inclinée (Potentilla inclinata), et le Pigamon simple (Thalictrum simplex).Par ailleurs, le site comprend deux espèces végétales remarquables. Une est protégée au niveau national : le Scirpe alpin (Trichophorum pumilum), rare cypéracée circumboréale des bas marais froids d’altitude. Une est protégée en région Provence Alpes Côte d’Azur : la Minuartie des rochers (Minuartia rupestris subsp. rupestris).

Faune

Ce site possède un patrimoine faunistique d’un intérêt très élevé. Il abrite en effet vingt-six espèces animales patrimoniales, dont neuf sont déterminantes.
On note tout d’abord la présence de plusieurs espèces de chauves-souris : la Sérotine de Nilsson (Eptesicus nilssonii) espèce nordique rare et déterminante, très localisée dans le nord de la région où elle est contactée au-dessus de 1400 m d'altitude, la Barbastelle d'Europe (Barbastella barbastellus), espèce forestière déterminante, vulnérable et en régression, d’affinité médio-européenne, très résistante au froid, la Noctule de Leisler (Nyctalus leisleri), espèce remarquable forestière relativement fréquente et le Vespère de Savi (Hypsugo savii), espèce remarquable rupicole et montagnarde d’affinité méridionale, qui exploite d’une part les milieux forestiers (surtout ceux riverains de l’eau) pour la chasse et d’autre part les milieux rocheux (falaises) pour les gîtes, jusqu’à 2 400 m d’altitude. Les oiseaux nicheurs locaux sont représentés par : Aigle royal (Aquila chrysaetos), Hibou Grand duc (Bubu bubo), Tétras lyre (Tetrao tetrix), espèce remarquable fragile, emblématique des Alpes, Chevêchette d’Europe (Glaucidium passerinum), espèce euro sibérienne déterminante et rare de la taïga et des forêts claires de résineux dans les Alpes (mélézins, sapinières, pessières, cembraies), Pic noir (Dryocopus martius), Cincle plongeur (Cinclus cinclus), Pie grièche écorcheur (Lanius collurio), Sizerin flammé (Carduelis flammea), nicheur localisé, assez peu fréquent, que l’on trouve dans les aulnaies vertes, les ripisylves, les mélézins et les rhodoraies, Venturon montagnard (Serinus citrinella), espèce paléomontagnarde remarquable, typique des boisements ouverts de conifères, Moineau soulcie (Petronia petronia), espèce déterminante paléoxérique, d’affinité méridionale, Bruant ortolan (Emberiza hortulana).
Les mammifères d’intérêt patrimonial sont représentés ici par le Cerf élaphe (Cervus elaphus), grand ruminant remarquable, aujourd’hui plutôt forestier, en expansion géographique et numérique en France et dans la région, présent jusqu’à 2 500 m.
Les peuplements d’insectes se caractérisent par la présence de treize espèces d’intérêt patrimonial liées à la zone humide du marais du Bourget ou aux milieux rocailleux d’altitude sur les versants. Il s’agit de deux odonates, la Cordulie alpestre (Somatochlora alpestris), espèce déterminante très rare et menacée en Provence-Alpes-Côte d'Azur, d'affinité boréo-alpine, dont la larve se développe dans les marais et tourbières d'altitude et la Cordulie arctique (Somatochlora arctica), espèce remarquable très rare et en limite d'aire dans les Alpes du sud, d'affinité eurosibérienne, inféodée dans les Alpes du sud aux marais de haute altitude, d’un orthoptère, le Criquet ensanglanté (Stethophyma grossum), espèce remarquable d'affinité eurosibérienne, en forte régression en dehors des Alpes, strictement liée aux prairies très humides et surfaces marécageuses, et d’une communauté très diversifiée et d’un grand intérêt de papillons de jour avec le Solitaire (Colias palaeno europomene), espèce déterminante protégée en France, dont cette sous espèce est localisée et endémique des Alpes internes, inféodée aux landes à Ericacées et biotopes marécageux où croissent ses plantes hôtes, des airelles (Vaccinium sp.), le Moiré piémontais (Erebia aethiopellus), espèce déterminante endémique franco italienne, cantonnée aux Alpes occidentales et inféodée aux pelouses alpines sèches à Fétuque paniculée (Festuca paniculata), le Moiré aveugle (Erebia pharte), espèce alpine déterminante liée aux prairies subalpines humides et aux pelouses entre 1500 et 2000 m et sensible au surpâturage, l’Hermite (Chazara briseis), espèce remarquable en forte régression, liée aux milieux très ouverts et secs où croissent ses plantes hôtes, plusieurs graminées (fétuques et brachypodes), la Mélitée des digitales (Melitaea aurelia), espèce remarquable euro sibérienne liée aux pelouses sèches, landes et lisières fleuries jusqu'à 1500 m d'altitude, la Piéride de la roquette (Euchloe simplonia), espèce remarquable à aire disjointe des Alpes occidentales, Pyrénées et monts Cantabriques, inféodée aux pelouses subalpines où croissent ses plantes hôtes des Brassicacées, l’Alexanor (Papilio alexanor), espèce déterminante protégée au niveau européen, rare et dont l’aire de répartition est morcelée, inféodée aux éboulis et pentes rocailleuses jusqu’à 1700 m d’altitude où croît sa plante hôte locale Ptychotis saxifraga, l’Apollon (Parnassius apollo), espèce remarquable d'affinité montagnarde, protégée au niveau européen, peuplant les rocailles, pelouses et éboulis à Crassulacées et Saxifragacées entre 500 et 2500 m d’altitude et le Petit Apollon (Parnassius corybas sacerdos), espèce remarquable et protégée en France, des bords des torrents et autres zones humides des étages subalpin et alpin, dont la chenille est inféodée au Saxifrage faux aizoon (Saxifraga aizoides).

Commentaires sur la délimitation

Le site est délimité par un ensemble d’habitats ou biotopes de très fort intérêt patrimonial, dont le bon état de conservation est garant du maintien de populations d’espèces animales et végétales remarquables. Ces divers habitats qui associent un riche écocomplexe de zones humides, de formations arbustives hygrophiles, de prairies de fauches et de boisements variés, se juxtaposent ou sont étroitement imbriqués en mosaïque.