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Oh Punaise ! Une nouvelle espèce pour la France et l'Europe

Parution : 7 décembre 2020 Catégorie : Inventaires d'espèces

Oh punaise ! C’est typiquement ce que François Dusoulier, expert validateur des hétéroptères pour l’INPN, aurait pu dire en observant les photos reçues sur l’application INPN Espèces dans le courant du mois de novembre. Trois photographies en provenance du Périgord Blanc laissaient deviner une espèce de réduve de grande taille, manifestement nouvelle pour la faune de France. Les photos permettaient de la rapprocher de la sous-famille des Harpactorinae, tribu des Harpactorini. Après quelques recherches bibliographiques supplémentaires, il était facile pour un connaisseur de la rattacher au genre Isyndus, puis à l’espèce Isyndus obscurus (Dallas, 1850). De plus, ces photos avaient déjà été postées sur le forum du monde des insectes et le spécialiste turc Barış Çerçi s’était prononcé en identifiant cette punaise sous ce nom également. Quelques jours plus tard, Pierre Moulet, spécialiste et auteur de la Faune de France des réduves, confirmait également cette détermination. Avec 3 identifications concordantes, on pouvait enfin affirmer que cette punaise était nouvelle pour la France mais également pour toute l’Europe et l’ouest de la région Paléarctique !

Si cette espèce se maintenait dans la faune des France, elle prendrait la place de plus grande punaise terrestre ! Si les mâles mesurent 20 à 23 mm – tout comme la punaise américaine des pins (Leptoglossus occidentalis) arrivée en 2005 et désormais répandue dans toute la métropole – les femelles atteignent 23 à 29 mm. En France, seules les punaises aquatiques que sont les nèpes et la ranatre sont plus grandes.

Au sein du genre Isyndus, I. obscurus obscurus se distingue des autres espèces par les angles huméraux du pronotum inermes (sans épines), l’absence d’épine proéminente sur le 8e segment abdominal, et les organes génitaux (paramères et spicules de l’édéage). La coloration des antennes est également singulière : l’article III et IV étant de couleur orange assez vif avec des bandes assombries plus ou moins marquées. Comme nombre de réduves, cette espèce est prédatrice et se nourrit essentiellement d’insectes. Elle est originaire du sud et de l’est de l’Asie, recensée dans les pays suivants : Pakistan, Inde, Bhoutan, Chine, Taïwan, Corée du Sud, Japon.

Une fois la détermination confirmée, un contact avec l’observateur a permis d’en savoir un peu plus. Au total, 2 mâles et 2 femelles furent capturées sur les murs de l’habitation sur une période de quelques jours à la fin du mois d’octobre. Après enquête, il n’y a eu aucun végétal introduit récemment et aucun voisin n’est connu pour faire l’élevage de réduves… Il est donc délicat d’expliquer la présence de ces spécimens.

Il est encore plus complexe de savoir si cette introduction sera suivie d’une installation en France. Le fait qu’il ne s’agisse pas d’un individu isolé laisse craindre que cette espèce pourrait déjà présenter des populations établies en Dordogne. Seul l’avenir nous indiquera si elle se répand ou s’il s’agissait d’une introduction sans lendemain.

Outre le rôle d’expertise pour les citoyens et la bancarisation de données que représentent l’application INPN Espèces, ce type d’application peut servir d’alerte pour signaler les nouvelles espèces qui s’installent en France, et éventuellement constater leur installation… ou pas ! Affaire à suivre !

Légendes des illustrations

Isyndus obscurus, spécimen observé dans le Périgord Blanc © Jérémy Destenave Première illustration de l’espèce lors de sa description en 1850 (Dallas, 1850)

En savoir plus

L'application INPN Espèces