Citation de cette fiche : Pascal M., 2003. Le Ragondin : Myocastor coypus (Molina, 1782). Pages 325-326, in : Évolution holocène de la faune de Vertébrés de France : invasions et disparitions (M.Pascal, O. Lorvelec, J.-D. Vigne, P. Keith & P. Clergeau, coordonnateurs), Institut National de la Recherche Agronomique, Centre National de la Recherche Scientifique, Muséum National d'Histoire Naturelle (381 pages). Rapport au Ministère de l'Écologie et du Développement Durable (Direction de la Nature et des Paysages), Paris, France. Version définitive du 10 juillet 2003.
Le Ragondin
Le Ragondin, espèce unique de la famille des Myocastoridés, est originaire du sud de l'Amérique du Sud, de la Terre de Feu à la Bolivie et au sud du Brésil (Cabrera, 1961). Absent des zones montagneuses froides de ces pays, il est implanté sur les rives des fleuves et des lacs et dans les marais. Il fréquente les eaux saumâtres et marines de l'Archipel chilien de Chonos (Nowak, 1991).

Le Ragondin a été introduit à la fin du 19ème siècle, mais surtout dans la première moitié du 20ème siècle, sur l'ensemble des continents à l'exception de l'Australie et de l'Antarctique. Il constitue, dans la quasi-totalité des pays où il a été introduit, des populations marronnes (Carte & Leonard, 2002).
D'après Micol et al. (1996), le Ragondin fut introduit en France pour l'intérêt que présente sa peau dès 1882 (Indre et Loire) et de nombreux élevages virent le jour entre cette date et 1914. Ils disparurent à l'occasion de la première guerre mondiale et une deuxième vague d'introduction intervint entre 1925 et 1928. Il est probable que les populations actuelles descendent de ces derniers fondateurs maintenus initialement en élevages confinés mais aussi en semi-liberté (Maurice, 1931). La crise de 1929 engendra la disparition de l'essentiel de ces élevages, la libération de nombreux sujets, et l'introduction volontaire de certains d'entre eux dans diverses zones géographiques encore indemnes du territoire. L'espèce, localisée en 1960 au cours inférieur de la Garonne, aux zones humides des Landes, à l'ensemble du bassin de la Loire et au cours inférieur du Rhône (Micol et al., 1996), a envahi dès 1984 l'ensemble des bassins du Rhône et de la Garonne et est signalée ponctuellement dans l'est et le nord du pays (Rosoux, 1985). La carte de répartition établie en 1995 la signale sur la quasi-totalité du territoire (Micol et al., 1996).

Encore que cela n'ait pas été formellement démontré à ce jour, le Ragondin, en consommant la végétation aquatique (Abbas, 1988), réduirait la surface de roselières utilisées par diverses oiseaux aquatiques pour les besoins de leur reproduction, et celle de frayères de poissons d'eau douce. Les dégâts qu'il occasionne aux cultures et aux arbres de la ripisylves sont jugés négligeables au regard de ceux qu'il occasionne aux structures (Abbas, 1987). En effet, par son comportement fouisseur, le Ragondin dégrade les berges, accélère le colmatage du lit des rivières, en perturbe le régime hydraulique et met en péril des ouvrages d'art, entre autres, l'étanchéité de bassins de lagunages (Verheyden & Abbas, 1995). Réservoir et vecteur de divers pathogènes sur son actuelle aire de répartition (Micol et al., 1996), il héberge sur le territoire les pathogènes suivants ayant un impact potentiel sur la santé humaine et vétérinaire : la Douve du foie (Fasciola hepatica) (Rosoux, 1984) avec une prévalence pouvant atteindre 56 % des échantillons provenant de milieux marécageux (Ménard et al., 2000), prévalence comparable à celle citée pour l'Angleterre par Holmes (1962), des leptospires des sérogroupes Icterohaemorrhagiae, Australis et Sejroe avec des prévalences pouvant atteindre 55 % (Michel, 2001) et le Ténia Echinococcus multilocularis dans la partie sud-est de l'Allemagne (Worbes et al., 1989).

Les populations de Grande-Bretagne ont été éradiquées à l'occasion d'une opération planifiée sur 10 ans (Gosling & Baker, 1987 & 1989 ; Gosling, 1989). En France, certaines populations de l'espèce font l'objet de campagne de régulation par piégeage et par distribution d'appâts toxiques, ces dernières dans le seul cadre des luttes collectives organisées par les Groupements de Défenses contre les Ennemis des Cultures et sous le contrôle des Services de la Protection des Végétaux (J.O. 27 juillet 1979 : 140-141) (Grolleau, 1996). Ses populations françaises ont fait l'objet d'un prélèvement par la chasse estimé à 303 600 individus pendant la saison 1998-1999 (Landry, 2000).

Ressources
Experts
Fiche rédigée par Michel PASCAL
Insitut National de la Recherche Agronomique
Campus de Beaulieu - Avenue du Général Leclerc
35042 Rennes Cedex
Bibliographie

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