Citation de cette fiche : Vigne J.-D., 2003. Le Mulot sylvestre : Apodemus sylvaticus (Linné, 1758). Pages 313-314, in : Évolution holocène de la faune de Vertébrés de France : invasions et disparitions (M.Pascal, O. Lorvelec, J.-D. Vigne, P. Keith & P. Clergeau, coordonnateurs), Institut National de la Recherche Agronomique, Centre National de la Recherche Scientifique, Muséum National d'Histoire Naturelle (381 pages). Rapport au Ministère de l'Écologie et du Développement Durable (Direction de la Nature et des Paysages), Paris, France. Version définitive du 10 juillet 2003.
Le Mulot sylvestre
L'actuelle aire de répartition du Mulot sylvestre couvre l'Afrique du Nord-Ouest et l'Europe jusqu'à l'Ukraine et la Biélorussie. Elle comprend également l'Islande, les îles britanniques et de nombreuses îles méditerranéennes (Wilson & Reeder, 1993). Il occupe actuellement la quasi-totalité du territoire continental de la France et est présent sur de nombreuses îles de la Manche et de l'Atlantique.

Le Mulot sylvestre est présent en Europe occidentale, y compris en France continentale, depuis le Pliocène (Chaline, 1972). Durant les périodes glaciaires du Quaternaire, les péninsules méditerranéennes, notamment italique et ibérique, lui ont servi de refuge (Michaux et al., 2003). Durant les phases les plus tempérées du Tardiglaciaire, il semble ne pas avoir occupé le tiers nord de la France. En effet, l'attestation la plus ancienne de sa présence dans cette partie du pays date du Boréal (PTH, 1998). Il est donc probable que le Mulot ne s'est établi spontanément dans la partie septentrionale du pays qu'au début de l'Holocène. Durant la première partie du Néolithique, avant que la Souris domestique, Mus musculus, n'envahisse la France, processus qui a débuté aux alentours de l'Âge du Bronze, au 3ème millénaire avant J.-C., le Mulot sylvestre occupait probablement la niche commensale que la Souris occupe actuellement (Mistrot & Vigne, 1996-97 ; Vigne, 1997).

Par ailleurs, le Mulot sylvestre est absent des faunes pléistocènes de Corse. Sur cette île, ses restes les plus anciens sont datés de la fin du Néolithique, au 3ème millénaire avant J.-C. (Vigne, 1988), époque où la Souris domestique n'était probablement pas encore présente (Vigne, 1999). Au début de la période antique, sous l'effet de la concurrence exercée par la Souris domestique et le Rat noir, Rattus rattus, présents alors, le Mulot sylvestre fréquentait surtout le maquis bas, la Souris domestique les zones de végétation basse et le Rat noir les zones plus forestières (Vigne & Valladas, 1996). Cette partition écologique des milieux fréquentés et exploités par ces trois muridés allochtones est encore observable de nos jours sur l'île (Granjon & Cheylan, 1988). Par ailleurs, le Mulot sylvestre, actuellement présent sur certaines îles de l'Atlantique insularisées vers 10 000 ans avant J.- C., est absent des couches de l'âge du Fer de la fouille d'Ouessant alors que ces couches rescellent des restes de deux arvicolidés actuellement absents de la faune locale, le Campagnol des champs, Microtus arvalis et le Campagnol nordique M. oeconomus (Le Bihan & Villard, 2001 ; Mistrot, inédit ; Pascal et al., 2002). Ces faits suggèrent que l'espèce, anthropophile, a probablement été introduite sur ces îles à une époque postérieure à l'âge du Fer.

Le Mulot sylvestre est donc une espèce autochtone de la partie continentale de la France méridionale. Il aurait envahi spontanément sa partie septentrionale au début de l'Holocène et a été introduit en Corse au plus tard au 3ème millénaire avant J.-C. et peut être un peu plus tard sur certaines îles de l'Atlantique (Ouessant, Archipel de Molène).

Son impact sur ses écosystèmes d'accueil n'est pas documenté et ses populations insulaires ne font pas l'objet d'opérations de gestion.

Ressources
Experts
Fiche rédigée par Jean-Denis VIGNE
Muséum national d'Histoire naturelle
Anatomie Comparée
55 rue Buffon
75005 Paris
Bibliographie

Chaline J., 1972. Les Rongeurs du Pléistocène moyen et supérieur de France. CNRS Ed. Paris : 410 pp.

Granjon L. & Cheylan G., 1988. Mécanismes de coexistence dans une guilde de muridés insulaires (Rattus rattus L., Apodemus sylvaticus L. et Mus musculus domesticus Rutty) en Corse : conséquences évolutives. Z. Säugetierkunde, 53 : 301-316.

Le Bihan J.-P. & Villard J.-F., 2001. Le site archéologique de Mez-Notariou et le village du premier âge du Fer. Centre archéologique du Finistère & Revue Archéologique de l'Ouest : 351 pp.

Michaux J.-R., Magnanou E., Paradis E., Nieberding C. & Libois R., 2003. Mitochondrial phylogeography of the woodmouse (Apodemus sylvaticus) in the Western Palearctic region. Mol. Ecol., 12 : 655-697.

Mistrot V. & Vigne J.-D. (1996-97). L'apport des micromammifères. In : Les niveaux de l'Age du bronze du Mourre de la Barque à Jouques (Bouches-du-Rhône) - Première analyse du mobilier et reconstitution paléoenvironnementale (S. Renault dir.). Doc. Archéol. Méridionale, 19-20 : 49-51.

Pascal M., Siorat F., Brithmer R., Culioli J.-M. & Delloue X., 2002. La biodiversité insulaire au péril des espèces introduites. Pen ar Bed, 184/185 : 80-86.

Vigne J.-D., 1988. Les mammifères post-glaciaires de Corse, étude archéozoologique. XXVIème suppl. à Gallia Préhistoire, Éditions du CNRS, Paris : 337 pp.

Vigne J.-D., 1997. Les micromammifères au Néolithique final à Clairvaux-MM et à Chalain 3 : contribution à l'histoire du commensalisme, In : Les sites littoraux néolithiques de Clairvaux-les- Lacs et de Chalain (Jura), 3, Chalain station 3, 3200-2900 av. J.-C (Pétrequin P. dir.). Maison des Sciences de l'Homme, Paris : 717-722.

Vigne J.-D., 1999. The large "true" Mediterranean islands as a model for the Holocene human impact on the European vertebrate fauna ? Recent data and new reflections. In : The Holocene History of European Vertebrate Fauna. Modern Aspects and Research (Benecke N. Ed.). Deutsches Archäologisches Institut Eurasien-Abteilung. Verlag Marie Leidorf GmbH Rahden/Westf. : 295-322.

Vigne J.-D. & Valladas H., 1996. Small Mammal Fossil Assemblages as Indicators of Environmental Change in Northern Corsica during the Last 2500 Years. J. Archaeol. Sci., 23 : 199-215.

Wilson Don E. & Reeder DeeAnn M. (Eds), 1993. Mammals species of the world. Smithsonian Institut Press, Washington & Londres : 1207 pp.