Citation de cette fiche : Pascal M. & Vigne J.-D., 2003. Le Cerf élaphe : Cervus elaphus Linné, 1758. Pages 294-295, in : Évolution holocène de la faune de Vertébrés de France : invasions et disparitions (M.Pascal, O. Lorvelec, J.-D. Vigne, P. Keith & P. Clergeau, coordonnateurs), Institut National de la Recherche Agronomique, Centre National de la Recherche Scientifique, Muséum National d'Histoire Naturelle (381 pages). Rapport au Ministère de l'Écologie et du Développement Durable (Direction de la Nature et des Paysages), Paris, France. Version définitive du 10 juillet 2003.
Le Cerf élaphe
L'aire de répartition du Cerf élaphe, circum-holarctique, s'étend de l'Afrique du Nord à l'Ussuri en Sibérie d'une part, et en l'Amérique du Nord d'autre part. Par ailleurs, l'espèce a été introduite dans de nombreuses autres régions du Monde, dont le sud de l'Amérique du Sud, l'Australie et la Nouvelle-Zélande (Wilson & Reeder, 1993).

Le Cerf élaphe, est apparu en France au Pléistocène moyen (Guérin, 1996). Durant la première moitié du Tardiglaciaire, il n'occupe que la moitié sud de la France (PTH, 1998). Mais, dès avant l'Alleröd (12 000 avant J.-C.), il conquiert l'ensemble du territoire continental non-méditerranéen (PTH, 1998), et devient, au début de l'Holocène, l'ongulé sauvage le plus répandu avec le Sanglier (Bridault, 1997 ; Vigne et al., 1999).

Encore présent sur l'ensemble du territoire continental de la France au début des temps historiques, son aire de répartition a régressé sous l'effet conjugué des défrichements et de la chasse. Au 19ème siècle, l'espèce a complètement disparu de la moitié sud du pays, secteur du territoire qu'elle reconquiert progressivement depuis les années 1970 (Tombal & Urbano, 1985). Klein (1990) évoque sa réintroduction dans divers massif forestier de la France continentale.

Il a été introduit en Corse à l'époque romaine, voire, un peu avant (Vigne, 1999), soit à partir de populations italiennes continentales de petite taille, soit à partir de celles de Sardaigne introduites sur cette île depuis la fin du Néolithique au moins. La petite taille des sujets insulaires a précocément intrigué les naturalistes et Buffon (1756) nous livre en ces termes les conclusions d'une expérience en rapport avec la problématique émergée récemment du syndrome d'insularité : « Et ce qui m'a convaincu que la grandeur et la taille des cerfs en général dépendaient absolument de la quantité et de la qualité de la nourriture, c'est qu'en ayant fait élever un [cerf de Corse] chez moi, et l'ayant nourri largement pendant quatre ans, il était à cet âge beaucoup plus haut, plus gros, plus étoffé que les plus vieux cerfs de mes bois, qui cependant sont de belle taille ». Les populations corses du Cerf élaphe se seraient éteintes à la fin des années 1960 (Vigne & Marinval-Vigne, 1988 ; Dubray, 1990).
Une nouvelle introduction de l'espèce sur l'île a été entreprise dès 1985 à partir de sujets en provenance de Sardaigne où l'espèce est également allochtone (Dubray, 1990). Deux populations initialement confinées dans des enclos ont été maintenant relâchées dans les communes de Quenza et de Piana.

L'impact de l'espèce sur les écosystèmes corses à la suite de ces deux épisodes d'introduction n'est pas spécifiquement documenté. Le Cerf élaphe est classé gibier selon la législation française et la gestion de ses populations répond aux règles de la cynégétique.

Ressources
Experts
Fiche rédigée par Michel PASCAL
Insitut National de la Recherche Agronomique
Campus de Beaulieu - Avenue du Général Leclerc
35042 Rennes Cedex

Jean-Denis VIGNE
Muséum national d'Histoire naturelle
Anatomie Comparée
55 rue Buffon
75005 Paris
Bibliographie

Bridault A., 1997. Chasseurs, ressources animales et milieux dans le nord de la France de la fin du Paléolithique à la fin du Néolithique : problématique et état de la recherche. In : Actes 119e Congr. Nat. Soc. Hist. Scient., Amiens, 1994, Pré- et Protohistoire. Paris, CTHS : 165-176.

Buffon, 1756. Histoire Naturelle, générale et particulière, avec la description du Cabinet du Roi. Tome 6, p. 95.

Dubray D., 1990. Réintroduction du Cerf de Corse (Cervus elaphus corsicanus) en Corse : problématique et état actuel de l'opération. Revue d'Ecologie (Terre & Vie), Suppl. 5 : 135-144.

Guérin C., 1996. Ordre des Artiodactyles. In : Les grands mammifères plio-pléistocènes d'Europe (Guérin C. & Patou-Mathis M. edts.). Masson, Paris : 33-106.

Klein F., 1990. La réintroduction du Cerf Cervus elaphus. Revue d'Ecologie (Terre & Vie). Suppl. 5 : 131-134.

PTH, 1998. Base de données constituée entre 1994 et 1998 dans le cadre du Programme National Diversité Biologique (PNDB) du CNRS (Programme Environnement, Vie et Société) pour les besoins du projet "Processus Tardiglaciaires et Holocènes de mise en place des faunes actuelles" (PTH). Gestion scientifique de la base : Archéozoologie et Histoire des Sociétés, CNRS - Muséum National d'Histoire Naturelle (ESA 8045), Paris.

Tombal G & Urbano S., 1985. Le Cerf élaphe Cervus elaphus. In : Atlas des Mammifères de France. Société Française pour l'Étude et la Protection des Mammifères - Muséum National d'Histoire Naturelle, Paris : 218-219.

Vigne J.-D., 1999. The large “true” Mediterranean islands as a model for the Holocene human impact on the European vertebrate fauna ? Recent data and new reflections. In : The Holocene History of European Vertebrate Fauna. Modern Aspects and Research (N. Benecke, editor). Deutsches Archäologisches Institut Eurasien-Abteilung. Verlag Marie Leidorf GmbH Rahden/Westf. : 295-322.

Vigne J.-D. & Marinval-Vigne M.-C., 1988. Contribution à la connaissance du Cerf de Corse (Cervus elaphus, Artiodactyla, Mammalia) et de son histoire. Bulletin d'Ecologie, 19 (2-3) : 177-187.

Vigne J.-D. et al., 1999. La faune à 8000 ± 1000 ans BP. In : Antoine P. et al., La France pendant les deux derniers extrêmes climatiques. Variabilité naturelle des environnements. Cartes à 1/ 1 000 000. Paris : CNF-INQUA et ANDRA, 67 p., 2 cartes 1/1000000e.

Wilson Don E. & Reeder DeeAnn M. (Eds), 1993. Mammals species of the world. Smithsonian Institut Press, Washington & Londres : 1207 pp.