Citation de cette fiche : Léger F., 2003. Le Raton laveur : Procyon lotor (Linné, 1758). Pages 286-288, in : Évolution holocène de la faune de Vertébrés de France : invasions et disparitions (M.Pascal, O. Lorvelec, J.-D. Vigne, P. Keith & P. Clergeau, coordonnateurs), Institut National de la Recherche Agronomique, Centre National de la Recherche Scientifique, Muséum National d'Histoire Naturelle (381 pages). Rapport au Ministère de l'Écologie et du Développement Durable (Direction de la Nature et des Paysages), Paris, France. Version définitive du 10 juillet 2003.
Le Raton laveur
L'aire de répartition initiale du Raton laveur couvre le sud du Canada, l'ensemble du territoire des Etats-Unis à l'exception d'une partie des Montagnes Rocheuses, et l'Amérique Centrale jusqu'au Panama. L'espèce a été introduite dans plusieurs îles des Antilles, dans plusieurs Républiques de l'ex-Union Soviétique et en Europe de l'Ouest (Wilson & Reeder, 1993).

Au cours des années 1920, l'élevage pelletier connaît un grand essor en Europe et le Raton laveur figure au nombre des espèces élevées. En 1931, l'Allemagne compte un cheptel de 932 sujets répartis dans 136 élevages (Wolf, 1931). À la même époque, quelques dizaines de couples sont présents dans 5 élevages français du Haut-Rhin, du Bas-Rhin, de l'Essonne, du Lot-et-Garonne et du Finistère (François Léger, données non publiées). La première mention française d'un Raton laveur dans le milieu naturel remonte à 1934 dans le Haut-Rhin (Niethammer, 1963). L'animal, échappé de la renardière de Thannenkirch en activité de 1924 à 1932, ne fonda pas de population (Léger & Bosshardt, 1989, 1995 ; Léger, 2001) et il fallut attendre le début des années 1960 pour que de nouvelles observations occasionnelles soient enregistrées. Les deux noyaux de populations actuels de France n'ont donc pas pour origine des individus échappés d'élevages français. Celui de l'Aisne résulte d'une introduction sur le territoire national, celui de l'Alsace, de la Lorraine et des Vosges, d'une colonisation à partir de populations marronnes allemandes.
L'actuelle population marronne de l'Allemagne a pour origine deux couples lâchés en 1934 dans le Land de la Hesse, et des individus échappés d'élevage à la fin de la seconde guerre mondiale (Müller-Using, 1959 ; Lutz, 1984). L'accroissement de l'aire de répartition de l'espèce s'est fait lentement et de façon isotrope (Röben, 1975 ; Lagoni-Hansen, 1981 ; Lutz, 1984 ; Stubbe, 1990). En 1964, la partie nord-est de la région de Rhénanie-Palatinat située sur la rive droite du Rhin est colonisée (Röben, 1975). Le Rhin est franchi vers 1970 et l'espèce est signalée dans la Sarre en 1974 (Lutz, 1984), le Luxembourg en 1977 (Pelt, 1979), le sud des Pays-Bas, notamment le Brabant septentrional et le sud du Limbourg (Hoekstra, 1983) dès l'hiver 1974-1975, la Belgique enfin, où la première observation validée sera rapportée en 1986 (Libois, 1987).

Les premiers signalements en France de transfuges allemands datent du début des années 1970 (Wecker, 1979 ; Anonyme, 1979 ; Baumgart, 1980) et proviennent d'Alsace et du département de la Moselle. Si ces mentions demeurent rares, l'importance et la proximité de l'actuelle population allemande et l'apparente lenteur de la vitesse de colonisation de l'Allemagne de l'Ouest par l'espèce laissent supposer que le Raton laveur est parfaitement susceptible de s'implanter prochainement sur l'ensemble des territoires alsacien et lorrain (Léger, 1999).
L'importante population actuelle du département de l'Aisne a pour origine des sujets détenus comme mascottes par les troupes américaines de l'OTAN stationnées à Couvron, près de Laon. Certains de ces sujets se sont évadés ou ont été lâchés lors du départ de ces troupes en 1966 (Léger, 1999). L'aire de répartition de cette population s'est rapidement accrue, débordant sur plusieurs départements limitrophes tels ceux de l'Oise, de la Marne et des Ardennes, pour atteindre récemment le département de la Meuse via la vallée de la Marne (François Léger, données non publiées). Cette extension de l'aire de répartition s'est accompagnée d'un accroissement des effectifs. Les statistiques de la Fédération Départementale des Chasseurs de l'Aisne font état de la capture annuelle de 300 à 500 ratons laveurs à la fin des années 1990 pour ce seul département.
En dehors des aires géographiques évoquées ci-dessus, des observations et des captures occasionnelles de ratons laveurs sont rapportées de plus de 10 départements depuis les années 1960 (Dubost, 1962 ; Chaigneau, 1964 ; de Beaufort, 1968). À titre d'exemple, entre 2000 et 2002, 9 Ratons laveurs ont été capturés ou formellement identifiés en Bretagne à l'occasion des opérations de piégeage de Ragondins (Léger, 2003). Il a été établis pour la plupart de ces sujets qu'il s'agissait d'animaux fugitifs détenus à l'origine par des particuliers. Ceci révèle, d'une part, une fréquence insoupçonnée de la détention de l'espèce par des particuliers et, d'autre part, le risque occasionné par ce type de détention.

L'impact des populations marronnes du Raton laveur sur ses écosystèmes d'accueil français n'est pas documenté.

Si ses populations françaises n'ont pas fait l'objet d'opérations de gestion spécifiques, le Raton laveur figure sur les listes des espèces susceptibles d'être classées nuisibles et gibier.

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Fiche rédigée par François LEGER
Bibliographie

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