Citation de cette fiche : Keith P., 2003. Le Gardon : Rutilus rutilus (Linné, 1758). Pages 122-123, in : Évolution holocène de la faune de Vertébrés de France : invasions et disparitions (M.Pascal, O. Lorvelec, J.-D. Vigne, P. Keith & P. Clergeau, coordonnateurs), Institut National de la Recherche Agronomique, Centre National de la Recherche Scientifique, Muséum National d'Histoire Naturelle (381 pages). Rapport au Ministère de l'Écologie et du Développement Durable (Direction de la Nature et des Paysages), Paris, France. Version définitive du 10 juillet 2003.
Le Gardon
Des restes osseux de gardons figurent dans des assemblages archéologiques français du Paléolithique supérieur du Bassin de la Garonne (Aurignacien : Bezenac, Le Flageolet ; Magdalénien : Couse, Lisle et St. Rabier) et du Bassin du Rhône (Magdalénien : Sainte-Anastasie) (Cleyet-Merle, 1990 ; Keith, 1998).
Espèce d'Europe centrale et de l'Est, la limite septentrionale de son aire de répartition initiale comprend la Finlande, la Suède et l'Angleterre, sa limite méridionale, les Alpes et le Bosphore.

Autochtone d'une partie continentale du territoire européen de la France, il a été introduit en Corse en 1970 dans 3 plans d'eau artificiels de la plaine orientale de l'île (Réservoirs de Peri, Teppe-Rosse, Alzitone) afin de créer une activité de pêche sportive de deuxième catégorie inexistante alors. C'est à partir des populations établies dans ces sites que les pêcheurs disséminèrent l'espèce dans divers barrages (Ospedale, Tolla), gravières (Porto-Vecchio, Gravona), canaux (Biguglia) et cours de grandes rivières (Gravona, Tavignano) de l'île (Roché & Mattei, 1997).

En France, la pisciculture produit près de 2000 tonnes de gardons par an destinées essentiellement à la constitution et à l'entretien de stocks de poissons fourrages, mais aussi à la fourniture de vifs pour la pêche sportive, le Gardon constituant le vif le plus recherché pour la pêche au coup (Le Louarn et al., 2001). Ces apports, numériquement importants et régulièrement répétés sur de nombreux écosystèmes naturels, présentent des risques sanitaires importants, non spécifiquement démontrés à ce jour en France et de perturbations du fonctionnement de ces écosystèmes (Le Louarn et al., 2001). En effet, le Gardon, outre qu'il manifeste une forte capacité à s'hybrider avec beaucoup d'espèces de cyprinidés entraînant un risque de pollutions génétiques, est un important vecteur d'agents de deux maladies parasitaires : la ligulose, due à Ligula intestinalis, dans les lacs et réservoirs où pullulent des populations de copépodes, hôtes intermédiaires du cycle parasitaire, et la bucéphalose larvaire, due à Bucephalus polymorphus, dont il héberge les métacercaires dans son tissu musculaire se transformant ainsi en proie infestante pour les espèces de poissons ichtyophages (Lambert, 1997).

En Corse, l'impact du Gardon sur le fonctionnement de ses écosystèmes d'accueil n'est pas documenté et ses populations n'y font pas l'objet de mesures de gestion spécifiques.

Ressources
Experts
Fiche rédigée par Philippe KEITH
Muséum National d'Histoire Naturelle
Département des milieux et peuplements aquatiques
57 rue Cuvier
75005 Paris
Bibliographie

Cleyet-Merle J.J., 1990. La préhistoire de la pêche. Collection des Hespérides, Errance Éd., Paris : 195 pp.

Keith P., 1998. Evolution des peuplements ichtyologiques de France et stratégies de conservation. Thèse Université de Rennes I : 236 pp.

Lambert A., 1997. Introduction de poissons dans les milieux aquatiques continentaux : "Quid de leurs parasites ?". Bulletin Français de Pêche et de Pisciculture, 344/345 : 323-333.

Le Louarn H., Feunteun E. & Laffaille P., 2001. Le Gardon Rutilus rutilus (Linné, 1758). In : Atlas des poissons d'eau douce de France (Keith P. & Allardi J. Édit.). Patrimoines naturels, MNHN, Paris, n°47 : 196-197.

Roché B. & Mattei J., 1997. Les espèces animales introduites dans les eaux douces de Corse. Bulletin Français de Pêche et de Pisciculture, 344/345 : 233-241.