Citation de cette fiche : Thirion J.-M. & Fouquet A., 2003. Le Xénope lisse : Xenopus laevis (Daudin, 1802). Pages 148-150, in : Évolution holocène de la faune de Vertébrés de France : invasions et disparitions (M.Pascal, O. Lorvelec, J.-D. Vigne, P. Keith & P. Clergeau, coordonnateurs), Institut National de la Recherche Agronomique, Centre National de la Recherche Scientifique, Muséum National d'Histoire Naturelle (381 pages). Rapport au Ministère de l'Écologie et du Développement Durable (Direction de la Nature et des Paysages), Paris, France. Version définitive du 10 juillet 2003.
Le Xénope lisse
Le genre Xenopus présente une aire de répartition couvrant essentiellement la partie du continent africain située au sud du Sahara. Parmi la quinzaine d'espèces recensée, le Xénope lisse (nom vernaculaire recommandé par Lescure & Le Garff, sous presse) se rencontre dans des zones de savane comprises entre, au sud, la République d'Afrique du Sud et, au nord, le Kenya, l'Ouganda, la République Démocratique du Congo et le Cameroun (Anonyme, 2002). Cinq sous-espèces sont généralement reconnues pour ce taxon (laevis, petersii, victorianus, poweri, sudanensis).

Le Xénope lisse a été utilisé à grande échelle dans les années 1950 pour opérer des tests de grossesse et, plus récemment, comme animal de laboratoire notamment dans la recherche en biologie du développement (Tinsley & Kobel, 1996). Ces utilisations sont probablement à l'origine de son introduction involontaire en Californie (Beebee & Griffiths, 2000), dans l'île de Wight vers 1962 où il n'aurait pas fait souche et au sud du Pays de Galles en 1979 où une population s'est établie (Tinsley & McCoid, 1996). Jusqu'au début des années 1990, il existait une population dans une mare du sud-est de Londres qui a certainement disparu depuis, en raison de la prédation exercée par des poissons (Beebee & Griffiths, 2000). L'espèce a également été introduite à Java (Anonyme, 2002).

En France, la première mention de la présence de Xénopes remonte à la découverte de quelques stations dans le nord des Deux-Sèvres par Bernard Canteau (Fouquet, 2001). Un ancien centre d'élevage d'animaux destinés au Centre National de la Recherche Scientifique, situé à Bouillé-Saint-Paul dans l'Argentonnais, serait à l'origine de leur introduction involontaire au début des années 1990 (Claude Nottebaert, comm. pers., 2001). Depuis, la présence de Xénopes a été signalée dans douze communes du nord des Deux- Sèvres et du sud du Maine et Loire notamment, de part et d'autre d'affluents de la Loire.
Une détermination spécifique des Xénopes présents en France a été réalisée en janvier 2002, qui les rapporte au Xénope lisse et, plus précisément, à la sous-espèce nominale (données non publiées).

Le Xénope lisse est une espèce opportuniste disposant d'un fort potentiel reproducteur, ses pontes pouvant atteindre plusieurs milliers d'oeufs. Dans son aire africaine d'origine, il occupe, généralement en densité importante, de nombreux types de pièces d'eau, des mares permanentes aux trous d'eau boueux (Beebee & Griffiths, 2000). Les études de dynamique de population les plus fines ont été réalisées en Californie où McCoid & Fritts ont déterminé qu'il atteint sa maturité sexuelle à huit mois et qu'il est capable de se reproduire durant une large période du cycle annuel (in Measey, 1998). Le Xénope lisse passe la majeure partie de son temps dans l'eau mais peut effectuer des déplacements terrestres de plusieurs centaines de mètres, ce qui lui confère une capacité importante à coloniser de nouvelles mares (Beebee & Griffiths, 2000). Ainsi, Measey (1998) mentionne un individu qui s'est déplacé de 200 m en 48 heures, traversant une rivière, un bois dense, une route et une carrière. Au Pays de Galles, l'espèce se reproduit dans la citerne enterrée d'un château abandonné ainsi que dans les ruisseaux et les mares alentours (Tinsley & McCoid, 1996). À l'heure actuelle, en Grande-Bretagne, on ignore l'impact du Xénope lisse sur ses écosystèmes d'accueil, en particulier sur les espèces d'Amphibiens autochtones avec lesquelles il se trouve (Beebee & Griffiths, 2000).
En France, le Xénope lisse constitue des populations parfois très denses et occupe quasi systématiquement les milieux aquatiques stagnants, des mares envahies par la végétation aux étangs fraîchement creusés et empoissonnés (Fouquet, 2001 & 2002). L'analyse stomacale de quelques individus (les femelles peuvent atteindre 120 mm et 220 g) a montré qu'il consomme poissons et invertébrés.
L'impact du Xénope lisse sur ses écosystèmes d'accueil français n'a pas encore fait l'objet de recherches spécifiques et aucune opération de gestion n'a été entreprise à ce jour à l'encontre de cette espèce. En regard des données collectées dans d'autres pays où il a été introduit, il constitue en France un risque majeur pour l'environnement par sa capacité à générer de graves perturbations écologiques.

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Fiche rédigée par Jean-Marc THIRION

Antoine FOUQUET
Bibliographie

Anonyme, 2002. Xenopus laevis (Daudin, 1802). In : Amphibian Species of the World : an online reference (D.R. Frost, eds). V2.21 (15 July 2002). Electronic database available at http :// research.amnh.org/ herpetology/ amphibia/ index.html. American Museum of Natural History.

Beebee T. & Griffiths R., 2000. Amphibians and Reptiles, a natural history of the british herpetofauna. Harper Collins Publishers, London, UK : 270 pp.

Fouquet A., 2001. Des clandestins aquatiques. Zamenis, 6 : 10-11.

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Lescure J. & Le Garff B., sous-presse. L'étymologie des noms des Amphibiens et Reptiles. Éditions Éveil Nature.

Measey J., 1998. Feral Xenopus laevis in South Wales, UK. http :// botany.uwc.ac.za/ presents/ FocusOn/ frogs/ Xenopu.htm.

Poynton J.C. & Broadley D.G., 1985. Amphibia Zambesiaca. 1. Scolecomorphidae, Pipidae, Microhylidae, Hemisidae, Arthroleptidae. Annales of the Natal Museum, 26 (2) : 503-553.

Tinsley R.C. & Kobel H.R., 1996. The biology of Xenopus. Oxford University Press, Oxford, UK : 440 pp.

Tinsley R.C. & McCoid M.J., 1996. Feral populations of Xenopus outside Africa. Pp 81-94, in : The biology of Xenopus (R.C. Tinsley & H.R. Kobel, editors). Oxford University Press, Oxford, UK : 440 pp.