Citation de cette fiche : Dupré A., Frétey T. & Lorvelec O., 2003. La Tortue mauresque : Testudo graeca Linné, 1758. Pages 160-162, in : Évolution holocène de la faune de Vertébrés de France : invasions et disparitions (M.Pascal, O. Lorvelec, J.-D. Vigne, P. Keith & P. Clergeau, coordonnateurs), Institut National de la Recherche Agronomique, Centre National de la Recherche Scientifique, Muséum National d'Histoire Naturelle (381 pages). Rapport au Ministère de l'Écologie et du Développement Durable (Direction de la Nature et des Paysages), Paris, France. Version définitive du 10 juillet 2003.
La Tortue mauresque
L'aire de répartition initiale de la Tortue mauresque, appelée également Tortue grecque en référence au dessin "en frise grecque" de sa carapace et non à son origine, occupe un vaste territoire autour et à l'est de la Méditerranée, depuis le sud de l'Espagne jusqu'en Afghanistan, en passant par l'Afrique du nord, la Grèce, la Turquie et le Moyen- Orient (Bonin et al., 1996).

Plusieurs sous-espèces sont généralement retenues à l'intérieur de ce taxon mais les individus présents en France n'ont pas été rapportés à une (ou plusieurs) sous-espèce à ce jour. Il convient de noter que deux sous-espèces, Testudo graeca graeca et T. g. ibera possèdent des populations européennes, situées au sud-ouest de l'Europe pour la première et au sud-est pour la seconde. Ces deux taxons sont parfois placés dans des espèces distinctes (e.g. David, 1994 ; Bour, 2002), respectivement T. graeca et T. terrestris.
La Tortue mauresque a été introduite en diverses régions, notamment en France continentale, aux îles Canaries, à Gibraltar, dans la péninsule italienne, en Sardaigne, en Sicile, à Malte, en Crête et dans le Péloponnèse, régions où des populations se sont parfois établies (Lambert, 1997).

La Tortue mauresque a longtemps été importée en France pour la consommation humaine (Mondini, 1990) et comme animal de compagnie d'où son nom usuel de "Tortue de jardin". Elle a donc été vendue tant dans les poissonneries que dans les graineteries-animaleries. Espèce introduite, elle a pourtant été inscrite le 12 mai 1979 sur la liste des Amphibiens et Reptiles protégés sur l'ensemble du territoire français. Quelques mois plus tard, le 12 janvier 1980, pour des raisons sanitaires évidentes, les autorités françaises (poussées par des scientifiques) ont cependant été amenées à en interdire la vente dans les poissonneries (Lescure, 1980). Bien que l'espèce soit inscrite en annexe 2 de la CITES (Anonyme, 2001), de nombreux individus sont toujours proposés à la vente dans les souks, notamment au Maroc (Devaux, 2001) et continuent à peupler des jardins, des balcons et des appartements partout en France, amenuisant ainsi considérablement les populations naturelles de la Tortue mauresque dans les pays du Maghreb (Dupré, 2001 ; Slimani et al., 2001).
Des individus de cette espèce, remis en liberté par leur propriétaire ou échappés de jardins (Risch, 1979 ; Cheylan & Geniez, 1987), se rencontrent actuellement partout en France et se reproduisent parfois, au moins dans des jardins. Les départements du sud de la France continentale et la Corse offrent des conditions climatiques relativement favorables à cette espèce. Même si l'abondance des individus peut y apparaître faible actuellement, la pérennisation de populations reproductrices localisées et autonomes est susceptible de s'y produire, comme cela semble être le cas dans d'autres régions européennes méditerranéennes.

Dans certains départements du sud de la France continentale et en Corse, la Tortue mauresque est susceptible de rencontrer une espèce autochtone, la Tortue d'Hermann (T. hermanni), créant un risque de contamination sanitaire par le transfert de salmonelles (Nouët, 1979) et surtout d'herpesvirus (Blahak & Biermann, 1995). Dans ces zones, des risques d'hybridation entre les deux espèces sont également à prendre en considération. Il convient de noter que les importations et l'introduction, dans une moindre mesure et jusqu'en 1979 (Dumont, 1981), de la sous-espèce allochtone de la Tortue d'Hermann, la Tortue d'Hermann des Balkans (T. h. boettgeri), sont susceptibles d'occasionner les mêmes types de problèmes vis-à-vis de la forme autochtone de cette espèce (T. h. hermanni).

L'impact de la Tortue mauresque sur la composition et le fonctionnement de ses écosystèmes d'accueil n'a pas fait l'objet d'études particulières en France et aucune opération de gestion in situ n'a été menée à ce jour.

Ressources
Experts
Fiche rédigée par Alain DUPRÉ

Thierry FRETEY

Olivier LORVELEC
Insitut National de la Recherche Agronomique
Campus de Beaulieu - Avenue du Général Leclerc
35042 Rennes Cedex
Bibliographie

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