Citation de cette fiche : Siorat F., Pascal M. & Clergeau P., 2003. Le Fulmar boréal : Fulmarus glacialis (Linné, 1761). Pages 174-175, in : Évolution holocène de la faune de Vertébrés de France : invasions et disparitions (M.Pascal, O. Lorvelec, J.-D. Vigne, P. Keith & P. Clergeau, coordonnateurs), Institut National de la Recherche Agronomique, Centre National de la Recherche Scientifique, Muséum National d'Histoire Naturelle (381 pages). Rapport au Ministère de l'Écologie et du Développement Durable (Direction de la Nature et des Paysages), Paris, France. Version définitive du 10 juillet 2003.
Le Fulmar boréal
Le Fulmar boréal est une espèce à l'origine strictement arctique, du Pacifique et de l'Atlantique nord. Au 18ème siècle, ses colonies de reproduction de l'Atlantique Nord sont localisées au Groenland, sur deux îlots au nord de l'Islande et sur un troisième situé à l'ouest de l'Écosse (Fischer, 1952, 1966 in Cramp, 1977). C'est en 1753 qu'apparaissent les premiers signes de l'expansion de l'espèce avec la colonisation du sud de l'Islande. Poursuivant sa progression vers le sud, le Fulmar boréal colonise successivement les îles Féroé en 1839, les îles britanniques en 1878, l'Irlande en 1909, les côtes anglaises de la Manche en 1951, les Sept-Îles en 1960, la Normandie en 1971 (Milon, 1960 ; Monnat, 1973). Les côtes de la Norvège et de l'Allemagne sont atteintes respectivement en 1921 et 1972.

Absente des assemblages paléontologiques du Pléistocène de France (Mourer- Chauviré, 1993), le statut d'allochtone de l'ensemble du territoire européen de la France qui lui est conféré ici repose sur la base de considérations biogéographiques et historiques.

Au début du 21ème siècle, l'effectif de la population reproductrice de France qui s'étend jusqu'à Belle-île est estimé à 1 350 couples dont les deux tiers sont localisés en Normandie (Cadiou, 2002).

La rapide conquête de vastes zones de reproduction par cette espèce a vivement intéressé les spécialistes des invasions biologiques (Williamson, 1996), et c'est à cet intérêt que l'on doit le caractère très documenté de l'histoire de cette invasion. En effet, le Fulmar boréal ne se reproduit pour la première fois qu'à un âge tardif, 6 à 17 ans pour les mâles (mode 8 ans), et 7 à 19 ans pour les femelles (mode 12 ans) et n'élève, au plus, qu'un jeune par an (Ollason & Dumet in Williamson, 1996). Les valeurs de ces paramètres démographiques, au demeurant caractéristiques des populations d'oiseaux marins (Hamer et al., 2002), sont totalement atypiques s'ils sont comparés à ceux de la majorité des espèces de vertébrés réalisant de tels épisodes d'invasion. Deux types d'hypothèses, non exclusives mais non validées à ce jour, ont été avancés pour expliquer l'étonnante et rapide progression méridionale de cette espèce. Le premier repose sur l'éventualité d'une évolution génétique survenue au sein même de l'espèce à l'origine de nouveaux comportements de colonisation (Wynne-Edwards, 1962 in Cramp, 1977). Le second type porte sur l'éventuelle évolution du milieu de vie de l'espèce et son adaptation à ces évolutions. Fisher (1966 in Cramp, 1977) évoque l'accès à une nouvelle et abondante ressource alimentaire constituée par les importants rejets des pêches baleinières et morutières des 18ème et 19ème siècles, puis des récentes pêches industrielles de l'Atlantique nord. Mais Brown (1970 in Cramp, 1977) fait remarquer que les zones d'alimentation du Fulmar boréal, très nordiques, ne recouvrent que très partiellement celles de ces rejets. Enfin, certains auteurs soulignent la coïncidence de cette expansion avec l'augmentation de la température de l'Atlantique nord survenue au cours du 20ème siècle et supposée à l'origine de nombreuses et importantes modifications de la répartition et de la composition des peuplements d'animaux marins de cette province biogéographique (Salomonsen, 1965 ; Brown, 1970 in Cramp, 1977). Il apparaît donc difficile de conclure sur le caractère spontané ou sub-spontané de l'extansion de l'aire de reproduction de l'espèce dans l'état actuel des connaissances.

L'impact de cette espèce piscivore sur ses écosystèmes d'accueil n'a pas fait l'objet d'études spécifiques. Inscrite sur la liste des oiseaux protégés en France et à l'annexe III de la convention de Berne (Dubois et al., 2000), le Fulmar boréal n'a pas fait l'objet de mesure de gestion particulière à ce jour en France.

Ressources
Experts
Fiche rédigée par François SIORAT

Michel PASCAL
Insitut National de la Recherche Agronomique
Campus de Beaulieu - Avenue du Général Leclerc
35042 Rennes Cedex

Philippe CLERGEAU
Muséum National d'Histoire Naturelle
Conservation des espèces
57 rue Cuvier
75005 Paris
Bibliographie

Cadiou B., 2002. Les oiseaux marins nicheurs de Bretagne. Les cahiers naturalistes de Bretagne. Région Bretagne. Bretagne Vivante - SEPNB, Brest. Edition Biotope : 135 pp.

Cramp S., 1977. Fulmarus glacialis Fulmar. In : Handbook of the Birds of Europe the Middle East and North Africa. Volume I. Ostrich to Ducks. Oxford University Press, Oxford : 121-128.

Dubois Ph.J., Le Maréchal P., Olioso G. & Yésou P., 2000. Inventaire des Oiseaux de France. Avifaune de la France métropolitaine. Nathan, Paris, F : 397 pp.

Dunnet G.M., Ollason J.C. & Anderson A., 1979. A 28-year study of breeding Fulmars Fulmarus glacialis in Orkney. Ibis, 121 : 293-300.

Fisher J., 1966. The fulmar population of Britain and Ireland. Bird Study, 13 : 5-76.

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Hamer K.C., Schreiber E.A. & Burger J., 2002. Breeding biology, life Histories, and life history-environment interactions in seabirds. In : Biology of marine birds (Schreiber E.A. & Burger J. Éditeurs). CRC Press Marine Biology Series, Boca Raton, Floride, USA : 217-261.

Milon P., 1960. Nidification du fulmar aux Sept-Iles. L'oiseaux et RFO, 32 : 283-284.

Monnat J.-Y., 1973. Statut actuel des oiseaux marins nicheurs en Bretagne, IX, Procellariiformes. Ar Vran, 6 : 1-10.

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Wynne-Edwards V.C., 1962. Animal dispersal in relation to social behaviour. Oliver & Boyd, Edinburgh, UK.