Citation de cette fiche : Siorat F., Pascal M. & Tresset A., 2003. Le Fou de Bassan : Morus bassanus (Linné, 1758). Pages 175-176, in : Évolution holocène de la faune de Vertébrés de France : invasions et disparitions (M.Pascal, O. Lorvelec, J.-D. Vigne, P. Keith & P. Clergeau, coordonnateurs), Institut National de la Recherche Agronomique, Centre National de la Recherche Scientifique, Muséum National d'Histoire Naturelle (381 pages). Rapport au Ministère de l'Écologie et du Développement Durable (Direction de la Nature et des Paysages), Paris, France. Version définitive du 10 juillet 2003.
Le Fou de Bassan
L'aire de reproduction du Fou de Bassan est actuellement strictement limitée à l'Atlantique Nord. Les restes fossiles les plus anciens du genre sont connus du Miocène (25- 13 M.a.) de Californie, et du Pliocène (5.5-1.5 M.a.) de Floride (Nelson, 2002) et l'écrit le plus ancien se rapportant à l'espèce date de 1448 (Fordun, 1448, in Nelson, 2002) et concerne la colonie de Bass Rock au large des côtes d'Ecosse. La colonie de St Kilda (Hébrides extérieures, Ecosse) ainsi que la chasse et l'utilisation de ses oiseaux – appelés Solan Geese (Oies de Solan), et de leurs oeufs par les îliens ont également été abondemment décrites par Martin Martin à la fin du 17e siècle (Martin, 1703).

Le Fou de Bassan est absent du répertoire paléontologique du Pléistocène de France (Mourer-Chauviré, 1993) et l'espèce est absente des assemblages archéozoologiques pourtant riches en oiseaux marins du Mésolithique et du début du Néolithique des îles bretonnes, Téviec, Hoedic et Quiberon (Anne Tresset, comm. pers.). Seuls deux sites archéologiques plus récents ont livré à ce jour des restes osseux de l'espèce. Le premier, gallo-romain, est situé dans la région de Marseille (Jourdan, 1976), le second, localisé à Etaples dans le Pas-de-Calais, est un site rural du 2ème siècle (Vadet, 1988). Le Fou de Bassan effectuant des déplacements importants en dehors de la période de reproduction, ces observations ne permettent pas de conclure à la reproduction de l'espèce in situ à cette époque, évènement dont, par ailleurs, il n'a pas été trouvé de trace écrite antérieure à 1939.
En effet, c'est à cette date que sa première reproduction a été observée en France sur l'île Rouzic, dans l'Archipel des Sept-Îles (Côtes d'Armor) (Milon, 1966), île qui constitue actuellement le seul site de reproduction de l'espèce pour le territoire, les tentatives isolées de nidifications observées depuis 1993 dans divers ports de Provence s'étant toutes soldées par des échecs à ce jour (Dubois et al., 2000). La colonie de l'île Rouzic comptait 1 000 couples en 1959, 5 000 couples en 1980, et 15 122 en 2000 (Milon,1966 ; Duncombe,1980 ; Siorat, 2001).

Cette expansion méridionale et orientale de l'aire de reproduction de l'espèce et l'augmentation des effectifs de la plupart de ses colonies depuis près d'un siècle a sans doute été encouragée par l'arrêt de sa chasse intervenue au début du 20ème siècle dans les pays anglo-saxons. Cependant, dans ces régions, l'augmentation des effectifs semble être un phénomène s'inscrivant dans la très longue durée puisqu'elle commence dès le Néolithique : en effet, la représentation de l'espèce dans les assemblages archéologiques du nord des Iles Britanniques ne cesse d'augmenter depuis 3500 avant J.-C. environ jusqu'au 16ème siècle de notre ère (Serjeantson, 2001). L'accroissement exponentiel de la colonie de l'Île Rouzic dans les années 1980 et 1990 est mis en rapport avec l'arrivée massive d'immigrants (Siorat & Rocamora, 1995).

Le statut d'allochtone de l'ensemble du territoire européen de la France qui est conféré ici au Fou de Bassan repose sur la base de considérations biogéographiques et historiques.

L'impact de cette espèce piscivore sur ses écosystèmes d'accueil est peu documenté. En France, comme sur le reste de son aire de répartition, sa relation aux espèces proies est très mal connue (Nelson, 2002). Sur l'Île Rouzic, la végétation a totalement disparu de la zone occupée par la colonie. Il en est de même du substrat meuble de l'ensemble des fortes pentes. Ce processus d'érosion a provoqué le colmatage de terriers de Macareux moines (Fratercula arctica) et de Puffin des Anglais (Puffinus puffinus) et la disparition de sites en falaise par le passé occupés par le Pétrel fulmar (Fulmarus glacialis) et la Mouette tridactyle (Rissa tridactyla) (Siorat, 1992).

Le statut de Réserve Naturelle conférée à l'Archipel des Sept-Îles constitue, en soit, une mesure de gestion conservatoire de l'espèce, qui est par ailleurs inscrite sur la liste des oiseaux protégés en France et à l'annexe III de la Convention de Berne (Dubois et al., 2000).

Ressources
Experts
Fiche rédigée par François SIORAT

Michel PASCAL
Insitut National de la Recherche Agronomique
Campus de Beaulieu - Avenue du Général Leclerc
35042 Rennes Cedex

Anne TRESSET
Muséum national d'Histoire naturelle
Anatomie Comparée
55 rue Buffon
75005 Paris
Bibliographie

Dubois Ph.J., Le Maréchal P., Olioso G. & Yésou P., 2000. Inventaire des Oiseaux de France. Avifaune de la France métropolitaine. Nathan, Paris, F : 397 pp.

Duncombre F., 1980. La réserve des Sept-Iles en 1980. Le Courrier de la Nature, 70 : 19-20.

Jourdan L., 1976. La faune du site gallo-romain et paléochrétien de La Bourse (Marseille). Éditions du CNRS, Paris, F : 338 pp.

Martin M., 1703 : A description of the Western Islands of Scotland circa 1695. Andrew Bell, Londres.

Milon P., 1966 L'évolution de l'avifaune nidificatrice de la réserve Albert Chapelier (les Sept-Iles) de 1950 à 1965. Terre et Vie, 30 : 113-142.

Mourer-Chauviré C., 1993. The Pleistocene avifauna of Europe. Archeofauna, 2 : 53-66.

Nelson B., 2002. The Atlantic Gannet. second Edition - Fenix Books Limited, (2ème Édition) : 396 pp.

Serjeantson D., 2001 : The Great Auk and the Gannet : a prehistoric perspective on the extinction of the Great Auk. International Journal of Osteoarchaeology, 11 : 43-55.

Siorat F.,1992. Evolution des effectifs de Fous de Bassan, Macareux moines et Puffin des Anglais sur l'archipel des Sept-Iles (Bretagne). Rapport LPO & Ministère de l'Environnement SRETIE : 45 pp.

Siorat F., 2001. Les oiseaux marins nicheurs de la Réserve Naturelle des Sept-Îles Effectifs de 1996 à 2000. Le Fou, Publication du Groupe d'Études Ornithologiques des Côtes d'Armor, 54 : 3-8.

Siorat F. & Rocamora G., 1995. Changes in numbers and distribution of the Northern Gannet (Morus bassanus) on Rouzic Island, (Réserve Naturelle des Sept-Îles, Bretagne), France 1939-1994. Colonial Waterbirds, 18 (2) : 172-178.

Vadet A., 1988. Les ossements du site des Sablins à Étaples. Bulletin de la Société Académique du Boulonnais, II (2) : 38-55.