Citation de cette fiche : Marion L., 2003. L'Aigrette garzette : Egretta garzetta (Linné, 1766). Pages 181-182, in : Évolution holocène de la faune de Vertébrés de France : invasions et disparitions (M.Pascal, O. Lorvelec, J.-D. Vigne, P. Keith & P. Clergeau, coordonnateurs), Institut National de la Recherche Agronomique, Centre National de la Recherche Scientifique, Muséum National d'Histoire Naturelle (381 pages). Rapport au Ministère de l'Écologie et du Développement Durable (Direction de la Nature et des Paysages), Paris, France. Version définitive du 10 juillet 2003.
L'Aigrette garzette
L'aire de reproduction de l'Aigrette garzette couvre l'ensemble des régions tempérées et tropicales de l'Eurasie et de l'Afrique. En Europe de l'ouest, cette espèce, après avoir été pratiquement exterminée pour satisfaire les besoins de l'industrie de la plumasserie au 19ème siècle, ne s'est apparemment réinstallée qu'au début du 20ème siècle en Camargue et plus récemment en péninsule ibérique et en Italie avant de connaître sa forte expansion européenne qui a débuté avec les années 1970 (Marion et al., 2000).

L'Aigrette garzette n'a jamais été mentionnée au nombre des espèces du Pléistocène d'Europe occidentale (Mourer-Chauviré, 1993), et aucun reste de cette espèce n'a jamais été identifié dans les séries archéologiques holocènes de France recensées à ce jour. Couperie (1970), analysant les espèces mises sur 41 marchés allant de 1602 à 1711, cite l'Aigrette garzette, et le Muséum de Nantes détient un sujet collecté à Grand-Lieu au printemps 1875 (Marion & Marion, 1975). Signalée nicheuse en Camargue dans la première moitié du 19ème siècle, elle en disparaît à la fin du siècle, s'y réinstalle en 1915 (Voisin, 1985), et le contrôle récent d'oiseaux bagués en Espagne et en Italie témoigne d'un brassage au sein de l'ensemble des populations de la Méditerranée occidentale (Hafner, 1994). Entre 1938 et 1968, quelques nouvelles colonies ne totalisant que 190 couples en 1989 s'établissent en France continentale (Dombes, Brenne, Sologne…) (Marion et al., 2000), l'origine de leurs fondateurs demeurant inconnu à ce jour.

À l'inverse de ces phénomènes relativement discrets situés à la marge septentrionale de l'aire de reproduction de l'espèce, est observée entre 1949 et 1955 la fondation, dans l'estuaire de la Loire puis sur les rives du lac de Grand-Lieu, d'une population atlantique qui a manifesté une forte croissance démographique passant de 80 couples à 5955 couples entre 1974 et 1994 (Marion et al., 2000). Cette forte croissance démographique s'est accompagnée de l'extansion de l'aire de répartition des colonies de reproduction qui se sont implantées des Pyrénées au Finistère, et ont atteint récemment la Manche, la Somme, les Pays-Bas et l'Angleterre (Marion et al., 2000). D'après Dubois et al. (2000), il faut voir une origine espagnole à la colonisation du littoral atlantique par l'Aigrette garzette. La croissance démographique et l'extansion de l'aire de reproduction de l'espèce enregistrées depuis les années 1970 sont à mettre en rapport avec l'augmentation de l'effectif des individus hivernants localement, l'augmentation de leur taux de survie hivernal (Marion, 1987 ; Hafner et al., 1994 ; Marion et al., 2000) et la pluviométrie enregistrée sur la péninsule ibérique (Hafner et al., 1999). En 1994, l'effectif français atteignait 9845 couples (Marion, 1997) et le dernier recensement national réalisé en 2000 devrait atteindre 13400 couples (Marion, en prép.).
Absente des assemblages paléontologiques du Pléistocène et de l'Holocène ancien de France, c'est sur la base d'arguments biogéographiques et d'histoire récente que cette espèce est considérée ici comme autochtone des rivages méditerranéens de la France continentale et allochtones des autres entités biogéographiques du pays qu'elle a récemment colonisées de façon spontanée.

L'impact de cette espèce piscivore (Hafner et al., 1993) sur ses écosystèmes d'accueil n'a pas fait l'objet d'études spécifiques.

Inscrite sur la liste des oiseaux protégés en France et à l'annexe I de la Directive Oiseaux (Dubois et al., 2000), l'espèce ne fait pas l'objet de mesure de gestion spécifique.

Ressources
Experts
Fiche rédigée par Loïc MARION
Bibliographie

Couperie P., 1970. Les marchés de pourvoierie : viandes et poissons chez les Grands au XVIIe siècle. In : Pour une histoire de l'Alimentation (Hémardinquer J.-J. Edit). Cahiers des Annales, 28, Armand Colin, Paris : 241-259.

Dubois Ph.J., Le Maréchal P., Olioso G. & Yésou P., 2000. Inventaire des Oiseaux de France. Avifaune de la France métropolitaine. Nathan, Paris, F : 397 pp.

Hafner H., Dugan P.J., Kerstein M., Pineau O. & Wallace J.P., 1993. Flock feeding and food intake in Little Egrets Egretta garzetta and their effects on food provisioning and reproductive success. Ibis, 135 : 25-32.

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Hafner H., Pineau O., Kayser Y. & Bennetts R., 1994. A re-analysis of the influence of reproduction on the following year's breeding population of Little Egrets in the Camargue, S. France. Revue Ecol. Terre Vie, 54 : 187-188.

Marion L. 1987. Effets de la vague de froid de janvier 1985 sur les populations françaises d'Ardéidés (Héron cendré, Aigrette garzette et Héron garde-boeufs). Ministère Environnement-Univ. Rennes 1 : 22 pp.

Marion L., 1997. Inventaire national des héronnières de France 1994. Héron cendré, Héron pourpré, Héron bihoreau, Héron garde-boeuf, Héron crabier, Aigrette garzette. Edition du Museum National d'Histoire Naturel, Paris : 121 pp.

Marion L. & Marion P., 1975. Contribution à l'étude écologique du lac de Grand-Lieu. Bull. Soc. Sc. Nat. Ouest France, n° h.s. : 611 pp.

Marion L. & Marion P., 1982. Le Héron garde-boeufs (Bubulcus ibis) niche dans l'ouest de la France. Statut de l'espèce en France. Alauda, 50 : 161-175.

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Mourer-Chauviré C., 1993. The Pleistocene avifauna of Europe. Archeofauna, 2 : 53-66.

Voisin 1985. Migration et stabilité des populations chez l'Aigrette garzette Egretta garzetta. L'Oiseau et la Revue Française d'Ornithologie, 55 : 291-311.