L'Ibis sacré, disparu vers 1850 d'Egypte où il était très abondant et probablement du
sud est de l'Irak où il était encore reproducteur dans les années 1970, reste bien présent en
Afrique sub-saharienne et à Madagascar (del Hoyo et al., 1992). Sans surprise, il est absent
du répertoire paléontologique de l'Europe occidentale (Mourer-Chauviré, 1993).
En France, l'espèce a été acclimatée entre 1975 et 1980 dans le parc zoologique de
Branféré (Morbihan) à la suite de 4 introductions concernant 20 individus au total provenant
de parcs zoologiques et pour partie du Kenya (Marion & Marion, 1994), dans le parc
ornithologique de Villars-les-Dombes dans les années 1985 où les oiseaux ne sont restés
libres de déplacement qu'un temps limité (Jarry & Philippot, 1994), et enfin, dans le parc
zoologique de Sigean où 8 sujets provenant de parcs zoologiques britanniques ont été
introduits en 1982. Une partie de cette dernière population qui comptait environ 25 couples
en 1997 (J.J. Boisard in litt.), laissée libre, se reproduit dans le parc et ne semble pas s'être
reproduite à l'extérieur à ce jour.
La population du parc zoologique de Branféré a compté 100 individus en 1984
(Dubois et al., 2000), 280 en 1991 (Frémont, 1991), et 350 en 1993 (Jarry & Philippot, 1994).
Ses jeunes, laissés libres, se sont alimentés régulièrement sur le proche estran atlantique
dès les années 1980, manifestant un erratisme internuptial limité à la Bretagne méridionale à
l'exception de quelques individus dont l'un a été observé au Pays Basque en 1993 (Marion &
Marion, 1994 ; Jarry & Philippot, 1994).
C'est en 1991 que fut réalisée la première observation de la reproduction de l'espèce
en nature sur le Lac de Grand-Lieu (Marion & Marion, 1994), au sein d'une colonie mixte de
Spatules blanches et d'Ardéidés (Héron pourpré, Héron cendré, Héron gardes-boeuf, Héron
bihoreau, Aigrette garzette). En 1993, afin de prévenir l'amplification du processus d'évasion,
la Préfecture du Morbihan a demandé l'éjointement des oiseaux du parc. Ces opérations de
capture et d'éjointage ont provoqué le déclin de la reproduction au sein de la population du
parc, déclin qui aboutit à un arrêt total en 1997, et l'exode d'une importante fraction de la
population vers le lac de Grand-Lieu, d'une part, et vers une colonie de Hérons cendrés et
d'Aigrettes garzette du golfe du Morbihan, d'autre part. Cet exode contribua à augmenter
l'effectif des couples se reproduisant en nature (Marion & Marion, 1994). L'effectif de
reproducteurs de la population de Grand-Lieu dont une importante fraction retournait
hiverner sur le site de Branféré, chuta à 26 couples en 1996 pour remonter à 134 couples en
1998 (Marion, 1999). La population morbihannaise connut, elle aussi, d'importantes
fluctuations d'effectifs à cette époque et se délocalisa à plusieurs reprises. Récemment, des
colonies éphémères ont été signalées en Brière, et un couple a niché en 1998 en Charente-
Maritime, dans le marais de Seudre (Dubois et al., 2000).
Les processus de dispersion inter-nuptiale et de colonisation de l'espèce sont
actuellement suivis grâce à un important effort de marquage coloré.
L'espèce n'a pas fait l'objet d'inventaire exhaustif à ce jour, mais l'effectif des
reproducteurs français en milieu naturel a été estimé à moins de 200 couples en 1998 ce qui
représente un total de 600 à 1000 individus avant l'intervention de la mortalité hivernale.
C'est sur cet ensemble d'arguments historiques et biogéographiques que l'Ibis sacré
est compté ici au nombre des espèces allochtones du territoire de la France, et introduite de
façon délibérée à l'initiative de particuliers.
L'impact de l'espèce sur ses écosystèmes d'accueil est abordé sur le site de Grand-
Lieu depuis 1994, et, de façon moins intensive, sur des sites occupés moins régulièrement.
Ces études portent notamment sur le régime alimentaire local de l'Ibis sacré et la nature de
ses interactions avec d'autres espèces d'oiseaux coloniaux pendant la période de
reproduction. À l'heure actuelle, ces travaux n'ont pas permis de mettre en évidence de
manifestations de prédation, de compétition pour les sites de reproduction, ou d'effet
dépressif sur le succès de reproduction de la part de l'Ibis sacré à l'égard des différentes
espèces d'oiseaux coloniaux prises en compte (Ardéidés, Spatule). À l'inverse, il a été
constaté que la présence d'Ibis sacrés pouvait avoir un effet attractif pour la Spatule blanche
et l'Aigrette garzette sur les sites de reproduction et d'alimentation (Marion & Marion 1994 ;
Marion, 1999). Cependant, la présence d'un groupe important d'Ibis s'alimentant sur une
prairie inondée de Brière a entraîné l'abandon du site par une colonie de Guifettes moustac,
Chlidonias hybridus (Yésou, comm. pers.). La population de Grand-Lieu consomme des
larves d'Eristale (Taonidae), et, secondairement, d'insectes aquatiques (Dytiques). Elle
fréquente une décharge ménagère et occasionnellement des tas de fumier (Marion &
Marion, 1994). En Brière, elle consomme de façon privilégiée une espèce proie allochtone
de France, l'Écrevisse de Louisiane (Procambarius clarckii). L'impact de ces prélèvements
sur ces populations d'invertébrés ne fait pas l'objet de travaux. La possible dissémination de
pathogènes par cette espèce qui réalise de grands déplacements et fréquente décharges et
tas de fumier a été évoquée mais n'est actuellement pas démontrée, aucun travail spécifique
n'ayant au demeurant été initié en la matière.
Inscrite sur la liste des oiseaux protégés en France et à l'annexe II de la convention
de Berne (Dubois et al., 2000), les populations de l'Ibis sacré implantées en milieu naturel en
France ne font l'objet d'aucune mesure de gestion spécifique.
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Experts |
Fiche rédigée par |
Loïc MARION
Philippe CLERGEAU
Muséum National d'Histoire Naturelle
Conservation des espèces
57 rue Cuvier
75005 Paris
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Bibliographie |
Del Hoyo J., Elliot A. & Sargatal J. (Edits.), 1992. Handbook of the Birds of the World. Vol. 1. Lynx
Edicions, Barcelona : 696 pp.
Dubois Ph.J., Le Maréchal P., Olioso G. & Yésou P., 2000. Inventaire des Oiseaux de France.
Avifaune de la France métropolitaine. Nathan, Paris, F : 397 pp.
Frémont J.-Y., 1991. Mise au point sur les observations d'Ibis sacrés (Threskiornis aethiopicus) dans
la nature, en France. Alauda, 59 : 247.
Jarry G. & Philippot Y. 1994. Ibis sacré. In : Nouvel atlas des oiseaux nicheurs de France (Yeatman-
Berthelot D. & Jarry G. édts.). Société Ornithologique de France, Paris : 728.
Marion L., 1999. Le Lac de Grand-Lieu. SNPN ed., Paris : 64 pp.
Marion L. & Marion P., 1994. Première installation spontanée d'une colonie d'Ibis sacré Threskhiornis
aethiopicus au lac de Grand-Lieu. Données préliminaires sur la production en jeunes et sur le
régime alimentaire. Alauda, 62 : 275-280.
Mourer-Chauviré C., 1993. The Pleistocene avifauna of Europe. Archeofauna, 2 : 53-66.
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