Citation de cette fiche : Tresset A., Lorvelec O., Vigne J.-D. & Pascal M., 2003. Le Pygargue à queue blanche : Haliaeetus albicilla Linné, 1758. Pages 68-69, in : Évolution holocène de la faune de Vertébrés de France : invasions et disparitions (M.Pascal, O. Lorvelec, J.-D. Vigne, P. Keith & P. Clergeau, coordonnateurs), Institut National de la Recherche Agronomique, Centre National de la Recherche Scientifique, Muséum National d'Histoire Naturelle (381 pages). Rapport au Ministère de l'Écologie et du Développement Durable (Direction de la Nature et des Paysages), Paris, France. Version définitive du 10 juillet 2003.
Le Pygargue à queue blanche
L'actuelle aire de reproduction du Pygargue à queue blanche couvre tout le nord du paléarctique, du nord de l'Écosse jusqu'à l'est de la Sibérie, ainsi que l'Islande et la bordure sud-ouest du Groenland. Elle s'étend vers le sud jusqu'aux environs du 40ème parallèle Nord. En Europe continentale, l'espèce se reproduit dans la partie est, depuis la Scandinavie jusqu'en Grèce (del Hoyo et al., 1994). Le Pygargue à queue blanche est capable d'exploiter divers milieux aquatiques, depuis ceux de régions arctiques jusqu'à ceux de déserts chauds (del Hoyo et al., 1994) et, selon Voous (1960), l'actuelle distribution irrégulière de l'espèce en Europe témoignerait de son élimination locale par l'Homme. Ses populations les plus occidentales ne réalisent pas de migrations, mais les juvéniles opèrent des dispersions (del Hoyo et al., 1994).

Des restes de Pygargues à queues blanches ont été trouvés dans plusieurs assemblages paléontologiques du Pléistocène moyen et supérieur du sud de la France (Mourer-Chauviré, 1975), y compris en Corse (Louchart, 2001). Il a également été inventorié dans les dépôts néolithiques de Leucate (Aude ; Vilette, 1983) et dans les détritus domestiques des sites archéologiques de la fin du Mésolithique (entre 5500 et 5000 ans avant J.-C.) de Beg Er Vil à Quiberon dans le Morbihan et de l'île Téviec alors rattachée à la péninsule de Quiberon (Tresset, sous presse & inédit). Des serres de ce rapace ont été identifiées dans une tombe de la nécropole de l'île d'Hoëdic dans le Morbihan et l'espèce est présente dans l'assemblage néolithique daté d'environ 3000 avant J.-C. de Er Yoh sur l'île de Houat proche. Sur ce dernier site, les restes, attribuables sans ambiguïté à un poussin, indiquent que l'espèce se reproduisait localement à l'époque (Tresset, inédit).

Par ailleurs, le Pygargue à queue blanche est représenté dans les assemblages archéologiques du Bronze final de Châteaudun dans l'Eure-et-Loire (Vigne, inédit) du 2-4ème siècles d'Étaples et de Zouafques dans le Pas-de-Calais (Vadet, 1988 ; Lepetz, 1996), d'un site d'épandage de déchets du 3-5ème siècles près de Marseille (Jourdan, 1976) et dans l'assemblage recueilli dans un puits d'abbaye à Saint Avit-Senieur en Dordogne, daté du début du 13ème siècle (Gautier, 1972). À l'exception de ceux de l'île de Houat, ces restes ne permettent pas d'affirmer que l'espèce se reproduisait localement à l'époque.
Selon Maurin (1994), le Pygargue à queue blanche s'est reproduit en France continentale, d'où il a été éliminé au cours du 16ème et du 17ème siècle. Selon Voous (1960), il s'est probablement reproduit en Corse et en Sardaigne, et Mayaud, en 1936, le cite comme reproducteur sur les côtes orientales de la Corse. Dubois et al. (2000) indiquent qu'il s'est reproduit sur les côtes à l'est et à l'ouest de la Corse jusque dans les années 1930 (au total 6 couples nicheurs en 1930), le dernier cas possible datant de 1956 (voir aussi Yeatman, 1974 et Thibault & Bonaccorsi , 1999).
Actuellement, l'espèce est un migrateur et hivernant rare, 10 à 20 individus, essentiellement des immatures, hivernant chaque année en France (Dubois et al., 2000).

C'est sur la base de ces éléments biogéographiques, archéozoologiques et historiques, que l'espèce est considérée comme autochtone du territoire français. Elle a disparue probablement au 17ème siècle de France continentale et dans les années 1950 de Corse, pour des raisons anthropiques.

Ressources
Experts
Fiche rédigée par Anne TRESSET
Muséum national d'Histoire naturelle
Anatomie Comparée
55 rue Buffon
75005 Paris

Olivier LORVELEC
Insitut National de la Recherche Agronomique
Campus de Beaulieu - Avenue du Général Leclerc
35042 Rennes Cedex

Jean-Denis VIGNE
Muséum national d'Histoire naturelle
Anatomie Comparée
55 rue Buffon
75005 Paris

Michel PASCAL
Insitut National de la Recherche Agronomique
Campus de Beaulieu - Avenue du Général Leclerc
35042 Rennes Cedex
Bibliographie

Del Hoyo J., Elliot A. & Sargatal J. (editors), 1994. Handbook of the Birds of the World. Vol. 2. New World Vultures to Guineafowl. Lynx Edicions, Barcelona, E : 638 pp.

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Gautier A., 1972. La faune d'un puits de l'abbaye de Saint Avit-Senieur (XIe à XIIIe siècle, Dordogne, France). Archéologie médiévale, 2, : 355-379.

Jourdan L., 1976. La faune du site gallo-romain et paléochrétien de La Bourse (Marseille). Éditions du CNRS, Paris, F : 338 pp.

Lepetz S., 1996. L'animal dans la société gallo-romaine de la France du Nord. Revue Archéologique de Picardie, Amiens, n° spécial 12 : 174 pp.

Louchart A., 2001. Les oiseaux du Pléistocène de Corse et données concernant la Sardaigne. Bulletin de la Société Sci. Hist. Nat. Corse, 696-697 : 187-221.

Maurin H. (coordonnateur), 1994. Inventaire de la Faune menacée de France. Le livre rouge. Nathan, WWF-France, Muséum National d'Histoire naturelle, Paris, F : 176 pp.

Mayaud N., 1936. Inventaire des oiseaux de France. Société d'Études Ornithologiques, Blot éditeur, Paris : 211 pp.

Mourer-Chauviré C., 1975. Les oiseaux du Pléistocène moyen et supérieur de France. Thèse d'État Université Claude Bernard, Lyon, F, n° 75-14.

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Tresset A., sous presse. La place changeante des bovins dans les bestiaires du Mésolithique final et du Néolithique du Nord-Ouest européen. Actes des journées SPF Unité et diversité des processus de néolithisation sur la façade atlantique de l'Europe (7e-3e millénaires avant J.-C.). Bulletin de la Société Préhistorique Française, 101 (4).

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