Citation de cette fiche : Vigne J.-D., 2003. Le Phoque moine de Méditerranée : Monachus monachus (Hermann, 1779). Pages 89-91, in : Évolution holocène de la faune de Vertébrés de France : invasions et disparitions (M.Pascal, O. Lorvelec, J.-D. Vigne, P. Keith & P. Clergeau, coordonnateurs), Institut National de la Recherche Agronomique, Centre National de la Recherche Scientifique, Muséum National d'Histoire Naturelle (381 pages). Rapport au Ministère de l'Écologie et du Développement Durable (Direction de la Nature et des Paysages), Paris, France. Version définitive du 10 juillet 2003.
Le Phoque moine de Méditerranée
L'actuelle aire de reproduction du Phoque moine de Méditerranée est limitée à l'archipel de Madère, aux côtes du nord-ouest de l'Afrique, à la partie est de la mer Méditerranée et à la mer Noire (Wilson & Reeder, 1993 ; Reijnders et al., 1999).

En France, la présence ancienne du Phoque moine de Méditerranée n'est attestée que par quatre restes squelettiques provenant de trois sites archéologiques de la région de Bonifacio en Corse. Ces sites relèvent de la période mésolithique datée du 8ème millénaire avant J.-C. et du début de la période néolithique, au 5ème millénaire avant J.-C. (Vigne, 1988 ; Vigne et al., 1998). La rareté de ces restes est surprenante si l'on considère que les chasseurs, puis les éleveurs néolithiques du sud de la Corse ont largement exploité le milieu marin, d'une part, et que le Phoque moine de Méditerranée s'est reproduit sur les rivages des îles Lavezzi, mais aussi à Scandola jusqu'en 1974-1975, d'autre part (Duguy, 1984 ; Cheylan, 1987). Par ailleurs, il ne faut pas exclure une exploitation intensive de l'espèce pendant sa saison de reproduction dans d'autres sites de Corse (Vigne, 1995). Le littoral méditerranéen continental français n'a, à ce jour, produit aucun témoignage archéologique de l'espèce, même dans des sites apparemment propices à l'espèce comme celui du Cap Ragnon (Courtin et al., 1972).

Pour la période récente, de petites colonies de Phoques moines de Méditerranée subsistaient à la fin du 19ème siècle sur le littoral rocheux des Pyrénées-Orientales (Cheylan, 1997) et, d'après Duguy (1984), les populations reliques, se reproduisant entre Marseille et les îles d'Hyères, se sont éteintes entre 1930 et 1935. La population corse s'est éteinte en 1974-1975 et les observations locales de l'espèce en 1978, 1979 et 1982 n'ont porté que sur des individus erratiques (Cheylan, 1987).

En dépit du fait que la chasse au Phoque moine de Méditerranée n'est pas clairement attestée par l'archéologie, il est probable qu'elle a joué un rôle important dans la régression des effectifs et de l'aire de répartition de l'espèce sur les côtes méditerranéennes françaises, surtout si cette activité de chasse était pratiquée, comme c'est probable, au moment de la reproduction. Il n'en reste pas moins que c'est au début du 20ème siècle que la régression du Phoque moine de Méditerranée s'est accentuée et généralisée en Méditerranée, notamment sur les côtes françaises (Duguy, 1984 ; Ronald & Duguy, 1984). Elle est imputable au développement des activités de pêche à l'origine de captures non intentionnelles par les filets mais aussi d'opérations de destruction au fusil, puis au développement des activités touristiques à l'origine d'un fort dérangement sur les lieux de reproduction (Cheylan, 1997).

Le Phoque moine de Méditerranée fait l'objet de mesures de protection sur l'ensemble du bassin méditerranéen et une opération de gestion visant sa réintroduction a été opérée en Espagne dans les années 1990 (Cheylan, 1997).

Ressources
Experts
Fiche rédigée par Jean-Denis VIGNE
Muséum national d'Histoire naturelle
Anatomie Comparée
55 rue Buffon
75005 Paris
Bibliographie

Cheylan G., 1997. Le Phoque moine, Monachus monachus, U vecchju marinu. In : Les mammifères en Corse, espèces éteintes et actuelles. Ajaccio, Parc Naturel Régional de la Corse.

Courtin J., Gagnière S., Granier J., Ledoux J.-C. & Onoratini G., 1972. La grotte du Cap Ragnon, commune de Rove (Bouches-du-Rhône). Bull. Soc. Et. Sci. Nat. Vaucluse, années 1970-72 : 113-170.

Duguy R., 1984. Le Phoque moine, Monachus monachus. In : Atlas des Mammifères de France. Société Française pour l'Étude et la Protection des Mammifères - Muséum National d'Histoire Naturelle, Paris : 272-273.

Reijnders P.J.H., Prigioni C., Brasseur S.M.J.M. & Ries E.R., 1999. Monachus monachus (Hermann, 1779). In : The Atlas of European Mammals (A.J. Mitchell-Jones, G. Amori, W. Bogdanowicz, B. Kryštufek, P.J.H. Reijnders, F. Spitzenberger, M. Strubbe, J.B.M. Thissen, V. Vohralík & J. Zima, eitors). T & AD Poyser Natural History, London, UK : 376-377.

Ronald K. & Duguy R. (dir.), 1984. Les phoques moines, monk seals. Rapport sur la 2e Conférence internationale sur les phoques moines (La Rochelle, 5-6 oct. 1984). Ann. Soc. Sci. Nat. Charente- Maritime, suppl.

Vigne J.-D., 1988. Les Mammifères post-glaciaires de Corse, étude Archéozoologique. Paris, CNRS (Gallia Préhistoire, XXVIe suppl.).

Vigne J.-D., 1995. À l'origine était la chasse. In : La chasse en Corse. Parc Naturel Régional de Corse, Ajaccio : 15-22.

Vigne J.-D., Bourdillat V., André J., Brochier J.-E., Bui Thi M., Cuisin J., David H., Desse-Berset N., Heinz C., Lanfranchi F. de, Ruas M.-P., Thiébault S. & Tozzi C., 1998. Nouvelles données sur le Prénéolithique corse : premiers résultats de la fouille de l'abri du Monte Leone (Bonifacio, Corse-du- Sud). In : Production et identité culturelle. Actualité de la recherche (D'Anna A. & Binder D., dir.), Actes 2e Rencontres méridionales de Préhistoire récente, Arles, 8-9 nov. 1996, APDCA, Antibes : 251-260.

Wilson D. E. & Reeder D. M., (editors), 1993. Mammals species of the world. Smithsonian Institut Press, Washington, USA & London, UK : 1207 pp.