Citation de cette fiche : Vigne J.-D., Lorvelec O. & Pascal M., 2003. L'Aurochs : Bos primigenius Bojanus, 1827. Pages 96-98, in : Évolution holocène de la faune de Vertébrés de France : invasions et disparitions (M.Pascal, O. Lorvelec, J.-D. Vigne, P. Keith & P. Clergeau, coordonnateurs), Institut National de la Recherche Agronomique, Centre National de la Recherche Scientifique, Muséum National d'Histoire Naturelle (381 pages). Rapport au Ministère de l'Écologie et du Développement Durable (Direction de la Nature et des Paysages), Paris, France. Version définitive du 10 juillet 2003.
L'Aurochs
L'Aurochs ou Urus était un très grand Bovidé au fort dimorphisme sexuel, dont les mâles atteignaient plus de deux mètres vingt au garrot pour un poids de plus de deux tonnes. L'espèce, connue depuis le début du Pléistocène moyen dans toute l'Eurasie et en Afrique du Nord sous deux formes légèrement différentes (Guintard, 1988 ; Crégut-Bonnoure & Guérin, 1996) aurait pour ancêtres pléistocènes soit Bos planifrons, soit B. acutifrons (Brugal, 1992).

Dans les sites du Pléistocène supérieur d'Europe, les restes d'Aurochs sont en général beaucoup moins nombreux que ceux du Bison d'Europe (Bison bonasus). En revanche, dès le début de l'Holocène, en France notamment, l'Aurochs devient de loin le principal grand Bovidé sauvage des faunes (PTH, 1988). Il a été l'un des principaux gibiers des chasseurs mésolithiques, dans le sud (Helmer, 1979) comme dans le nord du pays (Bridault, 1997) et les sujets de cette époque sont sensiblement plus petits que ceux du Pléistocène (Brugal, 1984-85).

Les restes ostéo-archéologiques de l'Aurochs sont présents partout en France pendant tout le Néolithique et les Âges des Métaux (PTH, 1988). Il demeure cependant toujours difficile de préciser son abondance, car ses restes sont difficiles à distinguer de ceux des premiers Bovins domestiques néolithiques qui étaient de très grande taille. S'il fréquentait les milieux plutôt ouverts à la fin du Pléistocène (Crégut-Bonnoure & Guérin, 1996), il semble devenir de plus en plus forestier pendant l'Holocène comme en témoigne le résultat des analyses isotopiques menées sur des restes d'Aurochs du Néolithique moyen de Normandie (Bocherens & Tresset, inédit). Ce changement d'habitat est attribuable à une réponse de l'espèce au dérangement par l'Homme et à la concurrence exercée par les Ovins domestiques qui paissaient en milieux ouverts et en lisière de forêt.

Les témoignages ostéo-archéologiques de l'Aurochs en France se raréfient considérablement dès la Période gauloise (Méniel, 1987) et les quelques très rares témoignages de la Période gallo-romaine proviennent du nord et de l'est du bassin Parisien (PTH, 1988). Les textes prouvent cependant la persistance de l'espèce à cette époque dans les Ardennes, les Vosges, le Massif Central et les Pyrénées (Guintard, 1988, 1994). Si la population du Massif Central semble avoir disparu dès l'Antiquité et celle des Pyrénées entre le 5ème et le 8ème siècle de notre ère, celles des Ardennes et des Vosges ont persisté jusqu'aux environs du 8ème siècle. La seconde au moins a fait l'objet de chasses royales durant les périodes carolingienne et mérovingienne (Beaufort et al., 1983) et jusqu'aux 12ème – 13ème siècles (Guintard, 1988, 1994). En France, aucune mention de l'espèce postérieure à cette époque n'est répertoriée.
La régression de l'espèce s'est poursuivie en Europe tout au long des temps historiques. Au début du 15ème siècle, l'Aurochs ne survivait plus qu'en Pologne, dans la forêt de Jaktorow et dans la réserve royale de Varsovie. Après différents épisodes de régression imputables à la chasse intensive en période de guerre ou de famine et à des épizooties contractées au contact des bovins domestiques, la dernière femelle de l'espèce est morte en 1627 à l'âge de 30 ans au zoo de Varsovie (Beaufort et al., 1983 ; Guintard, 1988).
Après avoir connu un essor sans précédent au début de l'Holocène, probablement pour des raisons climatiques, l'Aurochs a donc disparu de France au 13ème siècle et s'est éteint sur l'ensemble de son aire de répartition au 17ème siècle. La chasse a probablement joué un rôle important dans ce processus, tant au tout début de l'Holocène, au Mésolithique et au Néolithique ancien, qu'au Moyen Âge. Cependant, l'instauration d'une forte compétition avec les Ongulés domestiques, l'évolution des pratiques agro-pastorales qui ont, semble-t-il, accentué le comportement forestier de l'Aurochs, et l'éventuel transfert de pathogènes depuis les troupeaux domestiques, ne sont probablement pas étrangers à sa disparition.

D'après Guintard (1988), les mesures prises par Clovis dès le 7ème siècle de notre ère pour enrayer la raréfaction de l'Aurochs peuvent être considérées comme le premier acte de gestion d'une espèce sauvage par l'Homme. Le fait est plus avéré pour la population polonaise de la forêt de Jaktorow qui, à partir du 15ème siècle, a fait l'objet d'une véritable gestion sur un laps de temps prolongé (Guintard, 1988).
Les animaux connus actuellement sous l'appellation "d'Aurochs" ou encore "d'Aurochs reconstitués" relèvent, en réalité, d'une race zootechnique créée à partir de croisements de diverses formes domestiques rustiques dans les années 1920 en Allemagne (Guintard, 1994 ; Daszkiewicz & Aikhenbaum, 1998). Le but poursuivi consistait à "reconstituer" un phénotype proche de celui imaginé pour l'Aurochs à partir des figurations de l'art pariétal et du mobilier du Paléolithique supérieur, et à partir des très rares représentations néolithiques ou médiévales.

L'Aurochs est à l'origine des différentes formes domestiques actuelles de boeufs et de zébus (Helmer, 1992 ; Loftus et al., 1996 ; Mac Hugh et al., 1997). Des populations marronnes de ces formes domestiques existent de par le monde, mais d'éventuelles formes marronnes anciennes ne nous sont pas connues pour la France. Actuellement, le Taureau de Camargue (Raveneau, 1993) doit être considéré comme un animal élevé en semi-liberté plutôt que marron.

Ressources
Experts
Fiche rédigée par Jean-Denis VIGNE
Muséum national d'Histoire naturelle
Anatomie Comparée
55 rue Buffon
75005 Paris

Olivier LORVELEC
Insitut National de la Recherche Agronomique
Campus de Beaulieu - Avenue du Général Leclerc
35042 Rennes Cedex

Michel PASCAL
Insitut National de la Recherche Agronomique
Campus de Beaulieu - Avenue du Général Leclerc
35042 Rennes Cedex
Bibliographie

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Crégut-Bonnoure E. & Guérin Cl., 1996. Ordre des Artiodactyles. V. Famille des Bovidae. In : Les grands mammifères plio-pléistocènes d'Europe (Guérin Cl. & Patou-Mathis M., éditeurs). Masson, Collection Préhistoire, Paris : 62-106.

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Guintard C., 1988. L'aurochs et ses essais de reconstitution. Thèse Ecole Nationale Vétérinaire de Nantes, N° 47.

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