Citation de cette fiche : Lorvelec O., Vigne J.-D., Clergeau P. & Robert I., 2003. Le Vautour moine : Aegypius monachus (Linné, 1766). Pages 200-201, in : Évolution holocène de la faune de Vertébrés de France : invasions et disparitions (M.Pascal, O. Lorvelec, J.-D. Vigne, P. Keith & P. Clergeau, coordonnateurs), Institut National de la Recherche Agronomique, Centre National de la Recherche Scientifique, Muséum National d'Histoire Naturelle (381 pages). Rapport au Ministère de l'Écologie et du Développement Durable (Direction de la Nature et des Paysages), Paris, France. Version définitive du 10 juillet 2003.
Le Vautour moine
L'aire de reproduction du Vautour moine, la plus septentrionale de celles des vautours de l'Ancien Monde, s'étend de l'Espagne au nord-est de la Chine, en couvrant, d'ouest en est, les Pyrénées, les îles Baléares, la Sardaigne, la Sicile, la Grèce, les Balkans, la Turquie, le Caucase, le Moyen-Orient, l'Himalaya, le sud de la Sibérie, ainsi que la Mongolie et le nord de la Chine (del Hoyo et al., 1994). Dans le passé, l'espèce se serait également reproduite dans des régions adjacentes à cette aire, comme le Maroc (Voous, 1960).

En France, si la présence de l'espèce est attestée de plusieurs sites du Pléistocène supérieur (Mourer-Chauviré, 1975 ; Vilette, 1983), y compris de Corse (Cuisin, 2001), seuls deux sites holocènes situés dans la Nièvre (Audouin-Rouzeau, 1986) et en Provence à Cucuron (Jourdan, 1980) et datés d'une période comprise entre le 11ème et le 13ème siècle ont livré des restes de Vautour moine à ce jour. À ces mentions pourrait s'ajouter celle d'une flûte en os de Vautour trouvée sur le site rural provençal de Rougiers (Var) et datée du bas Moyen Âge (Demians d'Archimbaud, 1980). Il est à noter que les restes osseux de cette espèce sont difficiles à distinguer de ceux du Vautour fauve, Gyps fulvus.
Le Vautour moine, abondant par le passé, est réputé ne plus se reproduire en France dès le début du 19ème siècle. En effet, si diverses observations de sujets erratiques ou de groupes d'individus sont rapportées du 19ème et du 20ème siècle, aucune d'entre elles ne permet d'affirmer que l'espèce s'est reproduite sur le territoire pendant ces deux siècles, en particulier dans le Massif Central et la Provence (Dubois et al., 2000). En outre, si, en 1936, Mayaud dit ce Vautour reproducteur dans les Pyrénées françaises, il fait suivre cette affirmation d'un point d'interrogation.
Ce n'est que récemment, à partir de 1996, que sa reproduction a été à nouveau constatée en France, dans les causses de Lozère et d'Aveyron, à l'issue d'un programme d'introduction débuté en 1992, et c'est dans cette région qu'un individu de la population espagnole actuellement en croissance est venu spontanément nicher. En 1999, l'effectif de reproducteurs de cette population caussarde comptait 5 couples (Dubois et al., 2000).

C'est sur la base de ces éléments paléontologiques et historiques que le Vautour moine est considéré ici comme autochtone de la faune de France continentale. Probablement présent jusqu'au début du 19ème siècle, il aurait alors connu une éclipse de deux siècles avant d'être réintroduit dans les années 1990 dans les Cévennes. En dépit du faible effectif de son actuelle population, d'après Dubois et al. (2000), celle-ci devrait se pérenniser si le programme de renforcement dont elle bénéficie est poursuivi.

L'impact du Vautour moine sur le fonctionnement de ses écosystèmes d'accueil n'a pas fait, à notre connaissance, l'objet d'études spécifiques.

Inscrit sur la liste des oiseaux protégés en France, à l'annexe I de la Directive Oiseaux et à l'annexe II de la Convention de Berne (Dubois et al., 2000), le Vautour moine bénéficie en France d'un programme européen de réimplantation dans les Cévennes.

Ressources
Experts
Fiche rédigée par Olivier LORVELEC
Insitut National de la Recherche Agronomique
Campus de Beaulieu - Avenue du Général Leclerc
35042 Rennes Cedex

Jean-Denis VIGNE
Muséum national d'Histoire naturelle
Anatomie Comparée
55 rue Buffon
75005 Paris

Philippe CLERGEAU
Muséum National d'Histoire Naturelle
Conservation des espèces
57 rue Cuvier
75005 Paris

Isabelle ROBERT
Bibliographie

Audoin-Rouzeau F., 1986. Ossements animaux du Moyen Âge au monastère de La Charité-sur-Loire. Publications de la Sorbonne, Paris : 166 pp.

Cuisin J., 2001. Les restes d'oiseaux du site de Grítulu, Luri, Haute-Corse. Détermination finale. Rapport Prog. Coll. Recherche Prefacth. Inédit.

Demians d'Archimbaud G., 1980. Les fouilles de Rougiers (Var) Contribution à l'archéologie de l'habitat rural médiéval en pays méditerranéen. Publication de l'URA 6, Archéologie médiévale méditerranéenne, Mémoires n°2. Eds du CNRS.

Del Hoyo J., Elliot A. & Sargatal J. (Edits.), 1992. Handbook of the Birds of the World. Vol. 1. Lynx Edicions, Barcelona : 696 pp.

Dubois Ph.J., Le Maréchal P., Olioso G. & Yésou P., 2000. Inventaire des Oiseaux de France. Avifaune de la France métropolitaine. Nathan, Paris, F : 397 pp.

Jourdan L., 1980. Aspects de la chasse au Moyen Âge en Provence, d'après le matériel osseux recueilli au cours de deux fouilles archéologiques (Rougiers et Cucuron). In : La Chasse au Moyen Âge, Actes du Colloque du Centre d'Etudes Médiévales de Nice (22-24 juin 1979), Publications de la Faculté des Lettres et Sciences Humaines de Nice, Les Belles Lettres : 229-235.

Mayaud N., 1936. Inventaire des oiseaux de France. Société d'Études Ornithologiques, Blot éditeur, Paris : 211 pp.

Mourer-Chauviré C., 1975. Les oiseaux du Pléistocène moyen et supérieur de France. Thèse d'État Université Claude Bernard, Lyon, n° 75-14.

Vilette P., 1983. Avifaunes du Pléistocène final et de l'Holocène dans le sud de la France et en Catalogne. Laboratoire de Préhistoire Paléthnologique, Atacina, Carcassonne, F, 11 : 190 pp.

Voous K.H., 1960. Atlas of European birds. Elsevier, Amsterdam, NL : 284 pp.