Citation de cette fiche : Pascal M., Vigne J.-D., Melin J.-M. & Lorvelec O., 2003. La Perdrix rouge : Alectoris rufa (Linné, 1758). Pages 202-204, in : Évolution holocène de la faune de Vertébrés de France : invasions et disparitions (M.Pascal, O. Lorvelec, J.-D. Vigne, P. Keith & P. Clergeau, coordonnateurs), Institut National de la Recherche Agronomique, Centre National de la Recherche Scientifique, Muséum National d'Histoire Naturelle (381 pages). Rapport au Ministère de l'Écologie et du Développement Durable (Direction de la Nature et des Paysages), Paris, France. Version définitive du 10 juillet 2003.
La Perdrix rouge
D'après Voous (1960), la Perdrix rouge est une espèce sédentaire, méditerranéenne, dont l'aire de reproduction couvre l'Espagne, la France au sud de la Loire, y compris la Corse, et le Piémont italien. Cette aire de reproduction aurait été plus vaste par le passé, englobant, au 16ème siècle, les îles de la Manche, le nord-est de la France, les plaines de la Moselle et du Rhin et le sud de l'Allemagne. Au 18ème siècle, l'espèce a été introduite avec succès à des fins cynégétiques en Angleterre et au Pays de Galles, aux Açores, à Madère et aux Canaries (Voous, 1960 ; Aebischer & Lucio, 1997) et plus récemment, sans succès, aux Etats-Unis et en Nouvelle-Zélande (Del Hoyo et al., 1994).

Les restes paléontologiques de la Perdrix rouge sont très difficiles à distinguer de ceux de la Perdrix bartavelle, Alectoris graeca, dont elle n'aurait d'ailleurs divergé qu'à la fin du Pléistocène par un mécanisme d'isolement climatique (Mourer-Chauviré, 1975). La plus ancienne mention holocène de l'espèce provenant de la partie continentale de la France est issue du site varois de Fontbrégoua daté du Boréal (8ème millénaire avant J.-C. ; Vilette, 1983). Par la suite, alors que la présence d'A. graeca est fréquemment mentionnée dans les sites néolithiques du Midi de la France, A. rufa n'est à ce jour jamais citée (Vilette, 1983, 1988). Ce n'est qu'à partir du début de l'ère chrétienne que les mentions archéologiques de la Perdrix rouge reprennent et deviennent plus nombreuses au cours du temps. Il s'agit de restes datés des 2-5ème siècles d'un site de Marseille (Jourdan, 1976), des 8-9ème siècles d'un site de Haute-Garonne (Poulain-Jossien, 1969), des 10-14ème siècles d'un site de Provence (Cucuron ; Jourdan, 1980), des 11-15ème siècles de sites de Dordogne (Gautier, 1972 ; Caillat & Laborie, 1997-1998), des 11-16ème siècles d'un site de Chevreuse dans les Yvelines (Méniel, 1980 ; mentions qu'il faudrait peut-être réviser), et des 14-17ème siècles de la Nièvre (Audouin-Rouzeau, 1986).

Ces observations se répartissent conformément à l'aire de répartition de l'espèce décrite par Voous (1960), mais ne mettent pas en évidence sa présence ancienne dans la partie nord-est du pays comme le suppose cet auteur.

Par ailleurs, la situation de la Perdrix rouge en Corse mérite une analyse spécifique. En effet, à l'exception d'une seule mention de sa présence au Pléistocène, au demeurant présentée comme douteuse (Louchart, 2001), aucunes des avifaunes subfossiles du Pléistocène supérieur, du Tardiglaciaire ou de l'Holocène ancien du massif corso-sarde n'en a livré de vestige. Sa plus ancienne mention avérée date du 6ème siècle après J.-C. (Vigne & Marinval-Vigne, 1989) et sa présence n'est attestée par la suite que dans des dépôts du 14ème siècle (Lavezzi ; Lefèvre & Thibault, 1994) et du 16ème siècle (Bonifacio ; Vigne, 1988). Ces données suggèrent que la Perdrix rouge ne fait probablement pas partie de l'avifaune autochtone du massif corso-sarde. Elle aurait été introduite récemment par l'Homme à des fins cynégétiques au cours ou à la fin de l'Antiquité (Blondel & Vigne, 1993 ; Vigne et al., 1997) selon des modalités que la répartition actuelle des perdrix dans le bassin méditerranéen permettait de prédire (Blondel, 1982, 1986).

D'après Mayaud (1936), au début du 20ème siècle, l'aire de répartition de la Perdrix rouge était limitée à la Corse et à la partie continentale de la France située au sud de la Loire. C'est à partir des années 1950 qu'elle a accru son aire de répartition vers le nord et le nord-ouest du pays à la suite de très nombreux lâchés effectués à des fins cynégétiques sur l'ensemble du territoire français (Birkan, 1994 ; Dubois et al., 2000).

Cet ensemble d'informations biogéographiques, archéozoologiques et historiques conduit à conclure que, dans l'état actuel des connaissances, la Perdrix rouge est une espèce autochtone de la partie du territoire français située au sud de la Loire. Elle a été introduite volontairement en Corse aux alentours de l'Antiquité probablement pour les besoins de la chasse. Elle a également été introduite volontairement selon la même motivation dans le nord-ouest de la France pendant la seconde moitié du 20ème siècle. Elle y constitue actuellement des populations dont la pérennité ne semble pas assurée à long terme, tout du moins sans l'apport régulier de sujets relâchés (Birkan, 1994 ; Dubois et al., 2000) dont le nombre est estimé à 2,5 millions d'individus en 1996 (Ponce-Boutin, 2000). Cependant, la présence en Grande-Bretagne de populations marronnes pérennes, peut laisser penser que cela puisse être le cas.

L'impact de cette espèce granivore sur les milieux qu'elle a récemment colonisés n'est pas documenté.

Inscrite sur la liste des oiseaux gibier de France, aux annexes II et III de la Directive Oiseaux et à l'annexe III de la Convention de Berne (Dubois et al., 2000), la Perdrix rouge fait l'objet de nombreuses opérations de gestion dans le cadre de l'activité cynégétique consistant en des aménagements de territoire et de nombreux lâchés. Elle a fait l'objet d'un prélèvement par la chasse estimé à deux millions d'individus pendant la saison de chasse 1974-1975 (Birkan, 1979), à 1 166 000 pendant la saison 1983-1984 (Ricci & Biadi, 1986) et à 1 732 000 sujets pendant la saison 1998-1999 (Ponce-Boutin, 2000).

Ressources
Experts
Fiche rédigée par Michel PASCAL
Insitut National de la Recherche Agronomique
Campus de Beaulieu - Avenue du Général Leclerc
35042 Rennes Cedex

Jean-Denis VIGNE
Muséum national d'Histoire naturelle
Anatomie Comparée
55 rue Buffon
75005 Paris

Jean-Michel MELIN

Olivier LORVELEC
Insitut National de la Recherche Agronomique
Campus de Beaulieu - Avenue du Général Leclerc
35042 Rennes Cedex
Bibliographie

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