Citation de cette fiche : Yésou P., 2003. Le Goéland marin : Larus marinus Linné, 1758. Pages 223-224, in : Évolution holocène de la faune de Vertébrés de France : invasions et disparitions (M.Pascal, O. Lorvelec, J.-D. Vigne, P. Keith & P. Clergeau, coordonnateurs), Institut National de la Recherche Agronomique, Centre National de la Recherche Scientifique, Muséum National d'Histoire Naturelle (381 pages). Rapport au Ministère de l'Écologie et du Développement Durable (Direction de la Nature et des Paysages), Paris, France. Version définitive du 10 juillet 2003.
Le Goéland marin
Le Goéland marin niche sur les rivages est et ouest de l'Atlantique nord, et son aire de répartition en Europe s'étend de l'Irlande à la péninsule de Kola.

En France, des restes osseux de Goélands marins ont été identifiés dans les produits de fouilles d'un site rural du Pas-de-Calais daté de la fin du 2ème, début du 3ème siècle après J.-C. (Vadet, 1988). Cette donnée, si elle constitue une présomption de la présence ancienne de l'espèce en France, ne renseigne cependant pas sur son statut local de reproducteur à l'époque. Bien que les preuves formelles fassent actuellement défaut, le Goéland marin aurait niché de façon localisée en Bretagne et en Normandie au 19ème siècle (Monnat & Cadiou, 2002). Sa reproduction a été rapportée pour la première fois de façon formelle dans les années 1925. Elle concernait à la fois l'archipel des Sept-Îles (Côtes d'Armor, Lebeurier, 1925), et la presqu'île de Crozon (Finistère, Tristan, 1927). L'espèce a ensuite étendu son implantation sur les côtes bretonnes, puis normandes. Cette progression s'est poursuivie vers le sud dans les années 1980, dans plusieurs localités entre l'île de Noirmoutier en Vendée et le bassin d'Arcachon en Gironde (Monnat & Cadiou, 2002). Au cours de cette même décennie, des couples nicheurs se sont installés sur les toits de villes côtières entre Dieppe en Seine-Maritime et Olonne-sur-Mer en Vendée (Cadiou, 1997 ; Yésou, 2002). L'effectif de reproducteurs est estimé à 4100 couples à la fin des années 1990, dont près de la moitié sont localisés dans le Finistère (Monnat & Cadiou, 2002).

C'est sur la base de ces considérations biogéographiques et historiques que le Goéland marin est rangé ici au nombre des espèces probablement allochtones du territoire européen de la France au sens où il ne s'y serait reproduit qu'à une date récente. Il a depuis colonisé de façon spontanée et-ou sub-spontanée une fraction notable du littoral de la Manche et de l'Atlantique du pays pendant la deuxième moitié du 20ème siècle.

L'impact du Goéland marin sur ses écosystèmes d'accueil n'a pas fait l'objet d'études spécifiques. Cet impact est jugé a priori globalement réduit à l'heure actuelle en raison du faible effectif de l'espèce. Son large spectre alimentaire comporte aussi bien des proies vivantes que des déchets, prélevés tant sur l'estran qu'en mer, voire, en milieu terrestre de façon ponctuelle, sur des décharges d'ordures ménagères et autres sites de rejets. L'impact de sa prédation sur les oeufs et les poussins d'autres espèces d'oiseaux de mer, quantifié à l'échelle de colonies et jugé appréciable, n'est cependant pas évalué à l'échelle des populations dans l'état actuelle des connaissances (Monnat & Cadiou, 2002). Outre cet impact par prédation directe, son comportement de reproduction qui se manifeste par la défense d'un vaste territoire par chaque couple, induit une compétition pour l'espace qui s'est développé au détriment d'autres espèces d'oiseaux marins. C'est ainsi que, dans le Finistère, d'importantes colonies de Goélands bruns, L. fuscus, et de Goélands argentés, L. argentatus, ont fortement régressé sous la poussée des goélands marins (Monnat & Cadiou, 2002). Enfin, la nidification urbaine du Goéland marin pose des problèmes équivalents à ceux évoqués à propos du Goéland argenté, mais à une échelle moindre en raison du nombre réduit de couples installés en ville, nombre qui ne dépasse pas quelques dizaines actuellement.

L'espèce, inscrite sur la liste des oiseaux protégés en France et à l'annexe II de la Directive Oiseaux, ne fait pas l'objet de mesures de gestion spécifiques en France. Elle bénéficie cependant, de façon indirecte, du statut de protection conféré à plusieurs de ses sites de reproduction au titre de leur intérêt pour leur avifaune marine. Par ailleurs, chaque année, certains de ses nids installés en milieu urbain sont détruits, comme cela peut advenir également sur des espaces protégés hébergeant des espèces sensibles à sa présence dans le cadre d'opérations réglementaires de limitation de populations de Goélands argentés.

Ressources
Experts
Fiche rédigée par Pierre YESOU
Bibliographie

Cadiou B., 1997. La reproduction des goélands argentés en milieu urbain : Historique et situation actuelle. Alauda, 65 : 209-227.

Lebeurier E., 1925. Excursion aux Sept-Îles (Côtes-du-Nord). Revue française d'Ornithologie, 9 : 263-272.

Monnat J.-Y. & Cadiou B., 2002. Goéland marin Larus marinus. In : Oiseaux marins nicheurs de France métropolitaine (1960-2000) (Cadiou B., Pons. J.-M. & Yésou P. Coord.), Rapport au Ministère de l'Aménagement du Territoire et de l'Environnement. G.I.S. Oiseaux Marins, Muséum National d'Histoire Naturelle, Paris : 80-84.

Tristan M., 1927. Expédition ornithologique aux îles du Toulinguet (Finistère) (25-27 mai 1927). Revue française d'Ornithologie, 11 : 311-314.

Vadet A., 1988. Les ossements du site des Sablins à Etaples. Bulletin de la Société Académique du Boulonnais, t. II (2) : 38-55.

Yésou P., 2002. Les oiseaux marins nicheurs en Vendée au XXe siècle. La Gorgebleue, 17 : 31-41.