Citation de cette fiche : Yésou P., 2003. La Mouette rieuse : Larus ridibundus Linné, 1766. Pages 229-230, in : Évolution holocène de la faune de Vertébrés de France : invasions et disparitions (M.Pascal, O. Lorvelec, J.-D. Vigne, P. Keith & P. Clergeau, coordonnateurs), Institut National de la Recherche Agronomique, Centre National de la Recherche Scientifique, Muséum National d'Histoire Naturelle (381 pages). Rapport au Ministère de l'Écologie et du Développement Durable (Direction de la Nature et des Paysages), Paris, France. Version définitive du 10 juillet 2003.
La Mouette rieuse
La Mouette rieuse, largement répartie sur l'ensemble de l'Eurasie, a connu en Europe une forte augmentation de ses effectifs et de son aire de reproduction à partir des années 1950, jusqu'aux années 1990.

La Mouette rieuse est actuellement absente des enregistrements paléontologiques et archéologiques de la fin du Pléistocène et de l'Holocène de France, à l'exception de quelques restes mentionnés dans les niveaux du Néolithique final, de l'Âge du Bronze et de l'Âge du Fer de la grotte du phare de Biarritz (Pyrénées-Atlantiques ; Lehnebach, 2003), restes qui ne permettent pas au demeurant d'affirmer que l'espèce se reproduisait localement à l'époque.

Jusqu'au milieu du 20ème siècle, l'aire de reproduction de la Mouette rieuse était limitée en France à la Brenne, la Sologne, la Dombes, le Forez et la Camargue. C'est à partir des années 1960 que l'aire de reproduction de l'espèce s'est étendue principalement vers l'est et le nord du pays (Alsace, Lorraine, Picardie, Nord et Pas-de-Calais), de façon moins marquée vers l'ouest (Deux-Sèvres, Vendée), et de façon marginale vers le nord-ouest (jusqu'au Finistère) et le sud-ouest (jusqu'aux Pyrénées-Atlantiques).
Initialement inféodée aux marais, lacs, étangs, et îlots des grands cours d'eau, l'espèce, dont 90 % des effectifs occupent des habitats d'eau douce, a colonisé au cours de l'expansion de son aire de reproduction, des lagunes et marais saumâtres littoraux, et des sites artificiels tels que musoirs de barrage, bassins de décantation industrielle, et gravières (Yésou & Isenmann, 2001).
Simultanément à l'accroissement de son aire de nidification, la Mouette rieuse a vu son effectif de reproducteurs augmenter de façon significative. Estimé à 15 000 couples dans les années 1960, celui-ci atteignait 25 000 couples entre 1970 et 1975, 35 000 au début des années 1980, et était estimé compris entre 35 000 et 39 000 couples à la fin des années 1980, et entre 38 000 et 40 000 couples en 1998. Ces chiffres indiquent une stabilisation des effectifs au cours des deux dernières décennies. Un sensible déclin est actuellement observé dans plusieurs régions où l'espèce est pourtant bien implantée (Camargue, étangs du Languedoc, Dombes, Lorraine, nord du pays) (Yésou & Isenmann, 2001, 2002 ; Yésou et al., 2002).
D'après Källander & Lebreton (1976), le fort accroissement depuis les années 1950 des rejets de faux poissons par les bateaux de pêche d'une part, et du volume d'ordures ménagères disponible sur les décharges, d'autre part, a augmenté les ressources alimentaires de l'espèce contribuant à accroître la survie des individus de toutes classes d'âge (Lebreton & Isenmann 1976).

C'est sur la base de considérations biogéographiques et historiques que la Mouette rieuse est rangée ici au nombre des espèces autochtones de France et ayant envahi de façon sub-spontanée de vastes entités biogéographiques d'où elle était absente par le passé.

L'impact de l'espèce sur ses écosystèmes d'accueil n'a fait l'objet de travaux que dans le domaine du prélèvement de poissons qu'elle réalise sur les étangs. Ce prélèvement est estimé inférieur à 0,5 % de l'ensemble de la production des étangs piscicoles du Forez (Lebreton et al. in Yésou, 1990), et est jugé insignifiant sur les étangs de l'ouest de la France (Le Louarn, in Yésou, 1990).

Protégée par la loi française, l'administration peut cependant autoriser la destruction locale de mouettes rieuses en cas de constat de dommages aux activités piscicoles. Près de 30 % de l'effectif français nichent sur des espaces protégés et des mesures de gestion conservatoire sont prises sur certains sites pour limiter le développement de la végétation et conserver l'ouverture de paysage nécessaire à l'installation de l'espèce (Yésou et al., 2002).

Ressources
Experts
Fiche rédigée par Pierre YESOU
Bibliographie

Källander H. & Lebreton J.-D., 1997. Larus ridibundus Black-headed Gull. In : The EBCC Atlas of European breeding birds. Their distribution and abundance (Hagemeijer E.J.M & Blair M.J. Eds). T & AD Poyser, London : 328-329.

Lebreton J.-D. & Isenmann P., 1976. Dynamique de la population camarguaise de Mouette rieuse : un modèle mathématique. Terre & Vie, 30 : 529-549.

Lehnebach C., 2003. La grotte du Phare (Biarritz, Pyrénées-Atlantiques). Origine des assemblages fauniques, du Néolithique récent/final au premier Age du Fer, étude archéozoologique. Mémoire de Maîtrise de l'Université Panthéon-Sorbonne (Paris I).

Yésou P., 1990. L'impact des oiseaux piscivores sur les populations de poissons : résultats d'études scientifiques. Bull. mens. O.N.C., 146 : 23-25.

Yésou P. & Isenmann P., 2001. La nidification de la Mouette rieuse Larus ridibundus en France. Ornithos, 8 : 136-149.

Yésou P. & Isenmann P., 2002. Compléments sur la nidification de la Mouette rieuse Larus ridibundus en France. Ornithos, 9 : 58-59.

Yésou P., Isenmann P. & Lebreton J.-D., 2002. Mouette rieuse Larus ridibundus. In : Oiseaux marins nicheurs de France métropolitaine (1960-2000) (Cadiou B., Pons. J.-M. & Yésou P. Coordinateurs). Rapport au Ministère de l'Aménagement du Territoire et de l'Environnement. G.I.S. Oiseaux Marins, Muséum National d'Histoire Naturelle, Paris : 53-56.