Citation de cette fiche : Clergeau P. & Vigne J.-D., 2003. La Chouette de Tengmalm : Aegolius funereus (Linné, 1758). Page 238, in : Évolution holocène de la faune de Vertébrés de France : invasions et disparitions (M.Pascal, O. Lorvelec, J.-D. Vigne, P. Keith & P. Clergeau, coordonnateurs), Institut National de la Recherche Agronomique, Centre National de la Recherche Scientifique, Muséum National d'Histoire Naturelle (381 pages). Rapport au Ministère de l'Écologie et du Développement Durable (Direction de la Nature et des Paysages), Paris, France. Version définitive du 10 juillet 2003.
La Chouette de Tengmalm
L'aire de reproduction de la Chouette de Tengmalm, espèce sédentaire, se présente comme une bande continue située au nord de l'Amérique du Nord et de l'Eurasie depuis le Groenland jusqu'à la Scandinavie. En Europe, cette aire présente un diverticule sud qui englobe les zones montagneuses des Balkans et des Alpes (Voous, 1960).

La présence de la Chouette de Tengmalm est attestée sans ambiguïté dans des gisements du Pléistocène supérieur des Pyrénées et des Alpes françaises. Les données stratigraphiques du site de St. Thibaud-de-Couz (Savoie) indiquent, qu'après une absence, elle est de retour, probablement comme nicheuse, lors du dernier froid tardiglaciaire de la fin de l'Alleröd au Dryas récent, période qui précède l'Holocène (Mourer-Chauviré, 1975). À l'heure actuelle, la Chouette de Tengmalm demeure absente des gisements holocènes de France.

Les écrits citent sa présence occasionnelle au 19ème siècle en Alsace et en Lorraine, dans la Marne, l'Aube, le Jura, le Vaucluse et le Var. En 1936, Mayaud la dit présente dans le Jura, les Alpes et les Pyrénées. C'est dans les années 1970 que l'espèce conquiert progressivement l'ensemble du Massif Central (Dubois et al., 2000). Dessolin (1994) suggère que cette progression est à mettre en rapport avec le vieillissement des forêts françaises pendant le 20ème siècle, conséquence d'une réduction de leur exploitation. Ce vieillissement aurait permis la constitution de milieux favorables à la reproduction de l'espèce d'une part et à la progression du Pic noir, Dryocopus martius, dont cette chouette exploite les cavités, d'autre part.

La Chouette de Tengmalm serait donc vraisemblablement une espèce autochtone des Alpes à l'aube de l'Holocène. Elle a conquis, de façon sub-spontanée, les Pyrénées dans le premier tiers du 20ème siècle et le Massif Central dans la seconde moitié de ce siècle.

L'impact de ce rapace nocturne sur les écosystèmes français qu'il a nouvellement colonisés n'a pas fait l'objet d'études.

Inscrite sur la liste des oiseaux protégés de France, à l'annexe I de la Directive Oiseaux, et à l'annexe II de la Convention de Berne (Dubois et al., 2000), la Chouette de Tengmalm ne fait pas l'objet de mesures de gestion particulières en France.

Ressources
Experts
Fiche rédigée par Philippe CLERGEAU
Muséum National d'Histoire Naturelle
Conservation des espèces
57 rue Cuvier
75005 Paris

Jean-Denis VIGNE
Muséum national d'Histoire naturelle
Anatomie Comparée
55 rue Buffon
75005 Paris
Bibliographie

Dessolin J.-L., 1994. Chouette de Tengmalm ou Nyctale de Tengmalm. In : Nouvel atlas des oiseaux nicheurs de France. 1985-1989 (Yeatman-Berthelot D. & Jarry G. eds). Société Ornithologique de France, Paris : 408-409.

Dubois Ph.J., Le Maréchal P., Olioso G. & Yésou P., 2000. Inventaire des Oiseaux de France. Avifaune de la France métropolitaine. Nathan, Paris, F : 397 pp.

Mayaud N., 1936. Inventaire des oiseaux de France. Société d'Études Ornithologiques, Blot éditeur, Paris : 211 pp.

Mourer-Chauviré C., 1975. Les oiseaux du Pléistocène moyen et supérieur de France. Thèse d'État Université Claude Bernard, Lyon, n° 75-14.

Voous K.H., 1960. Atlas of European birds. Elsevier, Amsterdam, NL : 284 pp.