Citation de cette fiche : Clergeau P., Vigne J.-D. & Pascal M., 2003. Le Guêpier d'Europe : Merops apiaster Linné, 1758. Pages 239-240, in : Évolution holocène de la faune de Vertébrés de France : invasions et disparitions (M.Pascal, O. Lorvelec, J.-D. Vigne, P. Keith & P. Clergeau, coordonnateurs), Institut National de la Recherche Agronomique, Centre National de la Recherche Scientifique, Muséum National d'Histoire Naturelle (381 pages). Rapport au Ministère de l'Écologie et du Développement Durable (Direction de la Nature et des Paysages), Paris, France. Version définitive du 10 juillet 2003.
Le Guêpier d'Europe
D'après Voous (1960), l'aire de reproduction du Guêpier d'Europe couvre le littoral de la Méditerranée occidentale dont la quasi-totalité du territoire de l'Espagne, les rivages nord et est de la Méditerranée orientale, et s'étend dans le sud de l'Europe Centrale, le Proche et le Moyen-Orient, pour atteindre la frontière occidentale de l'Inde et de la Chine. D'après cet auteur, l'espèce se reproduit très au nord de son aire normale de reproduction à l'occasion d'été exceptionnellement chaud, comme cela a été le cas en Belgique en 1833, en Angleterre en 1955 et au Danemark en 1948. Par ailleurs, l'aire de reproduction sud-africaine de l'espèce, totalement disjointe de la précédente, serait de constitution récente, et Voous (1960) n'exclut pas que son effectif de reproducteurs soit constitué en majorité, voire en totalité, de migrants nordiques.

Au Pléistocène, le Guêpier d'Europe n'est à ce jour signalé en France que de deux sites, l'un en Dordogne (Mourer-Chauviré, 1975) et l'autre en Corse (Louchart, 2001). Après le réchauffement holocène, l'espèce demeure rare et n'est référencée que de trois sites archéologiques strictement méditerranéens. Le premier, l'abri provençal de Fontbrégoua est daté du Mésolithique, le second, l'abri de Fontjuvénal situé dans la Montagne Noire remonte au Néolithique ancien (Vilette, 1983) et le dernier, la grotte de l'Hortus dans l'Hérault, est daté du Moyen Âge (Mourer-Chauviré, 1972).

En France, des textes rapportent sa reproduction occasionnelle en Provence en 1825, dans le Gard en 1840 et dans les Alpes-de-Haute-Provence en 1859. Les auteurs de ces textes attribuent la rareté de ces évènements à l'intense activité de dénichage dont l'espèce fait alors l'objet. Mayaud (1936) confirme ces observations pour le début du 20ème siècle et dit le Guêpier d'Europe commun en Corse. En dehors de cette zone méditerranéenne, la reproduction de l'espèce est citée très exceptionnellement de sites du nord de la France, en Baie de Somme en 1840, 1901 et 1910, en Brenne en 1905 et 1911, et en Lorraine en 1910 (Dubois et al., 2000). À partir de 1946, l'espèce augmente ses effectifs camarguais et débute son expansion vers le nord, atteignant le Vaucluse dans les années 1950, l'Isère et la vallée du Rhône jusqu'à Vienne en 1975, l'Île-de-France et le Jura en 1977. La fréquence de ses reproductions augmente à partir des années 1980 dans la région centrale du pays d'une part, dans l'Allier, la Haute-Loire, le Val-de-Loire et le Puy-de- Dôme, et vers le nord-est et le nord du pays d'autre part, en Alsace, Lorraine, Haut-Rhin et dans le Nord-Pas-de-Calais. À cette expansion nordique se superpose une expansion vers l'ouest et le nord-ouest. Le Guêpier d'Europe s'installe en 1974 en Midi-Pyrénées, puis dans les Pyrénées-Orientales, l'Ariège, la vallée de la Garonne, le Poitou-Charentes pour atteindre le Finistère en 1983. L'effectif de reproducteurs français de l'espèce a été estimé à 8 000 couples à la fin des années 1990 (Lessells, 1994 ; Dubois et al., 2000).

Le Guêpier d'Europe est probablement une espèce autochtone des régions méditerranéennes de la France. Dans la seconde moitié du 20ème siècle, il a établi des populations reproductrices pérennes, dans les Alpes, la vallée du Rhône, le Massif Central, les Pyrénées, l'ouest, le nord et l'est du pays. Cette colonisation se serait faite apparemment de façon spontanée.

L'impact de cette espèce insectivore sur les écosystèmes qu'elle a récemment conquis en France n'a pas fait l'objet d'étude. Le Guêpier d'Europe est inscrit sur la liste des oiseaux protégés en France, à l'annexe II de la Convention de Berne (Dubois et al., 2000) et ses populations françaises ne font pas l'objet de mesures de gestion particulières.

Ressources
Experts
Fiche rédigée par Philippe CLERGEAU
Muséum National d'Histoire Naturelle
Conservation des espèces
57 rue Cuvier
75005 Paris

Jean-Denis VIGNE
Muséum national d'Histoire naturelle
Anatomie Comparée
55 rue Buffon
75005 Paris

Michel PASCAL
Insitut National de la Recherche Agronomique
Campus de Beaulieu - Avenue du Général Leclerc
35042 Rennes Cedex
Bibliographie

Dubois Ph.J., Le Maréchal P., Olioso G. & Yésou P., 2000. Inventaire des Oiseaux de France. Avifaune de la France métropolitaine. Nathan, Paris, F : 397 pp.

Lessells C.M., 1994. Guêpier d'Europe. In : Nouvel atlas des oiseaux nicheurs de France. 1985-1989 (Yeatman-Berthelot D. & Jarry G. eds). Société Ornithologique de France, Paris : 422-423.

Louchart A., 2001. Les oiseaux du Pléistocène de Corse et données concernant la Sardaigne. Bull. Soc. Sci. Hist. Nat. Corse, 696-697 : 187-221.

Mayaud N., 1936. Inventaire des oiseaux de France. Société d'Études Ornithologiques, Blot éditeur, Paris : 211 pp.

Mourer-Chauviré C., 1972. Les oiseaux des couches paléochrétiennes de la grotte de l'Hortus (Hérault). Études Quaternaire, Mémoire 2 : 289-295.

Mourer-Chauviré C., 1975. Les oiseaux du Pléistocène moyen et supérieur de France. Thèse d'État Université Claude Bernard, Lyon, n° 75-14.

Vilette P., 1983. Avifaunes du Pléistocène final et de l'Holocène dans le sud de la France et en Catalogne. Laboratoire de Préhistoire Paléthnologique, Atacina, Carcassonne, F, 11 : 190 pp.

Voous K.H., 1960. Atlas of European birds. Elsevier, Amsterdam, NL : 284 pp.