Citation de cette fiche : Pascal M., Clergeau P. & Lorvelec O., 2003. Le Cassenoix moucheté : Nucifraga caryocatactes (Linné, 1758). Pages 251-252, in : Évolution holocène de la faune de Vertébrés de France : invasions et disparitions (M.Pascal, O. Lorvelec, J.-D. Vigne, P. Keith & P. Clergeau, coordonnateurs), Institut National de la Recherche Agronomique, Centre National de la Recherche Scientifique, Muséum National d'Histoire Naturelle (381 pages). Rapport au Ministère de l'Écologie et du Développement Durable (Direction de la Nature et des Paysages), Paris, France. Version définitive du 10 juillet 2003.
Le Cassenoix moucheté
Le Cassenoix moucheté est inféodé aux forêts de conifères d'altitude et aux taïgas de l'Eurasie, depuis l'île Sakhaline jusqu'aux Alpes. Il occupe aussi une aire disjointe asiatique qui comprend le Japon, Taiwan et l'Aise centrale (Voous, 1960 ; Mattes & Sackl, 1997). D'après Voous (1960), les populations isolées des massifs montagneux méridionaux, telles celles des Alpes et de l'Himalaya, seraient des populations relictuelles témoignant d'une répartition plus méridionale de l'espèce à l'époque du dernier épisode glaciaire. Depuis les années 1930, le Cassenoix moucheté a accru son aire de répartition depuis les Alpes et les Hautes terres de Bohème pour atteindre récemment l'Allemagne, les Ardennes Belges et la Tchécoslovaquie. Cet accroissement est mis en rapport avec le développement de la politique sylvicole d'enrésinement conduite en Europe au cours du 20ème siècle (Voous, 1960 ; Mattes & Sackl, 1997).

Mentionné dans plusieurs assemblages du Tardiglaciaire de France (Mourer- Chauviré, 1975), le Cassenoix moucheté semble avoir quitté le territoire peu avant le début de l'Holocène, car il n'est mentionné, à notre connaissance, dans aucun des assemblages archéologiques de l'Holocène de France inventoriés à ce jour.
En 1936, Mayaud limitait son aire française de reproduction aux forêts mixtes des Alpes et du Jura et Crocq (1994) l'étendait aux pessières du massif vosgien en 1975. Depuis le début du 20ème siècle, l'espèce réalise épisodiquement des invasions spectaculaires en France. Elles donnent lieu à des observations de reproductions sans suite en de nombreuses localités du territoire. C'est seulement à l'occasion de la vague d'invasion de 1968 que l'espèce fonda, à partir de sujets provenant de l'est de l'Europe, une population toujours présente dans les Ardennes françaises (Yeatman, 1976 ; Dubois et al., 2000). L'effectif de reproducteurs français est estimé compris entre 3000 et 5000 couples à la fin des années 1990 (Dubois et al., 2000).

Ces informations biogéographiques et historiques conduisent à conclure que le Cassenoix moucheté serait une espèce autochtone des massifs montagneux de l'est de la France. Il a conquis le massif des Ardennes dans la seconde moitié du 20ème siècle de façon très probablement sub-spontanée à partir de fondateurs provenant de l'est de l'Europe. D'après les définitions retenues pour ce travail, le massif du Jura qui aurait accueilli des reproducteurs de Cassenoix moucheté à l'aube de l'Holocène appartient à la même entité biogéographique que celui des Ardennes. L'espèce a cependant été retenue au nombre de celles ayant réalisé des invasions en France en raison de l'origine est-européenne des fondateurs de la nouvelle population ardennaise, de la discontinuité de l'aire de répartition de l'espèce sur le territoire et de ses fréquentes tentatives récentes d'implantation notamment dans le Massif Central.

L'impact de cette espèce granivore et frugivore sur les écosystèmes français qu'elle a investis récemment n'a pas fait l'objet d'études. Son comportement de stockage de noisettes et de graines de conifères est susceptible de jouer un rôle important dans la régénération forestière (Crocq, 1977).

Le Cassenoix moucheté est inscrit sur la liste des oiseaux protégés en France et à l'annexe II de la Convention de Berne (Dubois et al., 2000). Ses populations françaises ne font pas l'objet de mesures de gestion particulières.

Ressources
Experts
Fiche rédigée par Michel PASCAL
Insitut National de la Recherche Agronomique
Campus de Beaulieu - Avenue du Général Leclerc
35042 Rennes Cedex

Philippe CLERGEAU
Muséum National d'Histoire Naturelle
Conservation des espèces
57 rue Cuvier
75005 Paris

Olivier LORVELEC
Insitut National de la Recherche Agronomique
Campus de Beaulieu - Avenue du Général Leclerc
35042 Rennes Cedex
Bibliographie

Crocq C., 1977. Biologie de l'alimentation du Cassenoix Nucifraga caryocatactes caryocatactes dans les Alpes, études des caches. L'Oiseau et la Revue Française d'Ornithologie, 47 : 319-334.

Crocq C., 1994. Cassenoix moucheté. In : Nouvel atlas des oiseaux nicheurs de France. 1985-1989 (Yeatman-Berthelot D. & Jarry G. eds). Société Ornithologique de France, Paris : 650-651.

Dubois Ph.J., Le Maréchal P., Olioso G. & Yésou P., 2000. Inventaire des Oiseaux de France. Avifaune de la France métropolitaine. Nathan, Paris, F : 397 pp.

Mattes H. & Sackl P., 1997. Nutcracker Nucifraga caryocatactes. In : The EBCC atlas of european breeding birds : their Distribution and Abundance (Hagemeijer E.J.M. & Blair M.J. eds.). T & AD Poyser, London : 678-679.

Mayaud N., 1936. Inventaire des oiseaux de France. Société d'Études Ornithologiques, Blot éditeur, Paris : 211 pp.

Mourer-Chauviré C., 1975. Les oiseaux du Pléistocène moyen et supérieur de France. Thèse d'État Université Claude Bernard, Lyon, n° 75-14.

Olioso G., 1994. Rémiz penduline. In : Nouvel atlas des oiseaux nicheurs de France. 1985-1989 (Yeatman-Berthelot D. & Jarry G. eds). Société Ornithologique de France, Paris : 628-629.

Voous K.H., 1960. Atlas of European birds. Elsevier, Amsterdam, NL : 284 pp.

Yeatman L., 1976. Atlas des oiseaux nicheurs de France. 1970-1975. Société Ornithologique de France, Paris : 282 pp.