Citation de cette fiche : Clergeau P. & Vigne J.-D., 2003. L'Étourneau sansonnet : Sturnus vulgaris Linné, 1758. Pages 254-256, in : Évolution holocène de la faune de Vertébrés de France : invasions et disparitions (M.Pascal, O. Lorvelec, J.-D. Vigne, P. Keith & P. Clergeau, coordonnateurs), Institut National de la Recherche Agronomique, Centre National de la Recherche Scientifique, Muséum National d'Histoire Naturelle (381 pages). Rapport au Ministère de l'Écologie et du Développement Durable (Direction de la Nature et des Paysages), Paris, France. Version définitive du 10 juillet 2003.
L'Étourneau sansonnet
L'Étourneau sansonnet est initialement une espèce des zones tempérées et boréales de l'Eurasie. Depuis la fin du 19ème siècle, il a été introduit volontairement ou accidentellement dans tous les continents du globe excepté l'Antarctique (Clergeau, 1998). C'est à partir des années 1940 que l'espèce, élargissant son aire de répartition en Europe, atteint l'Islande et le Spitzberg au nord, l'île d'Ouessant à l'ouest, l'Italie et la Grèce au sud, et, franchissant les Pyrénées en 1980, la province de Catalogne espagnole. Le scénario hypothétique qui prévaut actuellement pour expliquer ce récent accroissement de son aire de reproduction repose sur l'observation de son étroite corrélation avec un fort accroissement des effectifs de l'espèce. Ce renforcement des effectifs est considéré comme la conséquence d'une survie hivernale accrue en rapport avec une succession d'hivers cléments et une notable augmentation des ressources trophiques d'origine anthropique mises à la disposition de l'espèce à cette époque de l'année (Clergeau, 1986 ; Feare, 1994).

En France, les restes squelettiques de l'Étourneau sansonnet sont fréquents dans les sites archéologiques du Tardiglaciaire et de la période préhistorique de l'Holocène (Mourer- Chauviré, 1975 ; Vilette, 1983), y compris de Corse (Vigne et al., 1997 ; Louchart, 2001). Par la suite, l'espèce est également mentionnée dans les produits de fouille d'un puit gallo-romain tardif d'Aquitaine daté du 4ème siècle (Poulain-Josien, 1958), d'un site moyenâgeux de l'Hérault (Mourer-Chauviré, 1972), d'un site de la Nièvre du 11-12ème siècles (Audoin- Rouzeau, 1986), d'un autre du Jura du 15-16ème siècles (Clavel, 1990) et d'un autre enfin situé en région parisienne (Vincennes) et daté du 16ème siècle (Clavel, 2001). Cette apparente abondance de mentions doit cependant être relativisée. En effet, leur nombre est tout compte fait réduit s'il est comparé à celui des assemblages archéologiques étudiés comportant des restes d'oiseaux (Marinval, 2002). L'espèce est par ailleurs mentionnée au nombre de celles consommées au Moyen Âge d'après deux ouvrages de 1393 et 1490 (Saly, 1984) et à la Renaissance (Dupébè, 1982). Ces données, si elles attestent de la présence ancienne de l'espèce en France, ne renseignent cependant pas sur son statut local de reproduction à ces époques, l'Étourneau sansonnet réalisant d'importante migration et la France constituant l'un de ses sites d'hivernage. Quoi qu'il en soit les données archéologiques des deux derniers millénaires semblent indiquer que son abondance était alors nettement plus réduite qu'elle ne l'est à l'heure actuelle.

D'après les données récentes, l'Étourneau sansonnet ne se reproduisait pas au sud du parallèle de Bordeaux avant les années 1940. Il a atteint les rivages de la Méditerranée en 1960 (Clergeau, 1986) et niche actuellement sur l'ensemble du territoire à l'exception de la Corse (Clergeau, 1994).

C'est sur la base de ces considérations archéologiques, historiques et biogéographiques que l'Étourneau sansonnet est rangé ici au nombre des espèces autochtones de la partie nord de la France. Il aurait envahi récemment et de façon sub-spontanée sa partie sud, Corse exceptée.

Pendant l'hiver, l'Étourneau sansonnet est représenté en France par des individus hivernants provenant de populations orientales se reproduisant dans l'ex-Union Soviétique, tout particulièrement en Ukraine, et par les individus des populations sédentaires françaises (Clergeau, 1994). Très grégaire à cette époque de l'année, il constitue alors des dortoirs constitués de représentants de diverses origines et dont les effectifs peuvent compter plusieurs millions d'individus (Clergeau, 1997a). Il établit ces dortoirs dans des bois, des taillis ou des roselières, pour l'essentiel. Les importantes quantités de déjections nocturnes émises sur ces sites peuvent provoquer une forte eutrophisation des sous-bois et des collections d'eau (Marion et al., 1994). L'action chimique de ces fientes alliée à l'action mécanique du poids des oiseaux peut aboutir dans certains cas à la mort des arbres, en particulier quand il s'agit de sapinières (Clergeau, 1990). Par ailleurs, à cette époque de l'année, le régime alimentaire de l'Étourneau sansonnet, toujours essentiellement insectivore, se diversifie et comporte des fruits et des céréales "ramollies" par la germination ou par leur mise en ensilage (Clergeau, 1997a). Il peut alors occasionner d'importants dégâts aux cultures et aux ensilages. L'impact de l'espèce sur la production agricole est actuellement moins aigu que dans les années 1980 en raison d'une réduction par un facteur 10 du nombre d'oiseaux hivernants provenant des pays du nord-est de l'Europe. C'est pendant les années 1970 que sont apparus en France les premiers dortoirs urbains important de l'espèce. Leur nombre s'est accru depuis et, à titre d'exemple, le nombre d'agglomérations urbaines hébergeant d'importants dortoirs s'élevait à 2 en 1972, 10 en 1985 et 15 en 1995 pour les 4 départements bretons (Le Lay, 2002). La présence de ces dortoirs est de moins en moins tolérée en raison de la nuisance sonore qu'ils constituent et des salissures générées par les déjections de l'oiseau. La présence en grand nombre d'Étourneaux sansonnets dans les bâtiments d'élevage, sur les ensilages, au sein des troupeaux en pâtures et dans les agglomérations urbaines, a suscité précocement des interrogations sur le rôle potentiel de l'espèce comme réservoir et/ou vecteurs de pathogènes de la faune domestique et de l'Homme. En Europe, son rôle de porteur de l'agent de la gastro-entérite du porc (Feare, 1994) ou de salmonelles (Joncour & Sarmouk, 1997) a été établi sans que des relations aient été mises en évidence entre ce portage et des épisodes d'épizootie. Seul son important portage de Candida albicans est reconnu actuellement comme potentiellement pathogène pour l'Homme (Guiguen & Camin, 1997).

L'Étourneau sansonnet est inscrit sur la liste des oiseaux susceptibles d'être chassés en France, et à l'annexe II de la Directive Oiseaux (Dubois et al., 2000). À l'initiative du Fond National des Calamités Agricole du Ministère de l'Agriculture, un groupe de travail "Étourneau" fédérant des compétences de l'Institut National de la Recherche Agronomique, de l'Action Technique et Coordination Agricole et du Service de la Protection des Végétaux, a été créé en 1976. Ce groupe poursuit actuellement ses travaux en réalisant une veille sur la dynamique et les impacts des populations françaises de l'espèce (Clergeau, 1997b). C'est à son initiative que, pendant les années 1980, les dortoirs ruraux de l'espèce ont fait l'objet d'opérations de destruction, surtout dans l'ouest du pays (Clergeau, 1990). Ses sites de rassemblement urbains font l'objet d'opérations d'effarouchements acoustiques (Clergeau & Mennechez, 1997).

Ressources
Experts
Fiche rédigée par Philippe CLERGEAU
Muséum National d'Histoire Naturelle
Conservation des espèces
57 rue Cuvier
75005 Paris

Jean-Denis VIGNE
Muséum national d'Histoire naturelle
Anatomie Comparée
55 rue Buffon
75005 Paris
Bibliographie

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