Citation de cette fiche : Pascal M. & Vigne J.-D., 2003. Le Loup : Canis lupus Linné, 1758. Pages 270-272, in : Évolution holocène de la faune de Vertébrés de France : invasions et disparitions (M.Pascal, O. Lorvelec, J.-D. Vigne, P. Keith & P. Clergeau, coordonnateurs), Institut National de la Recherche Agronomique, Centre National de la Recherche Scientifique, Muséum National d'Histoire Naturelle (381 pages). Rapport au Ministère de l'Écologie et du Développement Durable (Direction de la Nature et des Paysages), Paris, France. Version définitive du 10 juillet 2003.
Le Loup
La vaste aire de répartition historique du Loup comprenait l'Amérique du Nord et toute l'Eurasie, depuis l'Europe de l'Ouest et la péninsule arabique jusqu'au Japon, à l'exclusion de l'Indochine et du sud de l'Inde (Wilson & Reeder, 1993). Sa présence est attestée dans toutes les régions de France continentales tout au long de l'Holocène et les témoignages archéologiques n'indiquent pas de réduction sensible de son aire de répartition avant les Temps Modernes. Le Loup n'a, semble-t-il, jamais vécu sur l'une ou l'autre des îles françaises, pas même la Corse (Vigne, 1999).

La comparaison d'une séquence de 261 paires de bases de l'ADNmt de 162 loups issus de 27 populations d'Europe, d'Asie, et d'Amérique du Nord, à celle de 5 chiens bâtards et de 140 chiens appartenant à 67 races d'élevage, a permis de conclure que le Loup est à l'origine de l'ensemble des formes domestiques de chiens, à l'exclusion d'autres canidés (Vilà et al., 1997 ; voir aussi Tsuda et al., 1997). Déjà, identifiée au Proche-Orient il y a 14 à 13 000 ans (Davis & Valla, 1978), la présence du Chien est attestée dans les restes archéologiques de l'Europe occidentale, en Espagne septentrionale, en Italie du nord et en Allemagne rhénane à peu près à la même époque (Vigne & Marinval-Vigne, 1988 ; Street & Baales, 1999), et en France dès avant le début de l'Holocène, environ 10 000 ans avant J.- C. (Célérier et al., 1999). Un témoignage de la présence du Chien vient d'être mis en évidence dans des couches magdaléniennes du sud-ouest du pays (Fos & Garcia, inédit). Des données récentes de la génétique confirment que sa domestication est intervenue pendant la période comprise entre 15 000 et 11 000 ans avant nos jours (Savolainen et al., 2002).

Le Chien a été introduit en Corse au Néolithique, probablement au 6ème millénaire avant J.-C. (Vigne, 1999), période à partir de laquelle sa présence, associée à celle du Renard roux et de l'Homme, également nouveaux venus, a sans doute sensiblement augmenté la pression de prédation sur les petits mammifères autochtones (Vigne, 1987).

Le territoire continental de la France et la Corse connurent-ils des populations marronnes de chiens par le passé ? La question n'a pas de réponse claire actuellement. Pour Bobbé (1999), on trouverait en France, à l'heure actuelle, des chiens “fugueurs” plutôt que “divagants”, à l'exclusion de marrons.

À la fin du 18ème siècle, le Loup est encore bien présent sur l'ensemble du territoire continental de la France. Par la suite, l'effectif de ses populations y décline, en raison essentiellement d'une forte pression de chasse. À titre d'exemple, en 1797 et 1798 il a été tué une moyenne de 6 000 loups par an. En 1923, l'espèce ne subsiste qu'à l'état de deux noyaux reliques situés dans l'est et le centre ouest du pays. Elle disparaît en 1939 (de Beaufort, 1988). Entre cette date et 1990, 21 observations de Loups ont été recensées en France. Ces observations ne présentent aucune cohérence spatiale et temporelle et aucune d'entre elles n'a abouti au constat de la constitution d'une unité reproductrice (de Beaufort, 1987, 1990). C'est depuis 1992 que le Loup a débuté la reconquête du territoire français à partir de sa population alpine italienne. En 1998, il est présent de façon permanente dans les Alpes-de-Haute-Provence, les Hautes-Alpes, l'Isère et la Savoie et, depuis 1999, dans la Drôme (Duchamp et al., 2001 ; Campion-Vincent, 2000). Il constitue dans ces sites des unités reproductrices.

La connaissance approfondie de l'histoire naturelle de l'espèce fonde les actuelles prédictions quant à son impact sur les faunes locales (de Beaufort, 1987 i.a.). Les programmes de recherche qui accompagnent sa récente réinstallation sur le territoire français visent à documenter cet impact à diverses échelles d'espace (Duchamp et al., 2001 ; Campion-Vincent, 2000).

Le Loup en Europe de l'Est et en Chine (Eckert et al., 2001), et le Chien en France (Contat, 1984), au Japon, et en Amérique du Nord (Eckert et al., 2001), sont des hôtes définitifs du Ténia Echinococcus multilocularis, agent de l'échinococcose alvéolaire.

Le Loup est donc une espèce autochtone de la France continentale. Après sa disparition du territoire pendant la première moitié du 20ème siècle, il l'a réenvahi spontanément à la fin du siècle. Le Chien, sa forme domestique, ne constitue pas de populations marronnes en France actuellement, mais cela a pu être le cas par le passé.

Le Loup est protégé par la loi française, et ses populations récemment implantées font l'objet d'actives recherches. Le code rural statut sur les mesures à prendre à l'égard des chiens errants.

Ressources
Experts
Fiche rédigée par Michel PASCAL
Insitut National de la Recherche Agronomique
Campus de Beaulieu - Avenue du Général Leclerc
35042 Rennes Cedex

Jean-Denis VIGNE
Muséum national d'Histoire naturelle
Anatomie Comparée
55 rue Buffon
75005 Paris
Bibliographie

Bobbé S., 1999. Entre domestique et sauvage : le cas du chien errant. Une liminalité bien gênante. Ruralia, 5 : 119-133.

Campion-Vincent V., 2000. Les réactions au retour du loup en France. Une analyse tentant de prendre “ les rueurs ” au sérieux. Anthropozoologica, 32 : 33-59.

Contat F., 1984. Contribution à l'étude épidémiologique de l'échinococcose alvéolaire en Haute- Savoie. Étude histologique des lésions. Thèse Vétérinaire, Unversité Claude Bernard, Lyon : 190 pp.

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