91D0-1.2 - Boulaies pubescentes tourbeuses de montagne

Liste hiérarchisée et descriptifs des habitats des Cahiers d'habitats

Caractéristiques stationnelles

Type d’habitat se rencontrant à l’étage montagnard (parfois sub- alpin), prenant le relais des boulaies pubescentes tourbeuses des plaines et collines.
Se rencontre dans les massifs où on note l’absence du Pin à cro- chets ou/et de l’Épicéa ; sinon en présence de ces deux essences la boulaie représente une phase pionnière de la pineraie ou de la pessière tourbeuse.
Les conditions écologiques, assez variables, sont présentées ci-dessous.

Variabilité

Variations géographiques :
- race ardennaise pauvre en espèces d’altitude ;
- race vosgienne avec présence du Bouleau des Carpates (Betula pubescens subsp. carpatica) ;
- race du Massif central.

Variations écologiques :
- variante 1 : boulaie tourbeuse à Aulne, faisant la transition avec l’aulnaie marécageuse ; avec Aulne (Alnus glutinosa), Saule cendré (Salix cinerea), Luzule des bois (Luzula sylvatica), Fougère femelle (Athyrium filix femina)… La tourbe est peu profonde (10 40-50 cm (100) baignée par les apports de sour- ce et de nappes des terrains voisins ; le pH est de l’ordre de 4,5 dans la tourbe ; il se produit une certaine aération ;
- variante 2 : boulaie tourbeuse typique : la végétation est plus acidiphile ; l’épaisseur de tourbe varie entre (50) 80 (120 cm) ; le pH est de l’ordre de 4 dans la tourbe. Il s’agit de stations très humides en dépressions ou moins engorgées sur pentes ou sur plateaux. On observe le Jonc acutiflore (Juncus acutiflorus), la Laîche noire (Carex nigra), la Laîche hérissée (Carex echinata), la Violette palustre (Viola palustris)… ;
- variante 3 : boulaie tourbeuse à Linaigrette engainante (Eriophorum vaginatum). La tourbe dépasse toujours un mètre, le pH atteint au maximum 4. Présence de la Camarine (Empetrum nigrum), de la Callune, traduisant des dessèchements saisonniers de surface. On rencontre beaucoup d’espèces de tourbières bombées : Canneberge (Vaccinium oxycoccos), Sphaignes diverses…

Physionomie, structure

Il s’agit de forêts claires et basses (h ≤15 m) dominées par le Bouleau pubescent presque pur (rareté de l’Aulne et du Sorbier des oiseleurs). La strate arbustive est constituée par le Saule à oreillettes et la Bourdaine. Le tapis herbacé est recouvrant, assez varié selon les conditions. La strate muscinale très développée regroupe plusieurs espèces de Sphaignes.

Confusions possibles

Ne pas confondre avec :
- les faciès à Bouleau pubescent de certaines aulnaies maréca- geuses (non liées à une tourbière) ;
- les boulaies pubescentes collinéennes (cf. fiche 91DO-1.1).
Le cas échéant, un examen pédologique aidera à affiner le diagnostic. La présence d’espèces discriminantes comme Vaccinium uliginosum, Eriophorum vaginatum, Vaccinium oxycoccos est également une indication.

Dynamique

Cet habitat dérive de la colonisation ligneuse :
- de formations tourbeuses progressivement formées au sein d’aulnaies acides (variante 1) ;
- de bas marais acides (variante 2) ;
- de tourbières bombées à Sphaignes (après drainage, feux ou perturbation du sol ou simplement dessèchement de la surface) (variante 3).
Avec réversibilité possible à long terme si l’activité de la tourbière redémarre.

La boulaie s’installe également sur les zones ravagées par des incendies de tourbe : on observe l’implantation du Bouleau et du Tremble ; le tremble disparaît après cessation de l’effet eutrophisant des cendres.

Habitats associés ou en contact

Aulnaies acidiphiles, à Laîches, marécageuses.
Bas marais acide à Laîche noire (Carex nigra) ; Laîche courte (Carex curta).
Fourrés à Saule à oreillettes (Salix aurita), à Saule cendré (Salix cinerea).
Tourbières de transition ou bombées (UE : 7110, 7120, 7140).
Hêtraies acidiphiles à Luzule blanchâtre (Luzula luzuloides) (UE : 9110).
Divers types forestiers.

Répartition géographique

Massif ardennais.
Quelques points du massif vosgien. Massif central.
Pyrénées (-).

Valeur écologique et biologique

Type d’habitat couvrant à l’origine une très faible surface ; par ailleurs il a subi une réduction forte de la surface initiale du fait des activités humaines —› habitat devenu rare.
Milieu relictuel (vestige d’une époque climatique ancienne, froide). Présence éventuelle de plantes rares à l’échelle des régions considérées comme la Trientale d’Europe (Trientalis europaea) dans les Ardennes.
Intérêt cynégétique de ces milieux (zone de refuge pour la faune sauvage…).

États de conservation

États à privilégier :
Peuplements matures plus ou moins denses.
Peuplements intermédiaires. Peuplements clairs, assez jeunes.

Autres états observables :
Phases pionnières à Bouleau pubescent de pessières ou pineraies tourbeuses : à laisser évoluer vers la végétation mâture dominée par un résineux.

Tendances et menaces

Ces habitats présentent actuellement une certaine stabilité voire une légère progression sur des espaces où ils avaient disparu.
Ils ont connu dans certaines régions une forte régression du fait de l’utilisation rurale des sols tourbeux. Ils ont fait place à des bas marais à Joncs, à des clairières à Molinie, à des tourbières de transition… avec souvent banalisation par le développement de la Molinie.
On a observé également des tentatives de reboisement avec l’Épicéa, avec drainage préalable. Souvent le drainage a échoué et cela conduit à un très mauvais développement de l’Épicéa sur des tourbes relativement épaisses.

Potentialités intrinsèques de production

Potentialités très faibles à médiocres ; aucune valeur économique :
- essences spontanées (Bouleau, Aulne, Sorbier) : production médiocre, intérêt essentiellement cultural et écologique ;
- échecs constatés des essais de transformations résineuses après drainage (Épicéa, Pin sylvestre).
Coupes de bois de chauffage essentiellement et pratiques plus ou moins abandonnées à ce jour.
Grandes difficultés d’exploitation (engorgement de la tourbe).

Axes de recherche

L’étude des boulaies en bon état de conservation devrait permettre d’appréhender les conditions de régénération du bouleau.
Nécessité de faire de nouvelles observations pour préciser l’aire exacte de distribution de ce type d’habitats.
Pédagogie à l’environnement : le rôle économique et écologique des zones humides ; cycles biologiques et chaînes alimentaires…
Exploitation forestière : distance et intensité des coupes à préciser.

Bibliographie

 Bensettiti F., Rameau J.-C. & Chevallier H. (coord.), 2001. « Cahiers d’habitats » Natura 2000. Connaissance et gestion des habitats et des espèces d’intérêt communautaire. Tome 1 - Habitats forestiers. Volume 1. MATE/MAP/MNHN. Éd. La Documentation française, Paris, 339 p. + cédérom. (Source)