ZNIEFF 220013892
PRAIRIES ET MARAIS DE LA BASSE VALLÉE DE LA SOMME ENTRE PORT-LE-GRAND ET NOYELLES-SUR-MER

(n° régional : 80LIT110)

Commentaires généraux

DESCRIPTION

La zone correspond à des terrains qui ont été progressivement gagnés sur la mer depuis le XIXème siècle, grâce à l’édification de digues délimitant des polders (localement appelés "renclôtures"), dans un contexte d’ensablement de la Baie de Somme. Les premières de ces renclôtures datent de 1845, et la dernière a été construite en 1911 (création également de la voie de chemin de fer reliant Noyelles-sur-mer à Saint-Valery-sur-Somme). Il existe un échange quasi-permanent d’eau entre la baie et la basse vallée. Ainsi, un certain nombre de plans d’eau sont saumâtres, expliquant ainsi la présence de végétations halophiles ainsi que d’un macrozoobenthos aquatique que recherchent de nombreux oiseaux d’eau.

De ce fait, même si ces anciennes mollières ont globalement été soustraites de l’influence de la mer, une certaine salinité subsiste néanmoins. Elle correspond, de fait, à un des facteurs écologiques déterminants pour cette zone. Cette salinité décroît fortement, au fur et à mesure de l’éloignement du point d’entrée de la mer.

La basse vallée de la Somme comprend une mosaïque de milieux diversifiés où les habitats prairiaux et les milieux aquatiques sont dominants. La grande roselière de la renclôture Elluin est, également, un élément remarquable de la zone. Quelques autres marais, des linéaires de haies, un réseau complexe de fossés et de chenaux, de rares plantations de peupliers et des cultures complètent le paysage. Le caractère inondable des prairies lui confère un intérêt supplémentaire.

On observe la gamme complète des prairies mésophiles à hygrophiles (avec un gradient de déchloruration d’ouest en est), avec certains secteurs paratourbeux :

- des prairies sèches à Lolium perenne du Lolio-Cynosuretum cristati ;

- des prés mésohygrophiles à Hordeum secalinum de l’Hordeo secalini-Lolietum perennis ;

- des prairies subhygrophiles à Juncus inflexus du Pulicario dysentericae-Juncetum inflexi (variante type et variante subhalophile) ;

- des groupements pionniers à Scirpus setaceus et Samolus valerandi ;

- des prés à Blysmus compressus du Junco gerardii-Blysmetum compressi subhalophile ;

- des prés inondés à Eleocharis palustris de l’Eleocharo-Oenanthetum fistulosae (variante type et variante subhalophile) ;

- des prairies flottantes du Nasturtietum microphylli ;

- des bas-marais relictuels du Caricion rostratae ;

- des prés tourbeux ponctuels à Juncus subnodulosus de l’Hydrocotylo-Juncetum subnodulosi.

En dehors des secteurs prairiaux, sont notées :

- des roselières du Phragmition (Solano dulcamarae-Phragmitetum) ;

- diverses cariçaies rivulaires (Caricetum ripario-acutiformis, Caricetum paniculatae) ;

- des mégaphorbiaies du Calystegion sepium.

Les végétations aquatiques et amphibies sont très diversifiées, avec, entre autres :

- des groupements appartenant au Lemnion gibbae (Lemno-Spirodeletum polyrhizae ...) ;

- des herbiers du Riccio fluitantis-Lemnion trisulcae ;

- des herbiers de l’Hydrocharition morsus-ranae ;

- divers herbiers du Potamion pectinati (groupement à Groenlandia densa ...) ;

- divers herbiers du Zanichellion pedicillatae (herbier à Zanichellia pedicellata, Ranunculetum baudotii, groupement à Ceratophyllum submersum) ;

- le groupement amphibie à Baldellia ranunculoides de l’Hydrocotylo-Baldellion.

INTERET DES MILIEUX

La basse vallée de la Somme constitue l'un des secteurs les plus importants pour le département de la Somme de vastes prairies d’un seul tenant. Les milieux y sont relativement bien conservés et accueillent des habitats, une flore et une faune dont l'intérêt est suprarégional. En particulier, certains habitats sont inscrits à la directive "Habitats" de l'Union Européenne. C’est le cas du groupement amphibie de l’Hydrocotylo-Baldellion et des prés paratourbeux de l’Hydrocotylo-Juncetum. D’autres groupements sont particulièrement remarquables pour la région, parmi lesquels les groupements subhalophiles (dont le Junco-Blysmetum et le Ranunculetum baudotii, exceptionnels en Picardie).

L’intérêt ornithologique de la zone, dans sa partie ouest, est également reconnu comme étant de niveau européen, par son classement en Zone d’Importance Communautaire pour les Oiseaux (ZICO). Ce classement est justifié par la nidification de plusieurs espèces inscrites à la directive "Oiseaux" de l'Union Européenne. La basse vallée de la Somme est également réputée comme halte migratoire pour de nombreux oiseaux d’eau.

INTERET DES ESPECES

Flore :

Dans les prairies s’observent :

- l’Ophioglosse commune (Ophiglossum vulgatum*) petite fougère vulnérable en Picardie ;

- le Dactylorhize négligé (Dactylorhiza praetermissa*), assez rare en Picardie ;

- le Dactylorhize incarnat (Dactylorhiza incarnata*), rare en Picardie ;

- la Parnassie des marais (Parnassia palustris*), particulièrement rare en milieu prairial ;

- l’Oenanthe fistuleuse (Oenanthe fistulosa), assez rare en Picardie ;

- l’Epipactis des marais (Epipactis palustris), orchidée rare en Picardie ;

- le Troscart des marais (Triglochin palustre), vulnérable en Picardie ;

- l’Epilobe des marais (Epilobium palustre), assez rare en Picardie.

Certaines espèces témoignent de la présence d’une certaine salinité :

- le Blysme comprimé (Blysmus compressus),

- le Jonc de Gérard (Juncus gerardii),

- la Samole de Valerandus (Samolus valerandi),

- le Scirpe maritime (Scirpus maritimus),

- le Scirpe de Tabernaemontanus (Scirpus tabernaemontani),

- le Troscart maritime (Triglochin maritimum),

- la Laîche distante (Carex distans var. vikingensis),

- le Glaux maritime (Glaux maritima),

- le Lotier à feuilles ténues (Lotus corniculatus subsp. tenuis),

- la Renoncule de Baudot (Ranunculus baudotii),

- la Zannichellie pédonculée (Zannichellia palustris subsp. pedicellata).

Quelques espèces remarquables se développent sur les abords des mares :

- la Baldellie fausse-renoncule (Baldellia ranunculoides), exceptionnelle en Picardie ;

- le Butome en ombelle (Butomus umbellatus), très rare en Picardie ;

- la Pesse commune (Hippuris vulgaris).

Les secteurs paratourbeux abritent :

- la Linaigrette à feuilles étroites (Eriophorum polystachion*), vulnérable en Picardie ;

- l’Eleocharide pauciflore (Eleocharis quinqueflora*), espèce exceptionnelle en Picardie ;

- la Pédiculaire des marais (Pedicularis palustris*), très rare en Picardie ;

- la Renoncule langue (Ranunculus lingua*), protégée et menacée au niveau national ;

- la Catabrose aquatique (Catabrosa aquatica), assez rare en Picardie.

Enfin, signalons la présence de la Nivéole d’été (Leucojum aestivum*), exceptionnelle en Picardie. Le caractère indigène de la station n’est pas certain.

Faune :

* Avifaune

Cette zone présente un intérêt ornithologique avéré. La superficie et la tranquillité relative des plans d’eau, l’abondance de nourriture, la proximité de la Baie de Somme et la situation géographique sur la voie de migration du littoral de l’Europe de l’ouest permettent la présence d’une avifaune exceptionnellement riche et diversifiée pour les nicheurs et les migrateurs.

Pour les espèces nicheuses, citons :

- un grand nombre d’anatidés : la Sarcelle d’été (Anas querquedula), présente en effectif important lors des années humides (plus de vingt couples) ; le Canard souchet (Anas clypeata), également abondant ; le Canard pilet (Anas acuta), nicheur exceptionnel en Picardie et en France ; la Sarcelle d’hiver (Anas crecca), nicheuse probable en petit nombre ; le Canard chipeau (Anas strepera), régulier mais avec de faibles effectifs et le Tadorne de Belon (Tadorna tadorna), abondant en basse vallée ;

- des passereaux paludicoles : la Panure à moustaches (Panurus biarmicus), qui trouve ici son bastion de nidification pour toute la Picardie ; la Bouscarle de Cetti (Cettia cetti), assez rare en Picardie ; la Gorgebleue à miroir (Luscinia svecica), inscrite à l’annexe I de la directive "Oiseaux" et la Locustelle luscinioïde (Locustella luscinioides), assez rare en Picardie ;

- d’autres passereaux prairiaux : le Tarier des prés (Saxicola rubetra) et la Pie-grièche écorcheur (Lanius collurio), particulièrement rares dans la Somme ;

- des rallidés particulièrement remarquables, dont trois espèces de marouettes qui y ont déjà été notées : la Marouette ponctuée (Porzana porzana), relativement régulière ; la Marouette poussin (Porzana parva) et la Marouette de Baillon (Porzana pusilla), toutes deux exceptionnelles en Picardie et observées chacune à une reprise sur la basse vallée ;

- des ardéidés : le Butor étoilé (Botaurus stellaris), en voie de disparition en Picardie, et le Bihoreau gris (Nycticorax nycticorax), espèce discrète, exceptionnelle en Picardie et qui a déjà niché sur le site ;

- des rapaces : le Busard des roseaux (Circus aeruginosus), inscrit à l’annexe I de la directive "Oiseaux" et le Faucon hobereau (Falco subbuteo), assez rare en Picardie ;

- des limicoles prairiaux : la Barge à queue noire (Limosa limosa), qui trouve ici son seul site de nidification relativement régulier pour toute la Picardie ; l’Huîtrier-pie (Haematopus ostralegus), qui ne se reproduit que sur le littoral pour toute la Picardie ; le Vanneau huppé (Vanellus vanellus), espèce vulnérable en Picardie ; l’Avocette élégante (Recurvirostra avosetta), nicheur exceptionnel en Picardie et l’Echasse blanche (Himantopus himantopus), nicheuse occasionnelle, de plus en plus régulière ;

La basse vallée de la Somme accueille, par ailleurs, lors du passage prénuptial, des effectifs importants d’anatidés (canards souchets, sarcelles d’été, canards pilets...) et de limicoles (barges à queue noire, bécassines des marais, vanneaux huppés, combattants variés, courlis cendrés...).

Enfin, certaines espèces utilisent la basse vallée comme site de nourrissage : la Spatule blanche (Platalea leucorodia), l’Aigrette garzette (Egretta garzetta), le Héron garde-boeuf (Bubulcus ibis), la Grande Aigrette (Egretta alba),...

* Batrachofaune

Plusieurs espèces remarquables ont été observées :

- le Triton crêté (Triturus cristatus), inscrit à l’annexe II de la directive "Habitats" de l’Union Européenne ;

- le Triton alpestre (Triturus alpestris), vulnérable au niveau national ;

- le Crapaud calamite (Bufo calamita), très rare en Picardie ;

- la Rainette verte (Hyla arborea), vulnérable au niveau national.

* Odonatofaune

Citons l’Agrion nain (Ischnura pumilio), exceptionnel en Picardie, et l’Agrion scitulum (Coenagrion scitulum), très rare en Picardie.

FACTEURS INFLUENCANT L’EVOLUTION DE LA ZONE

- Certaines parcelles ont été achetées par le Conservatoire de l’Espace Littoral et des Rivages Lacustres. La gestion écologique a été confiée au Syndicat Mixte d’Aménagement de la Côte Picarde.

- Le paysage de la basse vallée de la Somme est tributaire des activités humaines qui y sont développées. Ainsi, les pratiques d’élevage, la gestion des niveaux d’eau et les activités cynégétiques conditionnent la qualité écologique de cette zone.

- Il est important d’éviter toute action qui entraînerait un assèchement de la zone : l’intérêt écologique en dépend. Ainsi, les plantations de peupliers, le creusement de fossés de drainage seraient à proscrire dans ce cadre.

- Certaines prairies ont été retournées aux dépens de cultures. Même si certaines d’entre elles permettent la nidification de limicoles remarquables, ces parcelles n’atteignent pas le même niveau de valeur des prairies humides de la zone. De plus, il a été démontré que le succès de reproduction des espèces aviennes considérées est beaucoup plus faible en culture qu’en prairie.

N.B. : les espèces végétales dont le nom latin est suivi d’un astérisque sont légalement protégées.

Commentaires sur la délimitation

Le site correspond à la basse vallée de la Somme entre Port-le-Grand et Noyelles-sur-mer, dans la partie située au nord du canal de la Somme. Cette zone comprend un ensemble de milieux palustres de très grande valeur écologique (intérêt supra-européen) et paysagère. Il est limité au nord par les milieux essentiellement cultivés du plateau du Ponthieu, à l'est par des prairies mésophiles de moindre intérêt écologique puis par le bassin de décantation de Grand-Laviers, au sud par la ZNIEFF de type I "Marais, prairies, bocage et bois entre Cambron et Boismont", et à l'ouest par la ZNIEFF de type I "Baie de la Somme, Parc ornithologique du Marquenterre et Champ Neuf".

Ce site entretient des relations de fonctionnalité avec l'estuaire de la Somme.