ZNIEFF 230031040
LA ZONE ALLUVIALE DE LA BOUCLE D'ANNEVILLE-AMBOURVILLE

(n° régional : 8512)

Commentaires généraux

Dans la partie aval de la Vallée de la Seine, au cœur du Parc Naturel Régional des Boucles de la Seine Normande, une vaste zone humide alluviale s’étire le long du fleuve entre Bardouville à l’amont et Yville-sur-Seine à l’aval. Elle s’étend sur la périphérie de la Boucle d’Anneville-Ambourville, entre la Forêt de Mauny, les hautes terrasses alluviales anciennes et la Seine.

Entre Bardouville et Anneville, elle englobe l’ensemble des « Prairies du But », puis se réduit à un mince liseré jusqu’à Ambourville ; entre Ambourville et Yville, la plaine alluviale s’élargit pour dépasser un kilomètre de largeur.

Cinq ZNIEFF de type I sont comprises dans ce grand ensemble de type II :

- Les prairies humides des Alouettes à Berville-sur-Seine (8512.0001 ; 5.03 ha)

- Le Bois des Nouettes à Anneville-Ambourville (8512.0002 ; 13.05 ha)

- Prairies humides entre Anneville-Ambourville et Yville-sur-Seine (8512.0003 ; 436.19 ha)

- Les prairies humides du But à Bardouville (8512.0004 ; 102.86 ha)

- La Forêt alluviale du Trou Buquet à Yville-sur-Seine (8512.0005 ; 28.88 ha)

Cette vaste zone alluviale est importante dans le contexte régional où les zones humides essentiellement prairiales sont rares et ont été réduites de façon notable, tout particulièrement en Vallée de Seine.

Les terres argilo-limoneuses étant lourdes et humides, elles sont peu favorables aux emblavements et possèdent avant tout une vocation prairiale. Les prairies mésohygrophiles et hygrophiles sont utilisées pour la fauche et/ou le pâturage ; certaines parcelles sont d’abord fauchées, souvent en juin, puis les troupeaux sont mis à l’herbe en été. D’autres sont utilisées uniquement pour le pâturage, notamment celles qui sont le plus rapidement ressuyées.

Les prairies de fauche (alliances phytosociologiques de l’Arrhenatherion elatioris et du Bromion racemosi) sont utilisées de façon plus ou moins intensive suivant le degré d’humidité des sols. Les pâtures et prairies de fauche mésohygrophiles sont le plus souvent à rattacher à l’association phytosociologique de l’Hordeo-secalini-Lolietum perennis, classique dans ce type de zones alluviales.

Quelques prairies de fauche parmi les plus extensives et humides abritent l’Œnanthe à feuilles de Silaüs (Oenanthe silaifolia) et le Séneçon aquatique (Senecio aquaticus), espèces caractéristiques du Senecio aquatici-Oenanthetum silaifoliae, groupement très rare et menacé dans les vallées du Nord de la France.

Des petites dépressions abritent des groupements hygrophiles de l’Eleocharo palustris-Oenanthetum fistulosae ou de l’Alopecuretum geniculati. Sur les bords de mares ou de fossés se développent des végétations hélophytiques à Butome en ombelle (Butomus umbellatus) et Plantain d’eau lancéolé (Alisma lanceolatum) de l’association du Butometum umbellati (alliance de l’Oenanthion aquaticae regroupant les roselières pionnières).

De vastes réseaux de haies vives et d’alignements de saules et frênes taillés en têtards structurent ces milieux prairiaux ouverts. Ces éléments bocagers jouent un rôle essentiel sur le plan paysager et faunistique. Les réseaux de fossés, mares et dépressions humides complètent cette mosaïque, de même que des petits boisements, notamment de peupliers.

Quelques fragments de forêts alluviales relictuelles subsistent vers Yville, notamment dans le « Trou Buquet » et le « Bois des Nouettes ». Ces sites constituent des reliques de ce que devaient être les forêts des bords de Seine avant sa domestication et sa canalisation.

Les espèces végétales déterminantes de ZNIEFF (statut de rareté exceptionnel à assez rare en Haute-Normandie, taxons souvent menacés) y sont nombreuses. On trouve, entre autres :

- les exceptionnels Jonc comprimé (Juncus compressus) et Grande Berle (Sium latifolium),

- les très rares Séneçon aquatique (Senecio aquaticus), Butome en ombelle (Butomus umbellatus), Plantain d’eau lancéolé (Alisma lanceolatum), Hottonie des marais (Hottonia palustris) cette dernière étant légalement protégée,

- les rares Colchique d’automne (Colchicum autumnale), Oenanthes à feuilles de Silaus, safranée et fistuleuse (Oenanthe silaifolia, O. crocata, O. fistulosa), Véronique en écus (Veronica scutellata), Euphorbe des marais (Euphorbia palustris), Cardamine impatiente (Cardamine impatiens),

- le Rorippe amphibie (Rorippa amphibia), l’Orge faux-seigle (Hordeum secalinum), le Brome rameux (Bromus racemosus), la Laîche distique (Carex disticha), le Pigamon jaune (Thalictrum flavum), assez rares.

La Forêt alluviale du Trou Buquet abrite le Saule à trois étamines (Salix triandra) très rare, et le Saule cendré (S. cinerea), assez rare. Le rare Orpin blanc (Sedum album) y a été noté sur des monticules sablonneux.

Le Bois des Nouettes, relique de bois alluvial enclavé dans des exploitations de graviers, abrite notamment le Gnaphale jaunâtre (Gnaphalium luteoalbum), les rares Euphorbe des marais (Euphorbia palustris) et Poirier poirasse (Pyrus pyraster), l’Epiaire des marais (Stachys palustris) assez rare.

Parmi les milieux les plus intéressants, les prairies extensives les plus inondables, les « trous » en bord de Seine, les dépressions humides, les abords de fossés et les mares concentrent les stations d’espèces végétales remarquables.

Le patrimoine faunistique de cette zone humide est également de haut niveau, avec les espèces suivantes :

- le Râle des genêts (Crex crex), très rare dans la région, a été noté dans les années 1990 dans plusieurs prairies de fauche parmi les plus extensives et humides. Cet oiseau, l’un des plus rares et menacés au niveau international, est inscrit sur la liste des Oiseaux en danger dans le Monde ; la présence occasionnelle de chanteurs est encore possible car quelques secteurs abritent encore des milieux favorables,

- le Tadorne de Belon (Tadorna tadorna), nicheur rare, utilise les zones humides en bord de Seine,

- plusieurs petites colonies de Vanneau huppé (Vanellus vanellus), rare en tant que nicheur, sont implantées au cœur des prairies humides,

- de belles populations de Chevêche d’Athéna (Athene noctua), rapace nocturne cavernicole de plus en plus rare et menacé, mettent à profit les vieux arbres creux pour se reproduire, à l’instar du Rougequeue à front blanc (Phoenicurus phoenicurus), assez présent sur la zone,

- la Bondrée apivore (Pernis apivorus), inscrite à l’annexe I de l Directive « Oiseaux » de l’Union Européenne chasse dans un vaste périmètre (sans toutefois nicher sur le site),

- le Moineau friquet (Passer montanus) assez rare dans la région, utilise notamment les milieux bocagers, de même que quelques couples de la rare Pie grièche écorcheur (Lanius collurio), inscrite à l’annexe I de la directive « Oiseaux »,

L’entomofaune mériterait des investigations complémentaires. Parmi les orthoptères cependant, le Tétrix des vasières (Tetrix ceperoi), petit « criquet » cryptique très rare dans la région et les régions limitrophes, a été observé sur les vases humides au bord des mares et dépressions vers Bardouville.

Concernant les batraciens, on trouve notamment vers les « Prairies du But » le Crapaud calamite (Bufo

calamita), particulièrement rare et menacé dans le Nord de la France.

Parmi les menaces qui pèsent sur cette zone humide, on peut noter en particulier la transformation de nombreuses parcelles en cultures, notamment de maïs.

Cette zone a aussi été ouverte en maints endroits par des exploitations de sables et graviers, essentiellement sur la commune d’Anneville-Ambourville. Les plans d’eau qui en résultent vastes ou étriqués, sont dispersés et réaménagés de façon très variable. Ils sont essentiellement utilisés à des fins de loisirs (voile, pêche…), mais aussi de stockage des boues de curage de la Seine (chambres de dépôts). Certains de ces plans d’eau abritent quelques espèces végétales et animales intéressantes, mais les réaménagements effectués sont, la plupart du temps, peu favorables à une flore et une faune remarquables.

C’est d’autant plus regrettable que les potentialités de ces milieux aquatiques peuvent être parfois élevées sous réserve de réaménagements écologiques bien menés (berges en pentes très douces et sinueuses, îlots affleurants, hauts-fonds, aménagements de roselières, de zones de quiétude pour les oiseaux, mares et dépressions humides…). Une vocation écologique de quelques plans d’eau serait souhaitable à l’image de la Réserve Ornithologique de Poses à l’amont de Rouen.

Dans le contexte actuel, l’évolution des milieux naturels de ce site est préoccupante : les difficultés actuelles de l’élevage peuvent amener certains agriculteurs à abandonner des prairies humides, qui risquent d’être plantées en peupliers ou transformées en carrières.

En parallèle, l’intensification agricole génère souvent la banalisation de la flore et de la faune (augmentation des intrants, de la pression de pâturage, de la précocité des fauches…).

Globalement, un soutien aux pratiques extensives d’élevage serait justifié pour pérenniser le patrimoine naturel et paysager des marais alluviaux de cette boucle.

Commentaires sur la délimitation
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