ZNIEFF 730010337
Pelouses sèches et bois de la partie Nord du Causse de Gramat et rivière souterraine de Padirac

(n° régional : Z1PZ0292)

Commentaires généraux

Le site se situe au nord du département du Lot, sur la partie nord du causse de Gramat, où sa limite nord flirte avec les versants de la Dordogne. Il s’agit d’un vaste réseau de pelouses calcicoles sèches bien préservées dont l’intérêt patrimonial est remarquable (entomofaune, flore, habitats, avifaune, reptiles...). L’ambiance forestière avec une dominante de chênaie pubescente est aussi particulièrement marquée sur le site. Certaines dolines et certains fonds de vallons ont été utilisés par l’agriculture, pour installer des prairies et quelques rares cultures. Cette partie nord du causse de Gramat présente un réseau karstique très étendu, avec notamment le réseau hydrographique souterrain de Padirac et de nombreuses cavités naturelles souterraines, dont la grotte de Magnagues qui présente un intérêt chiroptérologique majeur.

Les principaux habitats déterminants représentés sur ce site sont les pelouses, semi-sèches (Mesobromion du Quercy) à très sèches (Xerobromion du Quercy). À côté des classiques Cardoncelle mou (Carduncellus mitissimus) et Leuzée conifère (Leuzea conifera), on trouve en abondance l’Armoise blanche (Artemisia alba), dont le Lot constitue le bastion régional, et plus localement la Crapaudine de Guillon (Sideritis hyssopifolia subsp. guillonii), labiée endémique du Centre-Ouest de la France et connue à l’heure actuelle du seul département du Lot pour Midi-Pyrénées. Les surfaces décapées portent de riches communautés annuelles fortement dépendantes du pacage extensif, dont l’élément le plus intéressant est la Sabline des chaumes (Arenaria controversa), espèce protégée au niveau national. Une petite graminée peu commune, la Gastridie ventrue (Gastridium ventricosum), est également associée à cet habitat. Citons aussi le Thym à pilosité variable (Thymus polytrichus), espèce de pelouse basophile médio-européenne, et l’Arabette des Alpes (Arabis alpina), plante liée aux rochers et éboulis de montagne et qui se trouve donc un peu en marge de sa distribution classique. En situation d’ourlets se trouvent également çà et là quelques ligneux thermophiles parmi lesquels on retiendra le Chêne vert (Quercus ilex), le Pistachier térébinthe (Pistacia terebinthus) et le Nerprun des rochers (Rhamnus saxatilis), espèce localisée dans le Lot. Le site héberge aussi quelques rares sources et mares autour desquelles existent d’intéressantes communautés amphibies (notamment gazons à Juncus bufonius) ; les plages exondées présentent par exemple la Bardanette en grappe (Tragus racemosus), graminée rare en stations primaires en Midi-Pyrénées. En aval existent parfois des prairies longuement inondables des Eleocharietalia. Au niveau du lac de Coufesse (petite mare à vocation d’abreuvement pastoral), la présence de végétations aquatiques et hygrophiles contribue à la diversité botanique du site : herbier vivace à Potamot nageant, végétation hygrophile de ceinture hébergeant le Brome en grappe (Brome racemosus), graminée typique des prairies inondables (vu le caractère très restreint de cette végétation, mentionner la présence de zones prairiales fraîches à humides serait excessif). Enfin, le site est riche en cavités dont le célèbre gouffre de Padirac, au fond duquel se trouve une fougère rare dans le département du Lot, le Cystoptéris fragile (Cystopteris fragilis).

D’un point de vue faunistique, plusieurs groupes taxonomiques sont bien représentés. Pour l’avifaune, 9 espèces déterminantes d’oiseaux fréquentent la zone avec une grande majorité d’espèces appartenant au cortège dit d’agrosystème. Si on considère le paysage du site dans son ensemble, l’organisation et la diversité des espèces d’oiseaux peuvent s’exprimer selon un gradient de végétation qui prend en considération le taux de recouvrement et la hauteur de la végétation. Ainsi, les zones les plus ouvertes et thermophiles (pelouses, cultures) comprenant de nombreux affleurements rocheux sont favorables au Pipit rousseline, à l’Alouette lulu et à l’Œdicnème criard. Sur les zones plus fermées, on retrouve la Pie-grièche écorcheur qui a besoin à la fois de zones arbustives pour nicher avec des perchoirs constituant ses postes de chasse et lardoirs proches de zones ouvertes. Le discret Torcol fourmilier, la Tourterelle des bois et la Huppe fasciée vont plutôt occuper les zones de landes ouvertes, parfois à proximité des habitations, avec la présence indispensable d’arbres à cavités pour la nidification. Enfin, les zones de landes boisées plutôt thermophiles sont un site de nidification potentiel pour la Fauvette orphée, observée régulièrement en période de reproduction. L’observation de cette espèce dans le Lot reste très localisée. Parmi les reptiles, on note le Lézard ocellé, localisé, qui recherche des zones très xériques avec des affleurements rocheux pour s’installer. Ce lézard méridional menacé en France est nettement localisé en Midi-Pyrénées, où les principales populations se trouvent sur les causses du Quercy. Ces zones xériques et thermophiles sont à préserver de la déprise agropastorale et des dynamiques d’embroussaillement. Parmi les invertébrés souvent nombreux dans ce type d’habitats ouverts, on note un cortège d’espèces d’ordres différents, mais présentant des affinités écologiques. En effet, des criquets et papillons diurnes recherchent les pelouses mésophiles et xérophiles, où ils trouvent nourriture et refuge. Plusieurs criquets remarquables apprécient les milieux secs du site : pelouses écorchées avec une forte proportion d’affleurements rocheux et de sol nu pour l’Œdipode rouge (Oedipoda germanica germanica) et le Criquet des rocailles (Omocestus petraeus), pelouses rases pour le Sténobothre bourdonneur (Stenobothrus nigromaculatus), et pelouses mésoxérophiles denses pour l’Arcyptère bariolée (Arcyptera fusca). Ces orthoptères sont bien adaptés aux conditions écologiques caussenardes. Un seul papillon déterminant a été observé : il s’agit du Nacré de la filipendule (Brenthis hecate), qui apprécie les milieux ouverts mésophiles et assez fleuris en conditions thermophiles. Ce papillon méridional à répartition nationale nettement restreinte est bien représenté sur une bonne partie des causses du Quercy. Les rhopalocères sont généralement bien représentés dans ce type de milieux, et des recherches complémentaires pourraient permettre de mettre en exergue de nouvelles espèces patrimoniales. Les parties boisées du site, essentiellement de la chênaie pubescente, hébergent une riche coléoptérofaune saproxylique. Certaines des espèces présentes sont considérées parmi les plus rares coléoptères saproxyliques en Europe, comme par exemple le Taupin violacé (Limoniscus violaceus), espèce inscrite en annexe II de la directive « Habitats » et pour laquelle moins de quinze localités sont actuellement connues en France. En particulier, on retrouve un ensemble d’espèces inféodées aux cavités des vieux arbres feuillus. Les taupins tels que Limoniscus violaceus, Ischnodes sanguinicollis et Cardiophorus gramineus se développent dans le terreau des cavités issues de la dégradation du bois et situé au pied des troncs d’arbres. Le taupin Elater ferrugineus, la cétoine Gnorimus variabilis et le ténébrion Tenebrio opacus sont quant à eux inféodés aux cavités ensoleillées creusées en hauteur sur le tronc de l’arbre ou sur les branches. Ces trois espèces appartiennent au cortège d’une espèce remarquable (inscrite en annexe II de la directive « Habitats ») : le Pique-prune (Osmoderma eremita). D’autres espèces remarquables, en raison du peu de données connues en Midi-Pyrénées et sur le territoire national, sont recensées, telles que les longicornes Aredolpona erythroptera et Pedostrangalia revestita. Les espèces découvertes sur le site traduisent la diversité d’habitats d’espèces liés au bois mort porté par les quelques vieux chênes présents. Les taupins Ampedus cardinalis, Ampedus praestus et Ampedus nigerrimus réalisent leur cycle larvaire dans la carie rouge, phase durant laquelle ils prédatent les larves d’autres organismes saproxyliques. La carie rouge est un état décomposé du bois résultant de l’action de champignons lignicoles. Le taupin Megapenthes lugens recherche les caries blanches résultant de la dégradation de la lignine et de la cellulose du bois mort par les champignons. Le bupreste Agrilus curtulus ou le longicorne Pseudosphegestes cinereus dépendent des branches mortes dans le houppier de l’arbre. Les espèces présentes indiquent l’état de conservation remarquable des habitats liés au bois sur le site. Cet état de conservation est exceptionnel en plaine et lié au maintien de quelques vieux arbres, relique d’une époque forestière. Une attention particulière sur le maintien de ces habitats est donc requise. Les vastes zones forestières sont aussi l’habitat indispensable de nidification du Circaète Jean-le-Blanc, rapace protégé au niveau national, peu commun et vulnérable au dérangement. Pour les mammifères, la Martre des pins est bien présente sur les zones plutôt boisées. Le causse de Gramat est parsemé de grottes et de gouffres : ce secteur ne manque pas à cette règle. Les cavités connues abritent une bonne diversité d’espèces de chauves-souris. La majorité des sites souterrains accueillent une belle diversité de chauves-souris, notamment d’importantes colonies d’hibernation des Petit et Grand Rhinolophes (Rhinolophus hipposideros et R.ferrumequinum). La Grotte de Magnagues constitue l’enjeu chiroptérologique majeur du site avec la présence de 8 espèces de chauves-souris, dont une des plus importantes colonies françaises de reproduction pour le Rhinolophe euryale, soit environ 1 200 femelles dans une cavité de la grotte. Celle-ci abrite également plusieurs milliers de Minioptère de Schreibers en transit et estivage et une colonie de reproduction de 500 individus de Murin à oreilles échancrées. Du fait de ce grand intérêt, la grotte de Magnagues a été caractérisée d’intérêt international, et une mise en protection a été effectuée en 2005 (fermeture et convention de gestion avec le CREN) afin de limiter le dérangement des chiroptères. Lors d’une étude des terrains de chasse de cette colonie de Rhinolophe euryale (programme LIFE « Chiroptères Grand Sud »), les milieux ouverts de pelouses et de groupements annuels calciphiles ont été identifiés comme des habitats de chasse utilisés par les femelles. Ainsi, les habitats forestiers à chênaie pubescente, pré-bois et lisières forestières, ainsi que les prairies pâturées, certes non déterminants, sont utilisés par les chiroptères comme zones d’alimentation pour les colonies de reproduction, les jeunes volants et les individus sortis d’hibernation, et jouent également un rôle de corridors de déplacement. Ces habitats doivent être préservés par le maintien des activités agropastorales, d’une agriculture extensive et d’un réseau bocager. Chose peu commune sur des zones de causses, 2 espèces de libellules remarquables ont été identifiées. Sur le secteur, de très rares « lacs » sédentarisent ces espèces. L’Agrion mignon (Coenagrion scitulum) et l’Agrion nain (Ischnura pumilio), d’écologie un peu différente, y trouvent respectivement des zones assez végétalisées comme des zones d’eaux libres peu profondes pour leur développement. La qualité des eaux permet d’héberger un mollusque d’intérêt patrimonial reconnu. Moitessieria rolandiana, protégée en France, est une espèce inféodée aux cours d’eau des bordures ouest et sud du Massif central. Enfin, 2 espèces endémiques du réseau karstique du gouffre de Padirac ont été identifiées : il s’agit de Bythinella padiraci et Islamia sp. Padirac. Bichain (2005) indique que Bythinella padiraci est en fort déclin.

Commentaires sur la délimitation

Le site correspond à un vaste ensemble préservé de pelouses sèches et de bois dont l’intérêt patrimonial est remarquable. Il est limité de toutes parts par le changement de milieux : bois au nord, cultures et secteurs habités au sud, à l’ouest et à l’est. Cette zone inclut l’ensemble du réseau hydrographique souterrain de Padirac. Ce site inclut également une partie du territoire de chasse des colonies de chauves-souris présentes sur le site.