La lande de Ger est située sur la partie sud du plateau du même nom, à la limite des départements des Hautes-Pyrénées (65) et des Pyrénées-Atlantiques (64). Ce vaste ensemble d’environ 800 ha est situé à une altitude voisine de 450 m.
Le plateau de Ger correspond à un ancien cône de déjection des glaciers pyrénéens. Les formations géologiques rencontrées sont donc essentiellement composées d’alluvions fluvio-glaciaires d’origine quaternaire. Ces alluvions anciennes sont constituées d’une matrice argileuse dont la rubéfaction (coloration d’un sol en rouge par les oxydes ferriques) est plus ou moins accentuée, et d’éléments grossiers de taille variable et en général très altérés.
Ces formations reposent sur un substratum de sable et de grès mal consolidé, la molasse tertiaire, dont l’altération est également à l’origine de couches argileuses.
La nature argileuse des terrains favorise la rétention de l’eau en surface. Trois ruisseaux de faible pente prennent leur source au cœur de la lande de Ger : le Gabas, rejoint par son affluent le Gabastou qui borde la lande, la Géline et le Rieu Tort. Leurs eaux sont limpides et semblent bien oxygénées, avec une température voisine de 10°C. Leur débit est faible. La bonne santé des cours d’eau est prouvée par la présence en aval d’espèces comme l’Écrevisse à pattes blanches (Austropotamobius pallipes) et la Lamproie de Planer (Lampetra planeri).
La lande humide de Ger est bordée de forêts et de bois où prédominent le Chêne pédonculé et le Hêtre ; l’enrésinement récent est artificiel. Plusieurs types de milieux peuvent être distingués sur le site :
- des landes atlantiques acidiphiles à Fougère aigle (Pteridium aquilinum), ajoncs (Ulex sp.) ou bruyères (Erica sp.) suivant les conditions locales (fréquence des incendies, pâturage, humidité), qui couvrent la plus grande étendue ;
- des tourbières acides à sphaignes (Sphagnum sp.) et Molinie bleue (Molinia caerulea) ;
- des fourrés d’arbustes et autres bosquets isolés à saules (Salix sp.), Bouleau (Betula pendula) et Bourdaine (Frangula alnus) ;
- des prairies correspondant à la fauche régulière d’anciennes parcelles de lande ;
- des eaux douces, courantes (Gabastou) et dormantes (mares, tourbières).
La juxtaposition de ces principaux milieux naturels est nettement favorable à une forte diversité biologique.
Par sa superficie et la variété de ses milieux, cette lande n’a pas d’équivalent dans le bassin de l’Adour. L’intérêt paysager, historique (témoin des paysages d’autrefois du piémont pyrénéen) et protohistorique (présence de tumuli) n’est pas à négliger.
La lande de Ger est aussi et surtout un refuge pour de nombreuses espèces animales et végétales.
L’un des principaux intérêts de la lande de Ger est la grande diversité de son avifaune. D’emblée, la présence d’une petite population nicheuse de Courlis cendré en fait un site remarquable. Le plateau de Ger et celui de Lannemezan sont en effet les seules stations de nidification de cette espèce dans les Pyrénées occidentales, en limite de son aire de répartition. La molinaie humide et tourbeuse, parsemée de trous d’eau et de secteurs spongieux à sphaignes, est le domaine exclusif du Courlis cendré. Huit couples y subsistaient en 2001. Les courlis arrivent fin février et début mars, pondent de fin mars à mi-avril, élèvent leurs jeunes, puis désertent la lande dès fin juin/début juillet.
Le Busard Saint-Martin affectionne les secteurs où l’Ajonc prédomine. Il y place ses nids à même le sol. Deux à quatre couples de cette espèce se reproduisent chaque année sur la lande, cantonnés dans sa moitié nord (l’Ajonc étant devenu rare dans l’autre moitié). L’oiseau se nourrit essentiellement de micro-mammifères. Après des parades spectaculaires en avril, la ponte a lieu en mai, les jeunes s’envoleront fin juillet. Le Busard cendré (Circus pygargus) nichait chaque année sur le site, mais le dernier couple nicheur a disparu vers 1994.
À ces deux données déterminantes d’oiseaux viennent s’ajouter de nombreuses observations complémentaires. La lande de Ger représente une halte migratoire de grand intérêt pour beaucoup d’espèces : des espèces remarquables comme le Pluvier guignard (Charadrius morinellus), l’Oedicnème criard (Burhinus oedicnemus) ou l’Outarde canepetière (Tetrax tetrax) ont été observées sur le site. Parmi les grands échassiers, la Cigogne noire (Ciconia nigra) et la Grue cendrée (Grus grus) font régulièrement halte.
En hiver, quelques espèces originales viennent s’ajouter aux espèces sédentaires. Le Hibou des marais (Asio flammeus) et la Pie-grièche méridionale (Lanius meridionalis), parfois accompagnée de la Pie-grièche grise (Lanius exubitor), sont des hôtes typiques à cette saison. Le Busard Saint-Martin est également un oiseau caractéristique de cette saison, mais il est difficile de savoir s’il s’agit d’individus sédentaires ou d’hivernants venus du nord. Comme les quelques Faucons émerillons (Falco columbarius) qu’ils côtoient, ils se regroupent en dortoirs à la nuit tombée. Il y a ainsi chaque hiver une dizaine de busards et moitié moins d’émerillons formant des dortoirs au crépuscule. La Bécassine des marais, observable en migration, hiverne également sur les zones humides à Molinie (quelques individus), où l’on rencontre plus rarement la très discrète Bécassine sourde (Lymnocryptes minimus). Et dans les fourrés d’ajoncs, la Fauvette pitchou est également présente.
La présence de nombreuses mares et zones humides permet la vie et la reproduction des amphibiens. Le Triton marbré (Triturus marmoratus), espèce peu commune dans la région, est présent sur le site. Il est localisé sur un secteur de mares au centre de la lande. Des pontes de Grenouille agile (Rana dalmatina) ont également été trouvées.
La lande de Ger abrite aussi de nombreux reptiles ; le milieu ouvert, ensoleillé, convient à beaucoup d’espèces. Nous pouvons mentionner la présence du Lézard vivipare (Zootoca vivipara) sur les zones tourbeuses auxquelles il est le plus souvent inféodé, et de la Coronelle lisse (Coronella austriaca).
Sur le plan floristique, le site est riche de plus de 20 espèces de phanérogames déterminantes, la plupart étant associées aux prairies marécageuses et aux tourbières. Nous pouvons citer, entre autres, les Rossolis à feuilles rondes et intermédiaire (Drosera rotundifolia et Drosera intermedia), tous deux protégés nationalement, le Millepertuis des marais (Hypericum elodes), protégé en région Midi-Pyrénées, la Lobélie brûlante (Lobelia urens), la Bruyère à quatre angles (Erica tetralix), le Trèfle d’eau (Menyanthes trifoliata) et surtout le Rhynchospore fauve (Rhynchospora fusca), espèce non déterminante mais dont c’est l’une des très rares stations de Midi-Pyrénées.
En conclusion, la lande de Ger présente une faune et une flore originales et diversifiées, témoin privilégié des écosystèmes du piémont pyrénéen tels qu’ils existaient avant les défrichements de l’après-guerre. Le site est devenu un refuge pour des espèces devenues rares ou disparues ailleurs comme le Courlis cendré, le Lézard vivipare ou les Rossolis. La lande est également une étape migratoire très prisée par de nombreux oiseaux, stratégiquement placée au pied des Pyrénées. Enfin, c’est un site d’hivernage pour une avifaune originale.
Les incendies, qui modifient défavorablement la structure de la végétation et affectent les populations de reptiles, sont certainement la plus importante menace identifiée. Les dérangements occasionnés par les loisirs (promenade, « moto verte », chasse), plus importants depuis la réfection des chemins, risquent de devenir un facteur très préjudiciable aux oiseaux.
La zone correspond à un ensemble homogène d’un point de vue écologique, c’est-à-dire des formations basses et ouvertes (landes, prairies et bas-marais acides), riches en espèces déterminantes. En périphérie, les zones de cultures intensives ont été exclues du périmètre. La zone boisée à l’est fait l’objet de la ZNIEFF « bois des collines de l’ouest tarbais ». À l’ouest, le bois d’Azet est inclus dans la ZNIEFF de type 2 : « Plateau de Ger et coteaux de l’ouest tarbais ».