8220-20 - Falaises siliceuses thermophiles de Corse

Liste hiérarchisée et descriptifs des habitats des Cahiers d'habitats

Caractéristiques stationnelles

Étages thermo-, mésoméditerranéens et horizon inférieur du supraméditerranéen : de 0 à environ 1 100 m d’altitude (dans les secteurs les plus chauds).
Pente variable selon le type de groupement, mais souvent assez forte (85-90°).
Expositions variées, mais le plus souvent en versants chauds et ensoleillés.
Substrats principalement siliceux (ou légèrement basiques) : granites, rhyolites, schistes, serpentines.

Variabilité

Variations selon l’altitude :
À l’étage thermoméditerranéen (et parfois à la base du méso-méditerranéen), l’association végétale à Œillet de Sicile (Dianthus sylvestris subsp. siculus) et Asplénium de Billot (Asplenium obovatum subsp. billotii) [Diantho siculi-Asplenietum billotii] se développe dans les anfractuosités des rochers granitiques (et aussi sur schistes ou serpentines), assez xérophiles (mais plus ombragés que ceux occupés par les groupements à Cosentinia ou Cheilanthès), ou en ubac. Il peut comprendre, en plus des deux espèces caractéristiques citées précédemment, la Doradille obovée (Asplenium obovatum subsp. obovatum), la Mélique menue (Melica minuta), le Polypode cambrien (Polypodium cambricum), l’Ombilic de Vénus (Umbilicus rupestris), l’Asplénium cétérach (Asplenium ceterach), l’Asplénium trichomanès (Asplenium trichomanes), l’Orpin à feuilles épaisses (Sedum dasyphyllum), la Germandrée jaune (Teucrium flavum), l’Épiaire poisseuse (Stachys glutinosa), etc. Il existe de petites variantes locales caractérisées par des plantes endémiques :
- variante à Centranthe à trois nervures (Centranthus trinervis) localisée à un seul petit massif granitique du sud de la Corse ;
- sous-association à Séséli précoce (Seseli praecox) [Diantho siculi-Asplenietum billotii seseletosum praecoci] qui occupe le haut des falaises rhyolitiques de la côte occidentale, au-dessus de la végétation semi-halophile.
Au-dessus, à l’étage mésoméditerranéen (et au supraméditerranéen inférieur), un groupement un peu moins thermophile succède au groupement à Œillet de Sicile et Asplénium de Billot : l’association à Orpin à feuilles courtes (avec à cette altitude l’Orpin à feuilles épaisses) et Œillet de Godron [Sedo brevifolii-Dianthetum godroniani], dans laquelle se trouvent, en plus de l’Œillet de Godron (Dianthus sylvestris subsp. longicaulis var. godronianus) et de l’Orpin à feuilles épaisses, l’Orpin blanc (Sedum album), toujours le Polypode cambrien, l’Ombilic de Vénus, l’Asplénium cétérach et l’Asplénium trichomanès, et parfois certaines plantes des fruticées naines ou des pelouses, comme l’Herbe aux chats (Teucrium marum) ou le Pâturin de Balbis (Poa balbisii).

Variations selon la température :
Dans les conditions thermiques les plus chaudes, à l’étage thermoméditerranéen uniquement (mais jamais directement sur le littoral), le plus souvent en adret, on trouve un groupement dominé par une fougère très xérophile le Cosentinia velu (Cosentinia vellaea), souvent accompagné des Cheilanthès des Guanches (Cheilanthes guanchica), de Madère (C. pteridioides) et de Tineo (C. tinaei) ; il s’agit d’une végétation rupicole supportant très bien les forts dessèchements et les intenses insolations d’été.
Dans des conditions thermiques légèrement plus froides, au thermoméditerranéen et à l’horizon inférieur du mésoméditerranéen, pousse le groupement à Cheilanthès de Tineo, qui a une écologie assez proche de celle du groupement précédent et dans lequel on peut trouver, en plus de cette dernière fougère, le Cheilanthès de Madère, l’Ombilic de Vénus, les Asplénium cétérach et trichomanès et l’Orpin à feuilles épaisses.

Variation selon le substrat :
Sur des dalles ou des rocailles de serpentines (ou de rhyolites), se développe un groupement dominé par une fougère héliother- mophile le Cheilanthès de Maranta (Notholaena marantae), qui peut comprendre aussi bien des espèces rupicoles [Polypode cam- brien, Ombilic de Vénus, Asplénium cétérach et trichomanès, Orpin bleu (Sedum caeruleum)…] que des plantes des pelouses et fruticées arides et rocailleuses [Mélique menue, Phagnalon des rochers (Phagnalon saxatile), Herbe aux chats, etc.].

Variations selon l’exposition :
D’une manière générale, tous ces groupements végétaux sont xérophiles, avec cependant les quelques variations signalées, mais en plus dans les anfractuosités ombragées et les fissures profondes et humides des rochers granitiques ou schisteux, on peut observer des faciès sciaphiles à Linaire à trois lobes (Cymbalaria aequitriloba) [le Cymbalarietum aequitrilobae à très basse altitude], et plus haut au mésoméditerranéen, à Linaire à trois lobes et Sabline des Baléares (Arenaria balearica).

Physionomie, structure

La végétation des rochers granitiques les plus chauds et secs est dominée par les fougères thermophiles des genres Cheilanthes et Cosentinia qui poussent de manière éparse dans les fissures (étroites) de la roche. C’est un milieu floristiquement très pauvre, à recouvrement végétal inférieur à 5 %.
Sur les rochers moins chauds à Œillet de Sicile et Asplénium de Billot, ou Œillet de Godron et Orpins, ainsi que sur les rocailles à Cheilanthès de Maranta, les fougères très thermophiles sont nettement moins fréquentes et les plantes typiquement rupicoles se développent en mélange avec des chaméphytes caractéristiques des fruticées basses. Le recouvrement végétal de ces rochers est donc plus important (de l’ordre de 20 %). La strate arbustive est faible et seulement représentée par le Figuier (Ficus carica).
Sous les rochers ombragés et humides à Linaire à trois lobes et/ou Sabline des Baléares, la végétation est essentiellement constituée de ces deux petites plantes rampantes et localement sur les îles granitiques des Lavezzi, de la Nananthée toute-petite (Nananthea perpusilla), qui recouvrent assez densément le sol. Ce sont des milieux floristiquement très pauvres.

Confusions possibles

Les rochers à Cheilanthès de Maranta peuvent être confondus avec les fruticées naines rupicoles dominées par cette même fougère qui se développent sur serpentines et ponctuellement sur rhyolite mais qui sont plus fermées ; il s’agit de groupements récemment décrits par Gamisans [Notholaeno-Silenetum paradoxae] et provisoirement classés dans l’alliance du Teucrion mari [Lavanduletalia stoechadis ; Code Corine : 32.35].

Dynamique

Groupements à caractère permanent (dans les anfractuosités où elles poussent, les plantes rupicoles caractéristiques ne souffrent guère de la concurrence).

Habitats associés ou en contact

À basse altitude, les rochers chauds et secs sont souvent en contacts avec :
- des fruticées basses thermophiles [maquis bas à Cistes (Cistus spp.) silicicoles ; Code Corine : 32.34] ;
- des pelouses siliceuses méditerranéennes du Tuberarion gutta- tae [Code Corine : 35.3], notamment la végétation des dalles rocheuses à Orpin rouge à fleurs bleues [Sedetum caerulei] ;
- sur les rocailles et les éboulis de serpentines, avec l’association à Cheilanthès de Maranta et Silène paradoxale [Notholaeno-Silenetum paradoxae ; Teucrion mari ; Lavanduletalia stoechadis ; Code Corine : 32.35].
Dans les falaises rhyolitiques du littoral occidental (Scandola), la variante locale à Séséli précoce des rochers à Œillet de Sicile et Asplénium de Billot [Diantho siculi-Asplenietum billotii seseletosum praecoci] succède et jouxte la végétation semi-halophile à Arméria de Soleirol (Armeria soleirolii) et Séséli précoce [Crithmo maritimi-Limonietea pseudominuti ; Code UE : 1240, Code Corine : 18.22].
Dans les parois siliceuses de l’étage supraméditerranéen moyen, le groupement à Orpin à feuilles épaisses et Œillet de Godron peut être en contact avec l’association à Arméria à tête blanche et Potentille à nervures épaisses [Armerio leucocephalae-Potentilletum crassinerviae, Code UE : 8220, Code Corine : 62.24] dans laquelle on trouve encore des espèces de ce dernier groupement xérophile (Œillet de Godron, Asplénium trichomanès, Orpin à feuilles épaisses, Asplénium cétérach…)

Répartition géographique

La Corse étant en majorité une île granitique, les rochers siliceux à Cheilanthès, à Œillet de Sicile ou à Œillet de Godron sont bien répandus depuis le littoral jusqu’à la base des hauts massifs montagneux ; les rochers thermoméditerranéens à Cosentinia velu sont eux plus localisés (à quelques sites de la côte ouest). Les rochers rhyolitiques à Cheilanthès de Maranta sont aussi très localisés au littoral occidental (réserve naturelle de Scandola).
Les faciès ombragés à Linaire à trois lobes et Sabline des Baléares se rencontrent à peu près partout en Corse (de 0 à 1 400 m d’altitude environ), alors que le groupement littoral sciaphile à Linaire à trois lobes [Cymbalarietum aequitrilobae] est particulièrement bien développé dans les rochers granitiques des îles Lavezzi (extrême sud de la Corse).

Valeur écologique et biologique

Tous ces groupements végétaux rupestres sont propres à la Corse (et pour certains à la Sardaigne) et hébergent plusieurs espèces végétales endémiques rares ou possédant une aire de répartition très restreinte, comme :
- le Centranthe à trois nervures (Centranthus trinervis): très rare endémique corse qui ne possède qu’une seule population (située dans un massif granitique du sud de l’île), protégé au niveau national ;
- deux fougères endémiques, très rares en Corse : l’Asplénium des Baléares sur les rochers thermoméditerranéens et le Dryoptéris tyrrhénien (Dryopteris tyrrhena), protégé au niveau national, qui se rencontre ponctuellement sur des parois plus fraîches ;
- le Cosentinia velu, fougère protégée au niveau national et très rare en France continentale (une station) et en Corse (quelques localités) ;
- le Séséli précoce, endémique corso-sarde, localisé en Corse au centre de la côte ouest ; protégé au niveau national.

Du point de vue faunistique, les rochers chauds et secs sont les habitats de reptiles endémiques à aire de répartition très restreinte ou rares d’une manière générale dans le bassin méditerranéen, tous protégés au niveau national, comme :
- le Lézard de Bedriaga (Archaeolacerta bedriagae), espèce endémique de Corse et Sardaigne, à répartition principalement montagnarde en Corse et localisée à basse altitude aux gros blocs granitiques caractéristiques de certaines pointes rocheuses occidentales de l’île, inscrit à l’annexe IV de la directive « Habitats » ;
- les trois espèces de geckos présentes en Corse : le Phyllodactyle (Euleptes europaea), la Tarente (Tarentola mauritanica) et l’Hémidactyle (Hemidactylus turcicus).

États de conservation

Les formations à Cosentinia velu, à Asplénium des Baléares et à Centranthe à trois nervures sont à conserver en priorité.

Tendances et menaces

À l’exception des rares rochers à Cosentinia velu, dont certains ont été en partie détruits par l’agrandissement d’une route, cet habitat est abondant dans l’île et mis à part quelques sites aménagés en écoles d’escalade ou exploités pour le granite, il semble peu menacé. Cependant dans les secteurs proches du littoral où l’urbanisation se développe rapidement (comme dans le sud-est de la Corse), il existe des risques de destruction des rochers lors de l’ouverture de pistes ou de routes et de la construction de terrassements.

Axes de recherche

Des inventaires floristiques complémentaires seraient utiles pour rechercher les sites rocheux les plus riches en plantes d’intérêt patrimonial, la répartition de certaines espèces (comme par exemple l’Asplénium des Baléares) étant mal connue en Corse.
Il serait intéressant d’étudier plus précisément l’écologie et la classification phytosociologique des formations à Linaire à trois lobes.

Bibliographie

 Bensettiti F., Herard-Logereau K., Van Es J. & Balmain C. (coord.), 2004. « Cahiers d’habitats » Natura 2000. Connaissance et gestion des habitats et des espèces d’intérêt communautaire. Tome 5 - Habitats rocheux. MEDD/MAAPAR/MNHN. Éd. La Documentation française, Paris, 381 p. + cédérom. (Source)