9140-1 - Hêtraies subalpines à Érable et à Oseille à feuilles d'Arum des Vosges

Liste hiérarchisée et descriptifs des habitats des Cahiers d'habitats

Caractéristiques stationnelles

Recherche les sommets des reliefs vosgiens (au-dessus de 1 100 m) : fin de l’étage montagnard supérieur, étage subalpin inférieur.
Occupe différentes situations topographiques : plateaux, versants diversement exposés, replats, dépressions…
Précipitations élevées (> 1 750 mm), neige abondante (durée moyenne 130 jours), 160 jours de gelées au moins, importance des vents sur les crêtes —› courte durée de la période de végétation —› fréquence des anémomorphoses en situation de crêtes : arbres en « drapeau » ou krummholz de Hêtre (cépées naturelles courtes) —› action mécanique du vent et du poids de la neige.
Grande variabilité des substrats (granites, grès, grauwackes), donnant des sols variés.
Fréquence d’un horizon épais humifère de surface.

Variabilité

Variations avec l’altitude se traduisant par une réduction progressive de la taille des arbres (de 20 m à 3-4 m).

Variations en fonction du niveau trophique du sol (et de son acidité).

Variations selon le bilan hydrique du sol :
- variantes à Myrtille (sols les plus acides à tendance podzolique), Canche flexueuse (Deschampsia flexuosa), Maianthème à deux feuilles (Maianthemum bifolium)… ;
- variantes à Luzule blanchâtre (Luzula luzuloides) sur des sols modérément acides (ces deux variantes sont pauvres en espèces de mégaphorbiaies) ;
- variantes à Stellaire des bois (Stellaria nemorum) sur sols riches avec Millet diffus (Millium effusum), Lamier jaune (Lamiastrum galeobdolon), Silène dioïque (Silene dioica), Ortie royale (Galeopsis tetrahit), Parisette (Paris quadrifolia);
- variantes à Pâturin de Chaix (Poa chaixii), acidicline sur grauwackes ;
- variantes à Laitue des Alpes (Cicerbita alpina) en stations hygrosciaphiles (dépressions, ubacs…).

Variations selon les conditions mésoclimatiques :
- variante à Calamagrostide faux-roseau (Calamagrostis arundinacea) sur les pentes abritées du vent avec Ail victorial (Allium victorialis), Scille à deux feuilles (Scilla bifolia)…

Physionomie, structure

Strate arborescente généralement dominée par le Hêtre, accompagné de l’Érable sycomore (sur les sols les moins acides) et du Sorbier des oiseleurs ; le Sapin et l’Épicéa sont rares (résiduels) ; strate arbustive avec Églantier des Alpes (Rosa pendulina), Sureau à grappes (Sambucus racemosa), Camerisier noir (Lonicera nigra) ; strate herbacée riche en espèces de mégaphorbiaies sur les sols les moins acides (Oseille à feuilles de gouet, Renouée bistorte…) ; strate muscinale recouvrante sur sols acides constituée d’espèces banales (Dicranum scoparium, Polytrichum formosum)…

Confusions possibles

Avec les formes du montagnard supérieur de la sapinière-hêtraie, sous sylvofaciès de hêtraie. La hauteur des arbres y dépasse 20 mètres, les espèces indicatrices citées ci-dessus y sont rares et dispersées. Mais il faut souligner qu’au niveau du terrain un continuum parfait existe entre les deux types d’habitats compliquant l’identification des « hêtraies » sommitales.

Dynamique

Spontanée :
Le point de départ diffère selon les conditions :
- au niveau des dépressions avec sols riches : groupement initial à Adenostyles alliariae, Cicerbita alpina… ;
- en dehors de ces situations selon la pression de pâturage : pelouse à Nard raide (Nardus stricta) initiale ; et souvent en mélange : lande à Vaccinium myrtillus et Callune (Calluna vulgaris). —› Phase pionnière à Sorbiers (Sorbus aucuparia, S. aria, S. mougeotii, S. chamaemespilus parfois), et Épicéa parfois sur sols assez riches : phase à Érable sycomore et Sorbiers —› Arrivée lente du Hêtre qui assure peu à peu la maturation ; entrée éventuelle du Sapin.
Chablis avec Framboisier, Sureau à grappes, Sorbiers et Érable.

Liée à la gestion :
Fréquence du taillis fureté où domine le Hêtre avec des trouées à Érable ; gestion passée ayant contribué à faire disparaître Sapin et Épicéa.
Plantations d’Épicéa, de Pin mugo.

Habitats associés ou en contact

Ormaie-érablaie à Campanule à feuilles larges (Campanula latifolia) des éboulis et ravins où la neige persiste (UE : 9180*).
Falaises (UE : 8220), éboulis (UE : 8110).
Pelouses à Nard raide (Nardus stricta) (UE : 6230*).
Landes à Callune (Calluna vulgaris) et à Myrtille (Vaccinium myrtillus) (UE : 4030).
Mégaphorbiaies diverses à Adénostyle à feuilles d’Alliaire (Adenostyles alliariae), à Spirée barbe de bouc (Aruncus dioicus), à Calamagrostide faux-roseau (Calamagrostis arundinacea) (UE : 6430).
Fruticées, bosquets à Sorbus aucuparia, Sorbus aria….
Sapinières-hêtraies diverses dont sapinières-hêtraies à Luzule (UE : 9110).
Tourbières (UE : 7110*).
Chablis, trouées avec Framboisier, Sureau à grappes, Sorbiers et Érables.

Répartition géographique

Partie boisée des zones sommitales vosgiennes, au-dessus de 1 100 m.

Valeur écologique et biologique

Habitat couvrant une faible étendue (cf. carte) —› grand intérêt patrimonial.
Peuplements souvent modifiés par les pratiques anciennes. Grande richesse floristique en particulier des stations à niveau trophique élevé (cortège montagnard complet et espèces de mégaphorbiaies).
Rôle de protection assuré sur les sommets ou sur les versants (contre l’érosion).
Intérêt paysager des massifs résiduels au niveau des crêtes. Intérêt esthétique de certaines vieilles cépées de taillis fureté.

États de conservation

États à privilégier :
Futaies régulières ou irrégulières de Hêtre avec Sapins et Épicéas résiduels.
Cépées naturelles de Hêtre des zones les plus exposées au vent et au froid (crêtes sommitales).
Taillis fureté de Hêtre, (Érable sycomore).
Phases pionnières à Sorbus aucuparia, S. aria, S. mougeotti, S. chamaemespilus (et Érable sycomore).

Autres états observables :
Plantations d’Épicéa.
Plantations de Pin mugo.

Tendances et menaces

Type d’habitat dont l’aire tend, peu à peu, à s’étendre du fait de la déprise pastorale.
Abandon fréquent de l’exploitation des taillis furetés.
Menaces essentielles représentées par la création de nouvelles pistes de ski ou d’aménagements liés aux sports d’hiver.
Fréquentation excessive des crêtes, très préjudiciable aux populations de grand tétras.
Peu de plantations réalisées autrefois : pin mugo planté par les Allemands ; les plantations ne constituent plus une menace actuellement.

Potentialités intrinsèques de production

Compte tenu des conditions climatiques sévères et de la situation sommitale, les possibilités d’exploitation sont très faibles voire nulles, notamment pour les cépées naturelles en crête (accident avec la neige, arbres bas et coniques, etc.) ; seule une éventuelle exploitation pour du bois de chauffe est envisageable (taillis fureté).
Sur les parties inférieures, sous les crêtes, les potentialités sont moyennes voire médiocres mais peuvent conduire à l’obtention de grumes commercialisables (Hêtre, Érable sycomore, voire Sapin et Épicéa sur les zones les plus basses).

Axes de recherche

Futaie irrégulière : suivre la dynamique des peuplements (don- nées d’accroissement), définir une méthode de contrôle.
Enrichissement : définition de seuils, proportions entre essences garantissant une conservation de l’habitat.

Bibliographie

 Bensettiti F., Rameau J.-C. & Chevallier H. (coord.), 2001. « Cahiers d’habitats » Natura 2000. Connaissance et gestion des habitats et des espèces d’intérêt communautaire. Tome 1 - Habitats forestiers. Volume 1. MATE/MAP/MNHN. Éd. La Documentation française, Paris, 339 p. + cédérom. (Source)