8120-3 - Éboulis calcaires subalpins à alpins à éléments fins des Alpes

Liste hiérarchisée et descriptifs des habitats des Cahiers d'habitats

Caractéristiques stationnelles

Étage subalpin et alpin, avec optimum à l’étage alpin.
Éboulis à éléments fins, terreux, marneux, marno-calcaires, schisteux, de faible mobilité sur pente variable (souvent inférieure à 25-30 %).
À toutes les expositions, souvent situé sur des surfaces convexes, bombées, balayées par les vents, à enneigement court (de l’ordre de sept mois). Le microclimat est donc rude et marqué par de fortes variations de température annuelles et journalières.
pH de la terre fine de l’ordre de 7,5-8.
En présence d’un éboulis à Tabouret à feuilles rondes (Noccaea rotundifolia) [Thlaspietum rotundifolii ; Code UE : 8120], cet habitat, aux éléments plus fins, moins soumis à la gravité, occupe le tiers supérieur de l’éboulis.

Variabilité

Diversité typologique principale en relation avec la géographie :
- Alpes du Sud : éboulis à Bérardie laineuse [Berardietum lanuginosae], caractérisé en plus par : Ail à fleurs de narcisse (Allium narcissiflorum), Chou étalé (Brassica repanda subsp. repanda), Campanule alpestre (Campanula alpestris), Ligustique fausse férule (Ligusticum ferrulaceum), Renoncule de Séguier (Ranunculus seguieri) ; cet habitat se développant à toutes les expositions de l’étage subalpin, présente un caractère plus thermophile à l’étage alpin (principalement situé en exposition sud) ; variations géographiques : au niveau de la limite nord occidentale, race du Vercors marquée par un appauvrissement en espèces caractéristiques, avec seulement la Bérardie laineuse et la Renoncule de Séguier ;
- Alpes du Nord : éboulis à Liondent des montagnes [Leontodontetum montani], caractérisé en plus par : Chou étalé, Crépide naine (Crepis pygmaea), Saussurée des Alpes (Saussurea alpina subsp. depressa).

Physionomie, structure

Le degré de recouvrement est variable selon l’importance de la pente et peut atteindre 30 %.
La faible mobilité de ces pierriers permet à des espèces généralistes, non exclusives des éboulis, telles que la Seslérie bleutée (Sesleria caerulea), l’Avoine des montagnes (Helictotrichon sedenense), l’Anémone du Mont Baldo (Anemone baldensis), de se développer à côté d’espèces spécifiques d’éboulis (lithophytes migrateurs, ascendants et recouvreurs). Les adaptations de ces espèces (stolons hypogés, rejets s’étalant à la surface des pierriers) leur confèrent un rôle fixateur de l’éboulis et permettent l’installation de pelouses (cf. « Dynamique de la végétation »).
Les espèces sont plus xérophiles que celles des éboulis à éléments moyens à Tabouret à feuilles rondes [Thlaspietum rotundifolii ; Code UE : 8120] : le sol plus riche en terre fine et en humus est certes plus humide, mais davantage balayé par les vents du fait de son positionnement sur des bombements.
La faible mobilité des éléments de cet éboulis entraîne une meilleure sociabilité et abondance des espèces que celles de l’éboulis à Tabouret à feuilles rondes [Thlaspietum rotundifolii] et favorise les hémicryptophytes qui dominent le groupement. Les géophytes à l’inverse sont moins nombreux qu’au sein de l’éboulis à Tabouret à feuilles rondes.

Confusions possibles

Avec les éboulis calcaires à éléments fins, des situations fraîches du Petasition paradoxi [Code UE : 8130, Code Corine : 61.231].
Avec les éboulis calcaires à éléments moyens à Tabouret à feuilles rondes [Thlaspietum rotundifolii ; Code UE : 8120, Code Corine : 61.22].
Avec les éboulis de calcschiste du Drabion hoppeanae [Code UE : 8120, Code Corine : 61.21] présentant une flore plus hygrophile.

Dynamique

Cet habitat provient de la fixation et de l’enrichissement en élé- ments fins (graviers et terre fine) de l’éboulis à Tabouret à feuilles rondes [Thlaspietum rotundifolii ; Code UE : 8120, Code Corine : 61.22].
Cet éboulis rarement permanent semble néanmoins, lorsque l’érosion est importante, présenter un caractère permanent. Le groupement se trouve alors dans une phase ultime de régression avant le sol nu, où évolution de la végétation et facteurs d’érosion se neutralisent, maintenant ainsi un équilibre. L’évolution vers des pelouses, par colonisation des graminées, est très lente et se fait essentiellement sur les bords de l’éboulis.

Aux expositions chaudes, principalement dans les Alpes du Sud, passage à des pelouses méso-xérophiles à xérophiles avec principalement :
- les pelouses du Seslerion caeruleae [Code UE : 6170, Code Corine : 36.43] : pelouses à Fétuque à tiges rudes (Festuca scabriculmis) (Alpes-Maritimes) ou à Fétuque à quatre fleurs (Festuca quadriflora) [Festucetum pumilae], et pelouses à Seslérie bleutée et Avoine des montagnes [Seslerio caeruleae- Avenetum montanae] ;
- les pelouses de l’Ononidion cenisae [Code UE : 4090, Code Corine : 36.432] ;
- puis passage possible à l’étage subalpin aux landes du Juniperion nanae [Code UE : 4060, Code Corine : 31.43] ;
- le stade évolutif terminal correspond, dans les Alpes internes et intermédiaires, aux pinèdes thermoxérophiles de Pin à crochets (Pinus uncinata) de l’Ononido rotundifoliae-Pinion sylvestris [Code UE : 9430, Code Corine : 42.4 et 42.53].

Aux expositions froides : évolution vers les pelouses de combe à neige calcaire de l’Arabidion caeruleae [Code Corine : 61.2] ;
- passage possible à l’étage subalpin, aux landes du Rhododendro ferruginei-Vaccinion myrtilli [Code UE : 4060, Code Corine : 31.42], puis :
- le stade ultime d’évolution est représenté par les pinèdes de Pin cembro (Pinus cembra) du Rhododendro ferruginei- Vaccinion myrtilli [Code UE : 9420, Code Corine : 42.31] ;

En situations ventées à l’étage alpin : passage aux pelouses à Élyne queue de souris [Oxytropido-Elynion myosuroidis ; Code UE : 6170, Code Corine : 36.42].

Habitats associés ou en contact

Habitats signalés au chapitre « Dynamique de la végétation », auxquels il est possible de rajouter :
- les falaises calcaires du Potentillion caulescentis [Code UE : 8110] ;
- les falaises calcaires du Saxifragion lingulatae [Code UE : 8210, Code Corine : 62.13], dans les Alpes-Maritimes à l’étage subalpin, pour l’éboulis à Bérardie laineuse ;
- différentes pelouses alpines acidiphiles, avec notamment :
les pelouses méso-hygrophiles du Nardion strictae [Code UE : 6230*, Code Corine : 36.31],
les pelouses mésophiles du Caricion curvulae [Code Corine : 36.34].

Répartition géographique

Éboulis à Bérardie laineuse : Alpes du Sud (Drôme, Isère, Hautes-Alpes, Alpes-de-Haute-Provence, Alpes-Maritimes).
Éboulis à Liondent des montagnes : Alpes du Nord (Savoie, Haute-Savoie, Drôme, Isère), descend jusque dans le Queyras et le Briançonnais (Hautes-Alpes) et dans la région de la Cayolle (Alpes-de-Haute-Provence).

Valeur écologique et biologique

Cet habitat présente une flore très riche en espèces endémiques des Alpes, en particulier l’éboulis à Bérardie laineuse qui possède de nombreuses espèces endémiques des Alpes du sud-ouest, avec principalement : Bérardie laineuse, Campanule alpestre, Oxytropide fétide, Gaillet à gros fruit, Faux gaillet de Suisse, Minuartie des rochers, Pâturin du Mont Cenis, Saussurée des Alpes.
L’éboulis possède une espèce protégée au niveau national : la Bérardie laineuse.
Plusieurs espèces sont protégées au niveau régional :
- une en région Provence-Alpes-Côte d’Azur : Renoncule à feuilles de parnassie ;
- une en région Rhône-Alpes : Oxytropide fétide.

États de conservation

États à privilégier :
Les éboulis encore actifs (dont la dynamique n’a pas été modifiée par des aménagements humains) non colonisés par des espèces de pelouses et présentant une flore spécifique d’éboulis (lithophytes migrateurs…).
Les éboulis non pâturés par les troupeaux.

Tendances et menaces

Cet habitat est globalement peu menacé, sauf pour l’éboulis à Liondent des montagnes dans les secteurs concernés par les aménagements de domaines skiables (notamment en Vanoise, dans les Alpes du Nord). Ces aménagements (créations de pistes de ski et terrassements induits) ainsi que la création de routes, de pistes pastorales, de sentiers de randonnées…, peuvent entraîner la disparition de certaines stations, soit de manière directe en détruisant le pierrier, soit de manière indirecte, en empêchant l’apport de matériaux nouveaux ; l’éboulis s’immobilise et est alors colonisé par d’autres habitats.
Les troupeaux s’écartant des parcours pastoraux peuvent entraîner la raréfaction de certaines espèces.
La création de nouveaux sentiers, en particulier lorsqu’ils sont parallèles à la pente, augmente le ravinement.

Axes de recherche

Approfondir les connaissances sur la répartition de l’habitat.

Fiche du cahier d'habitats (format pdf)
Bibliographie

 Bensettiti F., Herard-Logereau K., Van Es J. & Balmain C. (coord.), 2004. « Cahiers d’habitats » Natura 2000. Connaissance et gestion des habitats et des espèces d’intérêt communautaire. Tome 5 - Habitats rocheux. MEDD/MAAPAR/MNHN. Éd. La Documentation française, Paris, 381 p. + cédérom. (Source)