ZNIEFF 030030016
Savane des Pères

(n° régional : 00130001)

Commentaires généraux

La ZNIEFF de la Savane des Pères (type I) se situe au sud de Kourou, entre la D13 et la rive droite du Fleuve Kourou, de part et d'autre de la RN1. Elle est incluse dans la grande ZNIEFF de type II "Savane et montagne des pères".

Elle est constituée principalement de deux entités écologiques très différentes : une vaste zone de savane basse herbacée et surtout arbustive ; une zone de marais à Typha angustifolia.

La Savane des Pères présente un gradient écologique remarquable entre les différents types de savanes guyanaises : savanes basses et hautes herbacées, savanes marécageuses et savanes arbustives. Des fourrés sclérophylles et des bosquets marécageux à Palmiers bâches (Mauritia flexuosa) parsèment la zone entrecoupée d'îlots forestiers sur cordons sableux de plaine littorale. La ZNIEFF est bordée de mangroves côtières agées et d'estuaire.

Cette ZNIEFF s'inscrit donc en partie dans l'ensemble des savanes littorales de Guyane, principalement localisées entre Cayenne et Organabo dans la plaine côtière ancienne. Elles se trouvent sur des sols argileux marins, consolidés et en grande partie recouverts de sédiments sableux fins datant du Pleistocène. Ces sols sont le plus souvent exondés.

L'origine des savanes n'est probablement pas entièrement naturelle. Elle est due à un ensemble de facteurs liés entre eux, d'ordre climatique (saison sèche plus marquée sur la bande côtière), paléoclimatique (témoin des époques plus froides et plus sèches du Pleistocène et de l'Holocène durant lesquelles la Guyane était en partie recouverte de savane), édaphique (sols peu favorables à une couverture forestière) et anthropique (localisation des communautés amérindiennes d'autrefois et de la population actuelle sur la bande côtière ; maintien de la physionomie des savanes par les feux saisonniers).

Cette ZNIEFF correspond principalement à une savane basse arbustive sur sols sableux, unique par sa superficie en Guyane. Elle se présente sous l'aspect d'une grande étendue herbacée parsemée d'arbustes tortueux : faciès arbustif à Byrsonima crassifolia, ou " savane à poiriers ".

Les zones herbeuses sont constituées de petites touffes de 10 à 30 cm de haut laissant entre elles des plages de sol nu, à l'exception des tapis épars d'une petite plante carnivore, Drosera capillaris. Dans cette savane herbacée, la flore y est dominée par des Cypéracées et des Poacées (dont une espèce particulièrement rare : Axonopus passourae), auxquelles se mêlent principalement des Burmanniacées, Astéracées, Gentianacées, Mélastomatacées, Polygalacées et Lentibulariacées. La physionomie est marquée ponctuellement par quelques sous-arbrisseaux nains de 30 à 60 cm qui émergent ainsi du tapis herbacé : Byrsonima verbascifolia (" z'oreil d'âne ") aux grandes feuilles duveteuses caractéristiques. Le milieu correspond alors à la savane basse à nanophanérophytes.

Citons la présence de deux espèces d’orchidées terrestres rares (Habenaria trifida et Galeandra stylomisantha).

Certains secteurs présentent un faciès de savane haute herbeuse et arbustive, floristiquement plus riche que la savane basse, et transitoire avec les groupements paraforestiers périphériques. La flore herbacée est encore dominée par les Poacées ainsi que des Cypéracées (Rhynchospora barbata caractéristique du milieu) et Rubiacées, alors que Curatella americana domine la flore des buissons et petits arbres, accompagné de Byrsonima crassifolia, de Mélastomatacées et de Clusiacées.

Il faut noter la présence de dalles granitiques affleurantes, dissimulées le plus souvent au sein de fourrés sclérophiles parsemant la savane.

Dans les secteurs plus humides représentant également une grande surface de la ZNIEFF, la savane basse marécageuse présente un faciès d'herbes hautes principalement composée de Poacées, de Cypéracées, accompagnées de Fabacées, Lentibulariacées et Lamiacées. Quelques espèces sont communes aux marais (Cypéracées, Onagracées, Blechnacées comme la fougère Blechnum serrulatum). Mais la physionomie de cette formation est marquée essentiellement par les buissons de Rhynchanthera grandiflora, une Mélastomatacée remarquable par ses grandes floraisons violettes, et par les massifs denses d'Heliconia psittacorum, un petit balisier aux bractées rouge orangé.

Le long des criques et mares temporaires en savane, des bosquets marécageux à Palmiers bâches (Mauritia flexuosa) se sont développés.

Le marais à Typha angustifolia (= Typha domingensis) correspond à une formation herbacée haute (atteignant plus de 2 mètres). C'est sans aucun doute le type de marais côtier le plus rare en Guyane, localisé à quelques stations assurant le plus souvent un rôle de transition entre les marais à Eleocharis mutata (lagune à palétuviers morts succédant à la mangrove) et les marais d'eau douce à Cypéracées et fougères ou à graminées. La formation présente ici constitue, avec celles de la région de Mana, l'une des plus vastes pour le département, et fait la transition avec la mangrove côtière agée et la mangrove d'estuaire qui la bordent. Dans les secteurs de lisière avec la mangrove, ce marais est parsemé de grandes touffes de la fougère Acrostichum aureum.

Ces habitats variés et peu communs permettent la présence d'une communauté diversifiée de plantes déterminantes : Eleocharis mitrata (Cyperaceae), Erythroxylum suberosum (Erythroxylaceae), Manihot esculenta subsp. flabeliifolia (Euphorbiaceae), Helicotropis linearis var. linearis (Fabaceae), Curtia tenuifolia (Gentianaceae), Curculigo scorzonerifolia (Hypoxidaceae), Cipura paludosa (Iridaceae), Acisanthera rosulans (Melastomataceae), Sauvagesia rubiginosa (Ochnaceae).

Cette ZNIEFF présente un cortège quasi-complet de l'avifaune caractéristique des habitats de savane avec notamment plusieurs espèces déterminantes du fait de leur lien étroit avec ces biotopes : le Sporophile curio (Oryzoborus angolensis), le Sporophile plombé (Sporophila plumbea), le rare Tyranneau barbu (Polystictus pectoralis), la Sturnelle des prés (Sturnella magna), le Râle ocellé (Micropygia schomburgkii), 3 espèces d'Elénies ainsi que des données anciennes de Colin huppé (Colinus cristatus). Les zones plus humides accueillent la Bécassine de Magellan (Gallinago paraguaiae). La Buse des savanes (Buteogallus meridionalis) et la Buse à queue blanche (Buteo albicaudatus) se maintiennent ici en trouvant leur biotope de prédilection non perturbé, les grandes zones ouvertes herbeuses. Ces espèces patrimoniales sont donc peu communes et leur répartition restreinte en Guyane. Au cours de leur passage migratoire postnuptial, certains limicoles recherchant préférentiellement les secteurs herbacés ras et découverts, font halte dans la savane, tout particulièrement le Pluvier dominicain (Pluvialis dominica) et le Maubèche des champs (Bartramia longicauda).

Concernant l'herpétofaune déterminante, il faut souligner la présence du lézard Cnemidophorus lemniscatus et du Boa Epicrates maurus, ainsi que de trois amphibiens, Hypsiboas raniceps, Rhinella granulosa et surtout Leptodactylus macrosternum dont il s'agit ici d'une des deux localités connues en Guyane. Enfin, une des rares données de Crotale (Crotalus durissus) authentifiée à l'Est de Kourou provient de cette savane.

Les espèces faunistiques du marais à Typha restent méconnues ici en raison des difficultés de pénétration du milieu et des contraintes d'observations. Sont déjà détectées plusieurs espèces déterminantes comme le Busard de Buffon (Circus buffoni), le Donacobe à miroir (Donacobius atricapilla) et la Talève favorite (Porphyrio flavirostris). Ce milieu mériterait des prospections significatives d'autant qu'elles devraient à terme révéler des données intéressantes concernant notamment les populations de petits Ardéidés et de Râles.

Plusieurs menaces pèsent déjà sur cette zone avec les feux annuels de saison sèche, les abattis et l'implantation de pylônes EDF.

Les savanes sont soumises à une pression de chasse non négligeable, en raison de leur proximité de Kourou et des implantations agricoles de Matiti.

Commentaires sur la délimitation

La ZNIEFF est limitée comme suit:

N: La savane est limitée au nord par les mangroves qui bordent la rive droite du fleuve Kourou. La limite croise la route nationale 1 au point A, suit la limite de la savane en excluant des forêts inondées et les forêts dégradées qui longent l'arrière mangrove du Kourou, la crique Guatemala et la route de Guatemala (D15). La limite atteint la D13 au point B.

E: A l'est, la limite longe la D13 du point B jusqu'au point C, où commence les parcelles anthropisées qui longent la RN1.

S: La limite sud suit la RN1 en excluant les forêts et végétation arbustive en mutation jusqu'au point D où elle traverse la N1 d'est en ouest jusqu'au pied de la Montagne Leblond (point E). Elle contourne le pied du relief jusqu'au point F où elle rejoint la lisière de la savane au point G. Toujours bordée de forêts (mangrove, forêts dégradées ou inondées), la zone continue vers l'ouest jusqu'au point H situé sur la première piste à gauche après la montagne des Pères sur la RN1.

W: Le zonage s'étend jusqu'aux forêts inondées ou marécageuses qui longent la rive droit du fleuve Kourou (point H à A).

Coordonnées des points mentionnés (WGS84, UTM 22 nord):

A (315009m; 567871m) - B (320915m; 566163m) - C (320389m; 564327m) - D (318756m; 565021m) - E (318090m; 564889m) - F (317008m; 565402m) - G (316579m; 565662m) - H (315096m; 566032m)