ZNIEFF 030120008
Mont Grand Matoury

(n° régional : 00170002)

Commentaires généraux

La ZNIEFF du Mont Grand Matoury (type I) se situe à 8 km au sud de Cayenne. Elle s'inscrit au sein de la ZNIEFF de type II du Mont Grand Matoury et Petit Cayenne s'étendant entre le fleuve de Montsinéry et la RN2.

Depuis l'Amazone jusqu'à l'Orénoque, le Mont Grand-Matoury constitue le morne littoral le plus élevé avec une altitude de 234 m au sommet. Il forme avec les collines avoisinantes de l'Île de Cayenne et de Kourou les premiers reliefs témoins du bouclier continental et s'inscrit dans la chaîne septentrionale de Guyane (Montagne de Kaw, Montagne Tortue, Montagne des Chevaux).

La géologie du Mont Grand Matoury comprend essentiellement des granites anciens, de type trondhjémite, mis en place à la fin de la phase tectonique transamazonienne, il y a 2 milliards d’années. Ces roches plutoniques sont recoupées par des dykes de roches volcaniques (dolérite) apparus au Jurassique, au début de l’ouverture de l’océan Atlantique. Ces roches du socle sont recouvertes d’une succession de cuirasses latéritiques datant du Tertiaire, puis, à basse altitude, par des formations sédimentaires (argiles et sables) au Quaternaire.

Plusieurs sources importantes et permanentes ont été recensées sur le Massif du Grand Matoury. Par analogie avec le massif du Mahury, les géologues pensent que ce massif recèle aussi d'abondantes réserves d'eaux souterraines renouvelables.

Sur le sommet du relief, on trouve un secteur de forêt primaire, unique dans l'Île de Cayenne.

Il est occupé par une très belle futaie, élevée, à la voûte jointive, au sous-bois relativement dégagé et bien structuré. Parmi les grands arbres, on trouve Geissospermum sp. (Maria-congo) et Platonia insignis (Parcouri) ainsi que Carapa guianensis. Le sous-bois, dans la strate de 2 à 10 m, est dominé par un petit arbre très abondant ici : Paypayrola guianensis. Un palmier de taille moyenne, généralement très localisé, apparaît ici où il forme une petite population en bordure sommitale : Syagrus inajai.

Entre 160 et 200 m d'altitude, la formation forestière correspond à une forêt basse ou moyenne, humide de haut de pente et bord de plateau. Cette zone est soumise à un microclimat plus humide : c'est en effet à ce niveau que stagnent préférentiellement les nuages et les brouillards pendant les jours de grande pluie. Aussi, cette forêt rappelle-t-elle, sous certains aspects, les forêts submontagnardes des massifs tabulaires du centre de la Guyane, bien que l'on ne trouve pas ici d’espèces végétales sub-montagnardes, de fougères arborescentes ni d'épais manchons de mousses sur les troncs et les branches. Celles-ci sont cependant relativement abondantes par endroits. Parmi les arbres les plus élevés, on note Carapa guianensis, Geissospermum sp., Sloanea grandiflora et surtout beaucoup de palmiers : Socratea exorrhiza, Attalea maripa et, en moindre abondance, Oenocarpus bacaba. La présence d’Astrocaryum murumuru, palmier normalement inféodé aux forêts marécageuses sur alluvions côtières, est très surprenante. Il en est de même de Sloaena grandiflora qui est aussi une espèce des bas-fonds. L'existence de ces deux plantes en forêt sommitale laisse supposer qu'il existe des zones de sols hydromorphes sur le plateau en raison de l'imperméabilité de la cuirasse sous-jacente. De manière plus extraordinaire, les botanistes ont découvert Astrocaryum minus (7 pieds recensés), palmier extrêmement rare dans la région des Guyanes, espèce protégée qui fait l’objet d’un Plan National d’Actions.

A cette altitude, on trouve également des zones de végétation secondaire basse, dues probablement à de récents défrichements. Deux d'entre elles sont particulièrement étendues. La végétation, très dense, héliophile formée essentiellement de plantes herbacées, d'arbustes et de lianes grêles, dépasse rarement 2 à 5 m de haut. Quelques arbres et de nombreux palmiers, épargnés lors du défrichement, émergent ça et là.

Plus bas sur les pentes (entre 60 et 160 m), on rencontre la forêt basse sèche à lianes et à épiphytes sur cuirasse latéritique de pente, une formation à tendance xérophile, certainement la plus originale du massif. C'est une forêt basse et broussailleuse formée de petits arbres au port souvent buissonnant, enchevêtrés de nombreuses lianes, l'affleurement de la cuirasse ne permettant pas à de grands arbres de s'enraciner. Le sous-bois est relativement lumineux et de nombreux épiphytes bas y prolifèrent, en particulier les Aracées et des Broméliacées. Cette formation n'est pas sans rappeler, par sa physionomie et parfois par sa flore, la forêt basse de transition que l'on trouve sur les inselbergs granitiques de l'intérieur.

A la base du Mont, c'est une végétation secondaire manifestement perturbée par les actions anthropiques qui prédomine. Elle présente une alternance de zones de forêt basse à mi-haute, de zones de lianes, et de taches de végétation broussailleuse, héliophile, avec quelques arbres émergeants.

Le Mont Grand Matoury recèle des espèces végétales fort rares comme Coussarea hallei (Rubiaceae), un petit arbre quasi endémique de l'île de Cayenne, protégé par arrêté ministériel. D'autres espèces méritent une attention particulière : Xanthosoma acutum (espèce déterminante très rare, connue seulement de quelques spécimens de la Montagne de Kaw et de la Roche Touatou) et surtout Astrocaryum minus (dont on ne connait que trois stations en Guyane et une au Suriname). Cette espèce n’était connue auparavant uniquement du « type » provenant d’Amazonie occidentale.

Du point de vue faunistique, l'avifaune du Mont Grand Matoury est particulièrement variée. Le peuplement de sa partie haute évoque celui de la forêt primaire de l'intérieur avec son cortège de fourmiliers et grimpars caractéristiques. Notons également que le Faucon orangé (Falco deiroleucus) y a été observé, une des rares citations sur les marges littorales de cette espèce forestière.

Chez les batraciens, il faut retenir, au sein d'un peuplement très riche, la présence d'une population d'Atelopus flavescens (espèce déterminante, localité-type) et, beaucoup plus surprenant à cette distance des reliefs intérieurs, de la Microhylidae Otophryne pyburni. Récemment, Hyalinobatrachium kawense, endémique de Guyane, y a été découverte. Ces trois espèces sont liées aux petites criques d'eau vive pour leur reproduction.

Ce massif forestier constitue par sa biodiversité la plus riche et la plus singulière colline boisée de l'Île de Cayenne. Outre l'intérêt patrimonial que recèle cette ZNIEFF, le Mont Grand Matoury présente également un intérêt historique. En effet, de par sa proximité avec Cayenne, la forêt du Matoury fut prospectée en priorité par les premiers naturalistes venus explorer la Guyane aux 17e et 18e siècles. Ainsi, de nombreuses formes végétales et animales ont été décrites au regard de la science à partir d'échantillons ou de spécimens originaires de Matoury. Ce site forme dès lors la " localité-type " de nombreuses espèces vivantes, en particulier de plantes.

Le Mont Grand Matoury est d'ailleurs devenu un des lieux de promenade les plus fréquentés des habitants de l'Île de Cayenne. Il présente également un attrait touristique important car c'est sur ce Mont que les touristes viennent s'immerger pour la première fois dans la forêt tropicale.

L'ensemble du Massif est une Réserve Naturelle Nationale depuis 2006.

Commentaires sur la délimitation

La ZNIEFF est délimitée comme suit:

N: La limite nord correspond à la limite de la Réserve Naturelle du Mont Grand Matoury depuis le sud du lieu-dit Auterlitz (point A) jusqu'à la piste d'accès de la Mirande (point S).

E: La limite est suit la courbe de niveau de 10m jusqu'au point T à partir duquel elle contourne les zones urbanisées de la Désirée: elle emprunte le talweg pour remonter jusqu'à la courbe des 100m (point U), contourne le sommet ju'squ'au point V et redescend le talweg opposé jusqu'à la piste Concorde (point W).

S et W: Au sud et à l'ouest, du point W au point A, la limite suit la courbe de niveau des 10m qui longe le pied du mont Grand Matoury.

Coordonnées des points mentionnés (WGS84, UTM 22 nord):

A (348105m; 538114m) - B (348824m; 537829m) - C (348964m; 538180m) - D (349406m; 538388m) - E (349174m; 538713m) - F (349326m; 538808m) - G (349292m; 538864m) - H (349633m; 539070m) - I (349893m; 538650m) - J (350349m; 539198m) - K (350414m; 539164m) - L (350734m; 539084m) - M (350757m; 539102m) - N (350999m; 538975m) - O (350896m; 538778m) - P (350979m; 538288m) - Q (351076m; 538194m) - R (351154m; 538183m) - S (351026m; 537790m) - T (351128m; 536383m) - U (350745m; 536265m) - V (350545m; 536242m) - W (350129m; 536119m)