ZNIEFF 930020335
HAUTS PLATEAUX DES MONTS DE VAUCLUSE

(n° régional : 84129117)

Commentaires généraux

Description de la zone

La partie la plus orientale du massif des monts de Vaucluse est constituée par un ensemble de hauts plateaux qui culminent à plus de 1 200 m (au Saint Pierre, à l’est du village de Lagarde d’Apt). Ces derniers s’étendent de la limite avec le département des Alpes de Haute Provence à l’est, jusqu'au Grand Terme, sur la commune de Saint Saturnin lès Apt à l'ouest.

L'assise géologique de ce secteur est constituée essentiellement de calcaires du Crétacé qui ont développé un modelé karstique. Toutefois, vers Sarraud, mais également autour du village de Lagarde d'Apt, la présence de dolines à l’intérieur desquelles se sont accumulées des argiles de décarbonation apporte un élément de diversification.
On rencontre ici un climat frais de type montagnard dû à l'altitude et aux vents froids et violents, qui arrivent directement du mont Ventoux. Ces plateaux sont caractérisés, notamment dans leur partie nord ouest par une certaine aridité car l'eau s'infiltre dans les nombreuses fissures qui creusent le calcaire. Les sources et les puits, rares, ont été remplacés par des aiguiers, procédés ingénieux mis en place par les hommes près des habitations pour collecter et conserver les eaux de pluie. Ces conditions climatiques et pédologiques ont créé des paysages austères et âpres, peu humanisés et au caractère très sauvage.
Cette zone est située entièrement dans le haut de l’étage supraméditerranéen et dans l’étage montagnard méditerranéen. Elle comprend une mosaïque de formations où alternent boisements et pelouses entrecoupés de sites à vocation essentiellement agricole (les seuls dans le Vaucluse à s’exercer à une altitude aussi élevée). Elle est constituée pour l'essentiel de taillis de chênes pubescents à affinité franchement montagnarde puisque le hêtre lui est souvent associé à l'état sporadique. Localement, le pin sylvestre joue le rôle d'essence pionnière. Le hêtre, dans les parties les plus hautes du massif (Bois de Saint Pierre, Bois du Verger, Bois du Peyguier, les Esfourniaux, les Espagnols) constitue de magnifiques futaies. Dans cet ensemble, les dolines sont favorables à une agriculture de type traditionnel. Ici domine l’élevage ovin avec des prés de fauche et des pâtures, mais également la culture de la lavande, associée parfois à d’autres plantes aromatiques : sauge, hysope, etc., sans oublier les céréales qui sont très bien développées. Entre les boisements et les agrosystèmes, on rencontre souvent des milieux intermédiaires, milieux ouverts constitués de parcours, de pelouses sèches, de lavandaies naturelles et de matorral à genévrier commun.

Flore et habitats naturels

Le contexte dans lequel s’expriment ces hauts plateaux favorise une importante biodiversité. L’altitude apporte l’élément floristique montagnard, la localisation permet à une flore mésophile de se retrouver ici en limite méridionale de son aire de répartition, alors que la nature du substratum induit une flore calcicole et silicicole (dans les dolines). Les formations forestières occupent des surfaces importantes. Les hêtraies sont remarquables (Saint Pierre en particulier), car elles recèlent un grand nombre d’espèces dont certaines sont toujours très rares en Provence et qui sont absentes du mont Ventoux et des parties élevées du grand Luberon. Dans la chênaie pubescente fraîche des Chenilles, Arum cylindraceum (arum cylindrique) s'est installé.

Dans les milieux ouverts, très ventés et soumis à un climat très rude, la formation à Genista pulchella (genêt de Villars) arrive à se maintenir au sommet du Cluyer. Dans les environs de Sarraud, les pelouses des dolines sont favorables à la présence d’Euphorbia graminifolia (euphorbe à feuilles de graminée), endémique provenço dauphinoise alors qu’à la Grande Bastide, se rencontre encore Gagea pratensis (gagée des prés) en compagnie de Sclerochloa dura (sclerochloa rude), espèce des sites piétinés qui se retrouve également au Crozat et qui est devenue rare en France. En Haute Provence en général, et dans le massif des monts de Vaucluse en particulier, la régression du pastoralisme a eu pour conséquence l’extension de la forêt au détriment des milieux ouverts. Leur conservation est étroitement liée à une action anthropique et à la présence des troupeaux.
C’est le maintien d’une agriculture traditionnelle de type extensif, utilisant des façons culturales appropriées et s’interdisant l’emploi de désherbants à cause de la présence de troupeaux qui a permis la conservation de toute une flore ségétale exclusivement liée aux moissons. Cette dernière doit être considérée comme étant du plus grand intérêt biologique et culturel par sa rareté, par l’importance et la diversité des espèces qui y sont encore observées et par la présence de très nombreuses espèces souvent menacées comme Androsace maxima (androsace à grand calice), Agrostemma githago (nielle des blés), Adonis annua (adonis annuel), Adonis flammea (adonis rouge feu), Adonis aestivalis (adonis d’été), Conringia orientalis (roquette d’Orient), Bupleurum rotundifolium (buplèvre à feuilles rondes), Asperula arvensis (aspérule des champs), Camelina microcarpa (caméline à petits fruits), Turgenia latifolia (turgénie à feuilles larges), Vaccaria hispanica (vachère). Lolium temulentum (ivraie enivrante) qui a pratiquement disparu du territoire national, vient d’être retrouvée à Lagarde d’Apt. Ces espèces annuelles dont le pouvoir de germination reste actif pendant plusieurs années, peuvent s’effacer et réapparaître au gré des changements de cultures, si on leur en laisse néanmoins la possibilité. Mais l’intérêt de ces agrosystèmes de type montagnard s’étend bien au delà de sa flore messicole. C’est ainsi que dans les prairies à caractère mésophile, Ophioglossum vulgatum (langue de serpent vulgaire) existe toujours. En mosaïque avec ces agrosystèmes, des pelouses hébergent également, au Plan de Brouville, Bupleurum gerardii (buplèvre de Gérard).

Faune

Les hauts plateaux des monts de Vaucluse présentent un intérêt faunistique élevé avec 50 espèces d’intérêt patrimonial, dont 11 sont déterminantes.

Les mammifères sont notamment représentés par le Cerf élaphe, plusieurs chauves-souris remarquables telles que le Grand Rhinolophe et le Petit Rhinolophe, la Genette commune.

L’avifaune nicheuse locale comporte à la fois des espèces forestières et des espèces de milieux ouverts. Parmi les oiseaux nicheurs de milieux ouverts ou semi ouverts, beaucoup d’entre eux sont d’affinité méditerranéenne, méridionale ou steppique orientale. Ils correspondent ici au Circaète Jean le blanc, au Busard cendré, à la Caille des blés, l’Alouette lulu, à l’Outarde canepetière, à l’Œdicnème criard, au Petit duc scops, à la Huppe fasciée, à la Pie grièche à tête rousse, à la Pie grièche écorcheur, à la Pie grièche méridionale, au Bruant fou, au Bruant ortolan, au Bruant proyer, Fauvette grisette, Fauvette orphée, Pipit rousseline.

Deux espèces remarquables de reptiles sont également présentes, le Seps strié (Chalcides striatus), espèce à répartition Franco-Ibérique qui fréquente les garrigues, les pelouses et les friches de Provence, sous les pierres et autres gîtes favorables et la Couleuvre verte et jaune (Hierophis viridiflavus), espèce à répartition majoritairement Franco-Italienne qui privilégie les fourrés et les friches.

Les oiseaux forestiers, généralement d’affinité médio européenne, comprennent les nicheurs suivants : Bondrée apivore, Faucon hobereau, Torcol fourmilier, Pic épeichette, Pic noir, Coucou geai. Une donnée historique de Lézard ocellé à proximité de la zone interroge sa présence sur le secteur.
Quant à l’entomofaune locale d’intérêt patrimonial, elle est notamment représentée par deux orthoptères, l'Arcyptère provençale (Arcyptera kheili), espèce remarquable de criquet à mobilité réduite et endémique de Provence, qui peuple les pelouses sur les plateaux calcaires ou dans les garrigues ouvertes et la Courtilière commune (Gryllotalpa gryllotalpa), espèce remarquable ayant régressée au cours des dernières décennies, qui s’observe dans les zones humides et parfois dans les jardins bien arrosés.

Les cortèges de lépidoptères sont diversifiés et représentés par huit espèces patrimoniales diurnes dont trois déterminantes : le Moiré de Provence (Erebia epistygne), espèce méditerranéo montagnarde dont l’aire de répartition ibéro provençale est morcelée et restreinte, inféodée aux pelouses sèches à fétuques (surtout Festuca cinerea), l’Alexanor (Papilio alexanor), espèce protégée au niveau européen, rare et dont l’aire de répartition est également morcelée, inféodée aux éboulis et pentes rocailleuses jusqu’à 1700 m d’altitude où croît sa plante hôte locale Ptychotis saxifraga et le Sablé de la luzerne (Polyommatus dolus) dont la sous-espèce dolus est endémique de Provence et peuple les chênaies claires, les lisières et les pelouses où croissent ses plantes hôtes les sainfoins (Onobrychis ssp). Cinq autres lépidoptères remarquables intègrent le site dont quatre rhopalocères : l'Échiquier de Russie (Melanargia russiae), espèce d'affinité steppique, localisée et dont la sous espèce cleanthe est endémique des montagnes du nord de l'Espagne et des Alpes du sud, l’Apollon (Parnassius apollo), espèce d'affinité montagnarde, protégée au niveau européen, peuplant les rocailles, pelouses et éboulis à Crassulacées et Saxifragacées entre 500 et 2500 m d’altitude, l’Azuré du Serpolet (Maculinea arion), espèce et protégée au niveau européen, inféodée aux bois clairs et ensoleillés, pelouses et friches sèches avec présence de ses plantes hôtes, des serpolets et de sa principale fourmi hôte, Myrmica sabuleti, l’Azuré du baguenaudier (Iolana iolas), espèce méditerranéenne très localisée, strictement inféodée à la présence de son unique plante hôte Colutea arborescens et la Zygène cendrée (Zygaena rhadamanthus), hétérocères d’affinité ouest méditerranéenne protégée en France, dont l’habitat se compose de friches, garrigues et boisements clairs où croît la principale plante nourricière locale de sa chenille, la Badasse (Dorycnium pentaphyllum).

Les parties forestières de cette zone accueillent un cortège de coléoptères d’intérêt patrimonial composé d’une espèce déterminante, le Bostryche lichen (Lichenophanes varius), espèce des forêts matures de feuillus où elle est xylophage dans la carie blanche du bois mort, sporadique et à répartition morcelée de l'Europe au Moyen-Orient, accompagnée de plusieurs espèces remarquables, le Sténochore du chêne (Anisorus quercus), Cerambycidae inféodée aux chênes à feuilles caduques et aux érables, rare en France où la région PACA abrite ses plus importantes populations, le Lepture à trois marques (Stictoleptura trisignata), espèce endémique du sud-ouest de l'Europe, présente en France uniquement dans les forêts de feuillus méditerranéennes où sa larve vit dans le bois mort des arbres vivants, le Mycetophagidae Mycetophagus fulvicollis, espèce fongivore des champignons lignicoles, cantonnée dans les forêts matures de plaine sur toute son aire eurasiatique et le Mycétophage du peuplier (Mycetophagus populi), espèce fongivore des champignons lignicoles, rare et sporadique en France où elle se trouve par stations dispersées.

Enfin, signalons la présence de la Cigale argentée (Tettigetta argentata), espèce remarquable d’hémiptères cicadomorphes, d'affinité méditerranéenne, localisée mais assez commune, qui recherche les milieux arides parsemés d'arbustes.

Commentaires sur la délimitation

Répartition et agencement des habitats : les boisements à chêne pubescent et à hêtre, les pelouses mésophiles ainsi que les agrosystèmes occupent la totalité de la zone, permettant ainsi de définir les contours de cette ZNIEFF.

Cette démarche se justifie par le fonctionnement et les relations qui existent entre ces différents écosystèmes : il existe une complémentarité entre les milieux ouverts, terrain de chasse privilégié pour l’avifaune nichant dans les milieux forestiers plus fermés.

La climatologie ainsi que les contraintes du milieu physique et plus particulièrement l’analyse géomorphologique confortent la définition du pourtour de la zone. Celle-ci s’arrête à la vallée de la Nesque, au plateau d’Albion et dans la partie haute des combes sud-orientales du massif des monts de Vaucluse.