Liste hiérarchisée et descriptifs des habitats des Cahiers d'habitats
Ces communautés se développent dans des milieux aquatiques qui s’étendent des régions planitiaires aux montagnes. Elles vivent dans des étendues de faible ou moyenne importance telles que les étangs, les marais, les dépendances de fleuves, les fossés, les ornières de chemin, les tourbières et plus rarement les lacs, les hauts fonds et les milieux rhéophiles à courant très faible. Les biotopes sont parfois jeunes. Les étangs peuvent être régulés avec des alternances d’assec.
Les eaux sont douces, claires, légèrement acides à calcaires (pH 6,3 à 8,1). La majorité des characées se maintiennent dans des milieux oligotrophes faiblement acides à mésotrophes alcalins ; les lacs, étangs et carrières avec des eaux alcalines sont rarement occupés par des Nitelles.
Les characées de cet habitat se répartissent à des profondeurs comprises entre 50 cm (où certaines espèces ont un optimum en bordure des étangs) et 1,5 m ou parfois 3 m. Si certaines plantes atteignent parfois des profondeurs supérieures à 10 m elles sont alors souvent stériles (Nitella opaca).
Dans l’ensemble, les sites de répartition présentent une forte luminosité et une température élevée. La plupart des espèces de cet habitat élémentaire apprécie les milieux à réchauffement rapide (bordure sablonneuse peu profonde).
Les substrats sont divers : substratum assez meuble, parfois légèrement calcarifère, sables plus ou moins limoneux, avec plus ou moins de matières humiques, sables vaseux, vases épaisses, vases ferrugineuses, substrats tourbeux acides, fonds de graviers, carrières inondées sur calcaire primaire.
Ces végétations à characées ont été classées, dans la littérature récente, en fonction de leur dépendance à la qualité de l’eau ce qui a conduit à distinguer deux ensembles de communautés : le Nitellion flexilis (communautés des eaux acides) et le Nitellion syncarpo-tenuissimae (communautés des eaux neutres à faiblement alcalines). Mais il est nécessaire de prendre en compte la phénologie qui est un critère important de distinction des groupements.
Associations précoces dans les eaux très claires (profondeur : 0,5 m à 1,5 m environ) :
- Mares, étangs acides ou neutres sur sols limoneux-sablonneux : Nitelletum capillaris, en plaine (mars-mai) et en montagne (2 000 m, juillet-août, avec Nitella capillaris, Isoète, Isoetes sp. et Subulaire aquatique, Subularia aquatica).
- Milieux neutres, en fonds d’étangs à substratum sablonneux, peu vaseux : Nitelletum opacae, étendu, sur de grandes surfaces et quasi exclusif, sauf par places avec Nitella translucens. Dans certains milieux profonds, Nitella opaca est associée à Vaucheria dichotoma, Nitella syncarpa, Nitella tenuissima, Nitella mucronata, conduisant à un Nitelletum syncarpo-tenuissimae ou à un Nitello-Vaucherietum dichotomae.
Associations pionnières à développement surtout estival des strates aquatiques inférieures :
- Milieux acides :
de 0,25 m à 1,3 m, sur substratum vaseux très humique : Nitelletum gracilis ;
de 1 m à plus de 2,5 m, dans les eaux claires très transparentes sur substratum sablonneux, sablonneux-vaseux à vaseux très épais : Magnonitelletum translucentis.
- Milieux sub-neutres à neutres :
bordures plates (0,1 à 0,5 m), limoneuses légèrement vaseuses ou sablonneuses mais à forte proportion de limon : Charetum braunii.
des extrêmes bordures jusqu’à 1-1,5 m de profondeur, biotopes en pentes douces, dégagés, fréquemment surchauffés au cours des insolations estivales :
- sur sable peu limoneux ou faiblement calcarifère : Nitelletum hyalinae (héliophile, végétations parfois exondées sur substratum humide),
- sur substratum sablonneux, très meuble, favorable aux bulbilles du Charetum fragiferae (héliophile), eaux très claires ;
de 1 m à plus de 2,5 m : Magnonitelletum translucentis (à développement moins important qu’en milieu acide) ;
végétations des plages d’étangs et transgressives des zones profondes :
- de 0,2 à 0,5 m (bordure d’étangs) ou jusqu’à 7-8 m (lacs) : Nitelletum syncarpae, à amplitude écologique très large ; substratum sablonneux, sablonneux-vaseux, le plus souvent vaseux-limoneux ; s’accommode d’eaux très troubles,
- de 0,5 à 20 m (grands lacs) sur des substrats divers, dans des biotopes aux eaux stagnantes à légèrement courantes : végétation à Nitella mucronata, espèce souvent rare et d’observation difficile participant à des associations mono- ou polyspécifiques dont la composition dépend de la profondeur,
- de 1 à 2,5 m (étangs de plaine, en eau claire, sur fonds sablonneux peu vaseux) ou 15-20 m de profondeur (certains fonds de lacs de montagnes) : Nitelletum flexilis,
à la frontière de plusieurs types écologiques : Chareto-Nitelletum, végétations mixtes de charophycées, association instable.
Associations tardives :
- Nitelletum batrachospermae ou Micronitelletum du benthos. Sur les bordures légèrement acides, neutres ou légèrement alcalines, dans la pellicule de vase ou de limon dans laquelle il est enrobé et invisible, plaqué à la strate aquatique inférieure, ordinairement à des profondeurs assez faibles (0,20 à 0,50-1 m).
En fonction des espèces, ces végétations monospécifiques ou polyspécifiques sont composées de plantes éparses (parfois difficilement repérables dans les milieux vaseux si elles sont de faible dimension et ce malgré la transparence des eaux) ou de tapis denses de characées atteignant 10 cm à 1 m de hauteur (les végétations continues et massives restent exceptionnelles).
Les espèces aux axes non cortiqués (espèces du genre Nitella, Chara braunii), ou imparfaitement cortiqués (Chara denudata) forment l’ossature structurale des peuplements charophytiques des Nitelletalia flexilis. Les végétations à Nitelles sont beaucoup plus fines, moins rigides (absence de cortication) et donc plus sensibles aux conditions de milieux. Dans certains cas (ex. : Chara braunii) il peut s’agir de groupements pionniers sur substrat minéral dont le développement est important surtout pendant la première année après la remise en eau d’un étang asséché. Certains groupements (ex. : Nitelletum gracilis) présentent un épiphytisme assez développé (nombreuses diatomées). Ces végétations peuvent se développer, suivant les associations, à la strate aquatique inférieure d’associations de phanérogames (Myriophylletum, Eleocharetum, Littorelletum...).
De par sa physionomie et la présence d’espèces caractéristiques souvent exclusives, la confusion avec d’autres types d’habitats est difficile. Mais, au sein de l’habitat, la distinction entre les associations reste difficile en raison de la ressemblance entre les characées.
Les characées se propagent ou se maintiennent par : oospores, conservation des entre-nœuds inférieurs (nombreuses espèces) et reprise de la croissance au niveau des nœuds, prolifération par bulbilles... La conquête intégrale du sol immergé par les charophycées requiert : eaux calmes, milieux de superficie réduite, bien abrités, stabilité du niveau aquatique.
Dynamique saisonnière :
Les végétations peuvent être vernales, estivales ou tardives, les végétations estivales étant les plus courantes.
Lorsque les populations de characées sont exclusives, les groupements précoces alternent avec ceux qui sont plus tardifs. Lorsque les végétations sont mixtes, le rythme annuel peut parfois comprendre trois phases : exclusivité des végétations à characées précoces puis développement des populations de characées (composant la strate aquatique inférieure) subordonnées aux végétations d’hydrophytes, puis exclusivité des végétations automnales à characées.
Dynamique générale :
Espèces plutôt pionnières, les charophycées colonisent les milieux aquatiques neufs (les anciennes zones d’extraction de sables ou graviers, les milieux régulièrement « rajeunis » tels que les fossés, certaines mares aménagées, les exploitations de tourbe...). Mais les charophycées interviennent aussi à des phases variables du développement de la végétation aquatique. Elles exercent une action accélératrice dans la formation des atterrissements et dans l’occupation progressive des zones marginales et des hauts fonds par les espèces associées des prairies hydrophiles et hygrophiles.
Dans les milieux acides, les végétations de characées occupent la strate aquatique inférieure et sont plus ou moins subordonnées aux myriophyllaies, aux potamaies de profondeur et parfois aux nymphaies. La régression des végétations à characées intervient lorsque les végétations à Jonc bulbeux (Juncus bulbosus), Élatine à six étamines (Elatine hexandra), Pilulaire à globules (Pilularia gobulifera) s’installent à la strate inférieure ou lorsque, dans les milieux moins profonds, le Trèfle- d'eau (Menyanthes trifoliata), la Potentille des marais (Potentilla palustris), les Laiches (Carex spp.), puis le Potamot à feuilles de renouée (Potamogeton polygonifolius) et l'Élodès des marais (Hypericum elodes) occupent progressivement le milieu.
Dans les milieux neutres, en eaux profondes, la strate inférieure est tout d’abord occupée exclusivement par les charophycées. Ces dernières peuvent être progressivement éliminées par les végétations à Cératophylle (Ceratophylletum) ou les potamaies d’eau profonde. Elles peuvent aussi être submergées à l’abri des myriophyllaies qui vont tendre à les faire disparaître et auxquelles succèderont les grandes potamaies, les végétations du Nymphaetum albae (ou espèces voisines), du Littorelletum lacustris et de l’Eleocharetum palustris puis les grands hélophytes. Parallèlement, le colmatage progressif des milieux permet la transition vers les charophycées de bordure auxquelles peuvent succéder les prairies à Isoètes (Isoetes sp.), Élatine à six étamines, Jonc bulbeux, Élodée du Canada (Elodea canadensis), Callitriche (Callitriche sp.) ou Fontinalis antipyretica ou encore le Littorelletum lacustris, l’Eleocharetum palustris puis les grands hélophytes.
Dans les biotopes soumis au retrait des eaux, les charophycées de milieux acides sont progressivement remplacées par une végétation liée à l’Elodeto-Sphagnetum, plus ou moins tourbeuse et dominée par les Sphaignes ; les charophycées des milieux neutres et de faible profondeur sont peu à peu envahies par les espèces du Littorelletum et de l'Eleocharetum. Certaines characées se maintiennent aussi dans les étangs en alternance : par exemple, Chara braunii se développe très bien dans les étangs avec une alternance de 3 ans en eau (poissons) pour 1 an en avoine ou luzerne avec nutriments et dans les rizières de Camargue en eau de fin avril à août/septembre, avec une récolte en assec l’hiver.
Cet habitat élémentaire ne reprend qu'une petite partie des localisations possibles des characées que l'on retrouve comme compagnes dans les communautés aquatiques du Potamion pectinati (UE 3150) : myriophyllaies, potamaies (groupements à Potamogeton lucens, P. crispus, P. perfoliatus, P. natans, P. trichoides) ; du Nymphaeion albae (Nymphaetum albae ou Nupharetum lutei, Cor. 22.431) ; dans les groupements à Châtaigne-d'eau (Trapa natans) (Cor. 22.4312).
Les communautés à characées peuvent également se trouver associées ou en contact avec :
- les végétations des bordures de plans d’eau des Littorelletea uniflorae (Eleocharitetum acicularis) ou communautés à Isoetes sp. (Isoetetum echinosporae par exemple) (UE 3110, UE 3130) ;
- les végétations du type Potamion pectinati (UE 3150) ;
- les végétations à Trèfle-d'eau (Menyanthes trifoliata) et Comaret des marais (Potentilla palustris) (Cor. 54.59) ;
- les végétations mixtes à Fontinalis antipyretica ;
- les roselières : scirpaies (Cor. 53.12), typhaies (Cor. 53.13), phragmitaies (Cor. 53.11).
L’habitat est potentiellement présent dans les milieux aquatiques d’une grande partie de la France, dans la mesure où les conditions physico-chimiques le permettent ; sa répartition précise n’est cependant pas connue. Les données ci-dessous ne sont pas exhaustives ; elles permettent, toutefois de mieux comprendre la répartition des espèces qui appartiennent parfois à plusieurs associations. Dans de nombreux départements les characées n’occupent que des stations réduites ou sont en voie de disparition.
Seule la répartition des characées apparaissant en gras à la rubrique « Espèces indicatrices du type d’habitat » est présentée ci-après ; pour les autres espèces, se reporter à la fiche 3140-1.
Chara braunii [13 (disparu), 49, 53, 66, Centre-Est (Bourbonnais, Nivernais, Morvan, Puisaye), Dombes] ;
Chara fragifera [22, 29, 35, 44, 49, 50, 53, 56, 61, 72 : taxon rare, 85 : taxon vulnérable, région atlantique] ;
Nitella capillaris [14, 22, 29, 35, 44, 49, 53, 65, 85] ;
Nitella confervacea [dispersion française embrassant surtout le centre et le nord-ouest du pays, 14, 29, 35, 44 dont lac de Grand-Lieu, 49, 53, 61, 72, 79] ;
Nitella flexilis [14, 22, 29, 35, 44 dont lac de Grand-Lieu -, 49, 50, 53, 63, 85, Nord-Pas-de-Calais, Haute- Normandie, Limousin] ; Nitella gracilis [14, 29, 44 dont lac de Grand-Lieu -, 49, 53, dispersion française sporadique et limitée au Sud-Est, à la région landaise, au centre et au Nord-Ouest] ;
Nitella hyalina [14, 29, 35, 44 dont lac de Grand-Lieu -, 49, 53, dispersion française sporadique et limitée au Sud-Est, à la région landaise, au centre et au Nord-Ouest] ;
Nitella mucronata [14, 35, 44 dont lac de Grand-Lieu -, 49, 53, 79, Alsace, Savoie, Picardie, l’espèce manque en France dans certaines régions : Sud-Ouest, Sud-Est, péninsule bretonne, peu observée dans le Massif armoricain et seulement dans les zones les plus orien- tales] ;
Nitella opaca [13, 14, 22, 29, 35, 44 dont lac de Grand- Lieu -, 49, 50, 53, 56, 61, 83, distribution française inégale surtout centre et ouest, Camargue] ;
Nitella syncarpa [14, 22, 29, 35, 44, 49, 50, 53, Nord-Pas-de-Calais, Haute-Normandie, Jura, Dombes] ;
Nitella tenuissima [13, 14, 29, 34, 35, 44, 49, 53, dispersion française sporadique et limitée au Sud-Est, à la région landaise, au centre et au Nord-Ouest, Haute-Normandie] ;
Nitella translucens [14, 22, 29, 35, 44 dont lac de Grand-Lieu, 49, 50, 53, 85, Nord-Pas-de-Calais, Haute-Normandie].
Les characées ont un rôle important dans la chaîne alimentaire des espèces herbivores au niveau des milieux aquatiques (ex. : Netta rufina, la Nette rousse). Leurs végétations sont aussi des lieux de frayère pour les poissons. Ces plantes, calcifiées, sont recherchées par les écrevisses qui en sont friandes à la période de mue.
Elles participent, à l’échelle géologique, à l’atterrissement des lacs. Certaines espèces sont indicatrices d’un milieu jeune ou de venues d’eau souterraine. De plus, les characées favorisent la diminution de la turbidité et sont utilisées dans des travaux de remise en état de certains lacs (Pays-Bas). Leur présence est généralement indicatrice d’une bonne qualité de l’eau.
Parmi les phanérogames parfois associées aux végétations à characées, certaines ont un statut de rareté régional ou national : Zanichellia palustris, Najas marina, Potamogeton trichoides, Isoetes brochonii (inclus dans Isoetes lacustris), Marsilea quadrifolia, Trapa natans, Damasonium alisma, Pilularia globulifera, Menyanthes trifoliata, Potentilla palustris...
Chara braunii et ses espèces associées des rizières et des étangs de pêche à assèchement périodique contribuent à la fertilisation « naturelle » des fonds.
Cet habitat, peu développé dans un grand nombre de régions, est très diversifié de par la nature des plans d’eau nécessaires aux characées, leur profondeur, leur clarté, leur superficie, la qualité de l’eau et le caractère temporaire ou permanent des stations. Toutes les communautés doivent être préservées.
Tendances évolutives :
Les nombreuses characées qui composent cet habitat sont souvent dans une situation de rareté et de vulnérabilité et de multiples stations citées dans la littérature ont déjà disparu.
Menaces potentielles :
Les characées, espèces pionnières, s'effacent peu à peu avec l'installation, la concurrence accrue des végétations de phanérogames aquatiques (myriophyllaies, cératophyllaies, potamaies diverses, etc.) ou l’évolution naturelle des milieux par comblement progressif. Cette disparition est accrue par : la réduction de leurs habitats (changement dans la régulation des niveaux d’eau, drainage, assèchement, piétinement...), l'action de certains agents de pollution des eaux (engrais, herbicides : la plupart des characées ne supportent pas des concentrations de phosphates dépassant 0,02 mg/l), le chaulage des plans d’eau à des fins piscicoles, l’augmentation de la concentration en nutriments et la diminution de la transparence.
Les characées en elles-mêmes n’ont pas de potentialités de production, mais leur milieu de vie présente d’intéressantes potentialités, comme évoqué dans la rubrique « Valeur écologique et biologique ». Cet habitat se développe parfois dans des milieux d’intérêt économique ou de loisirs : étangs de pêche, bases de loisirs nautiques… ; son maintien doit nécessiter concertation et délimitation de secteurs d’utilisation par chacun des usagers de ces milieux lorsque cela est possible.
La flore et les végétations de characées restent relativement peu étudiées, la majorité des travaux concerne le nord et l'ouest de la France.
Il faudrait entreprendre une cartographie exhaustive de la répartition des espèces et étude diachronique de cette répartition, en lien avec la gestion des zones humides, l’ouverture de nouveaux milieux ; continuer et diversifier les études concernant les mesures de restauration des milieux d’accueil des characées.
Bensettiti F., Gaudillat V. & Haury J. (coord.), 2002. « Cahiers d’habitats » Natura 2000. Connaissance et gestion des habitats et des espèces d’intérêt communautaire. Tome 3 - Habitats humides. MATE/MAP/MNHN. Éd. La Documentation française, Paris, 457 p. + cédérom. (Source)