4010-1 - Landes humides atlantiques septentrionales à Bruyère à quatre angles

Liste hiérarchisée et descriptifs des habitats des Cahiers d'habitats

Caractéristiques stationnelles

Landes humides secondaires atlantiques et subatlantiques, présentes en France de l’étage planitiaire à collinéen.
Elles occupent des positions topographiques variées : en bas de versant au niveau d’écoulements telluriques (sources, suintements), dans des dépressions humides, sur des replats ou en bordure d’étang.
Elles se développent sur des substrats oligotrophes acides (pH  4,5) : il peut s’agir de roches massives siliceuses, de sables alluvionnaires décalcifiés ou de sables siliceux, ou encore de placages d’argile à silex ou de limons.
Le sol, généralement un podzol à gley ou pseudogley, parfois un sol peu évolué de type ranker, présente une hydromorphie peu profonde à moyenne.
La nappe, alimentée par des eaux pauvres en éléments minéraux, est permanente ou temporaire. Elle peut être stable ou connaître des fluctuations saisonnières avec des phases d’inondation puis d’assèchement et de minéralisation superficiels.
Ces landes peuvent ainsi s’établir soit directement sur des substrats minéraux, soit sur des horizons paratourbeux (humus brut de type hydromor), soit encore sur un dépôt peu épais de tourbe.

Variabilité

Variations selon le niveau hydrique :
Les landes les plus humides, caractérisées par la présence de Sphaignes mésohygrophiles pouvant avoir une faible activité turfigène, s’établissent lorsque le substrat est gorgé d’eau. Il se forme des landes tourbeuses lorsque cet engorgement est permanent et qu’un fin dépôt holorganique (tourbe) se forme, ou paratourbeuses lorsque le substrat connaît un assèchement temporaire conduisant à une minéralisation lente de la matière organique. Les landes humides moins hygrophiles sont dépourvues de Sphaignes et les éricacées, notamment la Callune et la Bruyère cendrée (Erica cinerea), voient leur contribution spécifique augmenter à mesure de l’assèchement.

Variations selon la position biogéographique :
Des confins de la Normandie au nord de la France se développent des communautés humides nord-atlantiques à Callune, Bruyère à quatre angles et Ajonc d’Europe (Ulex europaeus) [Calluno vulgaris-Ericetum tetralicis].
À l’est du Massif armoricain, jusqu’en Normandie et dans le Bassin parisien occidental, on rencontre des communautés à Ajonc nain et Bruyère à quatre angles [Ulici minoris- Ericetum tetralicis].
Les landes humides de la Brenne, du Maine et de l’ouest de la Sologne, ainsi que celles du Poitou, qui se trouvent sous climat atlantique plus thermophile, se caractérisent par la présence simultanée de la Bruyère à quatre angles et de la Bruyère à balai [Scopario-Ericetum tetralicis].

Physionomie, structure

Ces landes hygrophiles, dominées par des chaméphytes (Bruyères, Callune) et des nanophanérophytes (Ajoncs), se caractérisent par la présence de la Bruyère à quatre angles, définissant leur caractère humide, et l’absence de la Bruyère ciliée qui caractérise les régions océaniques tempérées. La Molinie, toujours présente et parfois abondante, peut imprimer à ce milieu une physionomie herbeuse. Ces landes sont plutôt basses, voire rases (0,25 à 0,5 m de hauteur), mais peuvent être plus hautes dans les vieilles landes humides colonisées par la Callune (jusqu’à 1-1,5 m) ou lorsque la Bruyère à balai est présente et forme une lande humide à Brande (jusqu’à plus de 2 m). Dans les stations les plus humides, les Sphaignes peuvent former un tapis plus ou moins continu mais leur présence n’est pas systématique. Il s’agit alors d’espèces mésohygrophiles (Sphagnum compactum, S. tenellum et S. denticulatum généralement) dont l’activité turfigène, lorsqu’elle existe, reste toujours modérée.

Confusions possibles

Des confusions sont possibles :
- avec les landes humides atlantiques tempérées (UE 4020*) : celles-ci possèdent une physionomie et un fond floristique similaires, mais se distinguent par la présence d’Erica ciliaris indiquant le caractère océanique tempéré de ces landes ;
- avec les landes mésophiles (UE 4030 p.p.) : celles-ci, très souvent en contact étroit (marges) avec les landes humides, s’en distinguent par l’absence d’Erica tetralix, caractéristique des landes hygrophiles ;
- avec les habitats de tourbières acides (notamment UE 7110* et UE 7120) : confusion possible dans la mesure où la « limite » entre la lande tourbeuse et la tourbière est toujours très graduelle et qu’un continuum s’établit généralement entre ces milieux. Les landes dans lesquelles la proportion des chaméphytes et nanophanérophytes diminue, dans lesquelles les Sphaignes se diversifient, ont un recouvrement important et une activité turfigène notoire, et dans lesquelles la proportion des espèces caractéristiques des tourbières augmente, sont à rattacher aux habitats de tourbières et non aux landes humides.

Dynamique

Il s’agit essentiellement de landes régressives issues de défrichements anthropiques anciens. La plupart, en l’absence d’entretien, subissent une dynamique progressive de colonisation par les ligneux. Elles évoluent alors, lentement, vers des fourrés préforestiers de Bourdaine (Frangula alnus), de Saules (Salix acuminata, Salix aurita), de Bouleau pubescent (Betula alba) dans les systèmes perturbés, et peuvent se voir colonisées par les Pins (Pinus sylvestris et Pinus pinaster principalement) si des porte-graines se trouvent à proximité. Les landes humides âgées contiennent une plus forte proportion de Callune et de Bruyère cendrée qui voient leur contribution spécifique augmenter à mesure du vieillissement de la lande, alors que les espèces plus hygrophiles (notamment Erica tetralix et les Sphaignes) régressent.
La fauche régulière ou le pâturage, ainsi que les feux courants naturels ou provoqués, peuvent bloquer cette évolution progressive et maintenir l’habitat dans un état de conservation favorable. Des phénomènes naturels d’évolution régressive peuvent apparaître par dénudation du sol par les mammifères (les Sangliers, Sus scrofa, notamment), entraînant une ouverture du tapis végétal et la régénération des faciès pionniers (cf. fiche UE 7150 « Dépressions sur substrats tourbeux »).

Habitats associés ou en contact

Ces landes humides se trouvent souvent associées à d’autres habitats - notamment aux tourbières et aux landes « sèches » - avec lesquels elles constituent des complexes en mosaïques. Les limites entre ces habitats sont souvent assez peu distinctes (effet de continuum). Les habitats associés les plus caractéristiques sont :
- les landes « sèches » (UE 4030) ;
- les tourbières hautes (UE 7110*, UE 7120) ;
- les bas-marais acides (Cor. 54.4) et les tourbières de transition (UE 7140) ;
- les dépressions sur substrats tourbeux (Rhynchosporion albae) (UE 7150) ;
- les boulaies à Sphaignes (UE 91D0*) ;
- les moliniaies acidiphiles (UE 6410) ;
- les prairies à Jonc rude et les pelouses humides à Nard raide (Nardus stricta) (Cor. 37.32).

Répartition géographique

Ces landes se développent sur une grande partie du domaine atlantique, notamment en Basse et Haute-Normandie, en Picardie, dans le Nord-Pas-de-Calais, en Île-de-France, dans le Centre, les Pays-de-la-Loire, le Limousin et le Poitou.

Exemples de sites avec l’habitat dans un bon état de conservation :
Landes de Lessay (Manche), Sologne, plateau de Millevache.

Valeur écologique et biologique

Les landes humides septentrionales, tout comme leurs homologues vicariantes des régions océaniques sous climat plus tempéré, sont en déclin dans l’ensemble de leur aire de distribution. Elles aussi abritent des communautés animales et végétales souvent rares et menacées, spécialisées, adaptées à des contraintes environnementales pouvant être fortes (acidité, oligotrophie, humidité élevée pouvant contraster avec des phases de sécheresse). Citons le Spiranthe d’été (Spiranthes aestivalis), les Rossolis (Drosera rotundifolia et Drosera intermedia) ou encore le Lycopode inondé (Lycopodiella inundata) dans les zones mises à nu.

États de conservation

Privilégier les stades humides, ouverts, possédant une végétation basse à rase (sauf dans les landes à Brande, plus hautes), dans lesquels le cortège des espèces indicatrices de l’habitat est bien représenté. Les landes humides âgées sont appauvries et caractérisées par le fort recouvrement de la Callune, parfois par l’intrusion d’espèces ligneuses arbustives. Les landes humides très riches en Molinie et dans lesquelles le cortège d’espèces caractéristiques est appauvri constituent également des faciès d’un moindre intérêt écologique mais pouvant être restaurés.

Tendances et menaces

Autrefois exploitées de manière artisanale et raisonnée pour les nombreuses ressources naturelles qu’elles offraient (litière, fourrage, pâture), la plupart des landes humides ont été abandonnées avec la déprise agricole. En l’absence d’entretien, cet habitat évolue spontanément vers des formations de landes mésophiles ou vers des fourrés préforestiers, cette évolution s’accompagnant de la perte de biocénoses patrimoniales. Parallèlement à leur abandon, de nombreuses landes ont fait - et font encore - l’objet de mise en culture ou de boisement, généralement précédés de drainage, d’apports d’amendements ou de travaux du sol, qui ont entraîné la destruction irréversible de plusieurs milliers d’hectares de landes humides. Cet habitat est donc en régression du fait, soit de son abandon, soit de son exploitation à des fins sylvicoles ou agricoles. Enfin, notons que les « feux d’humus » (incendies avec combustion profonde) peuvent entraîner la destruction irréversible de la lande en favorisant le développement de la Molinie au détriment des éricacées.

Potentialités intrinsèques de production

Mise en valeur difficile, en raison tant de l’hydromorphie du sol, que de son acidité et de son oligotrophie. Les tentatives de boisement ont démontré leur inanité économique car elles doivent s’accompagner de travaux préalables d’assainissement (onéreux) et la production reste très médiocre. En revanche, cet habitat peut être valorisé dans le cadre de filières agricoles traditionnelles extensives. Ces landes humides peuvent être fauchées et fournir des produits pouvant servir de litière ou de fourrage pour le bétail, de matière première pour la production de compost ou d’amendement organique, pour le paillage des haies, des légumes... Des filières plus expérimentales sont actuellement à l’essai, comme, par exemple, l’utilisation des produits de fauche de lande, en mélange à du lisier, pour la fabrication de compost.

Axes de recherche

Préciser les limites de l’aire de distribution de cet habitat et l’extension des irradiations dans les régions limitrophes.
Préciser la position de cet habitat, notamment des faciès tourbeux ou paratourbeux, au sein de la nomenclature phytosociologique.
Développer des recherches concernant le matériel utilisable pour la fauche et le débroussaillement : concevoir notamment des outils assurant fauche et conditionnement simultané de la matière végétale (aspiration -) et préservant le sol (problématique limitée aux landes les plus humides).
Développer des recherches sur les débouchés et la valorisation des produits de fauche de landes.
Préciser les conditions dans lesquelles la gestion conservatoire des landes humides peut être intégrée dans les systèmes de production agricole, et favoriser ce type d’intégration le cas échéant.
Étudier les effets à long terme du pâturage sur ces milieux.

Fiche du cahier d'habitats (format pdf)
Bibliographie

 Bensettiti F., Gaudillat V. & Haury J. (coord.), 2002. « Cahiers d’habitats » Natura 2000. Connaissance et gestion des habitats et des espèces d’intérêt communautaire. Tome 3 - Habitats humides. MATE/MAP/MNHN. Éd. La Documentation française, Paris, 457 p. + cédérom. (Source)