La ZNIEFF du Pic Coudreau du Sud (type 1) se situe à l’extrême sud-ouest de la Guyane, aux sources de la rivière Marouini. Elle s’inscrit dans la région des monts Tumuc-Humac et dans la continuité des massifs du Mitaraka et du Tchoukouchipann, caractérisés par leurs affleurements granitiques sous forme de dômes et de dalles rocheuses.
Il s’agit ici d’un très haut inselberg comprenant un dôme et un piton émergeant verticalement sur plusieurs centaines de mètres du couvert forestier environnant. Ces falaises impressionnantes lui confèrent un caractère tout à fait remarquable et original sur le plan paysager.
Les inselbergs résultent de l’affleurement de roches granitiques très anciennes (2,8 milliards d’années) formant le socle du Bouclier des Guyanes s’étendant du Venezuela à l’Amapa. L’ensemble des savanes-roches de cette région constitue de véritables systèmes insulaires, refuges d’espèces présentes sous la forme de populations isolées et relictuelles, témoignant de phases climatiques sèches anciennes. Les peuplements isolés les uns des autres par le massif forestier peuvent ainsi présenter des originalités propres à chaque inselberg ou groupe d’inselbergs ; différences pouvant s’observer même entre des sites proches.
Les formations liées aux affleurements granitiques vont de la forêt basse de transition à la savane-roche proprement dite. En plus des milieux liés aux inselbergs, la zone regroupe divers écosystèmes forestiers allant de la forêt submontagnarde sommitale et la forêt dense et haute de basse altitude, jusqu’aux forêts marécageuses et ripicoles des vallées alluvionnaires.
En effet, il faut souligner ici qu’il s’agit d’une des rares régions de Guyane (avec le mont Saint Marcel de la haute Camopi, la Roche Koutou, les massifs des Emérillons-Monts Bakra et des Mitarakas) présentant des reliefs granitiques suffisamment élevés (supérieur à 500 m) pour abriter une forêt submontagnarde, plus fréquente généralement en Guyane sur le haut des reliefs tabulaires de roches basiques et cuirasses latéritiques.
Parmi les 180 taxons végétaux identifiés sur cette ZNIEFF, une vingtaine sont des espèces déterminantes témoignant de la qualité des habitats en Guyane et 14 sont des espèces remarquables, très rares ou nouvelles pour la Guyane, comme par exemple la fougère épiphyte Serpocaulon panorense (Polypodiaceae).
Les savanes-roches de la ZNIEFF couvrent au total une cinquantaine d’hectares. Celle précisément inventoriée, de faible superficie, est presque intégralement couverte de la rare Bromeliaceae protégée Pitcairnia geyskesii. Se trouvent également dans la strate herbacée de cette savane-roche des orchidées terrestres comme Cyrtopodium andersonii. Dans les groupements arbustifs est localisée une petite population de Calathea mansonis (Marantaceae), extrêmement rare en Guyane. En lisière de la savane-roche et dans les fourrés se distinguent plusieurs espèces déterminantes : Anemia villosa (Anemiaceae), Ficus cremersii (Moraceae), Mandevilla surinamenis (Apocynaceae) et Calliandra surinamensis (Fabaceae). Enfin l’ agave Furcraea foetida (Agavaceae) est présent sur les savanes-roches du Pic Coudreau.
En ce qui concerne la faune, quelques espèces déterminantes et caractéristiques des savanes-roches sont présentes : tangara à galons rouges (Tachyphonus phoenicius), Leptodactylus longirostris et Leptodactylus myersi (Leptodactylidae). Une nouvelle espèce d’oiseau pour la Guyane française a également été capturée dans cet habitat : ermite d’Auguste (Phaethornis augusti).
Les forêts basses de transition sont principalement développées sur les lisières des zones rocheuses ainsi que dans les zones pentues à sol peu épais. Ces formations sont caractérisées par l’absence de gros arbres, un sous-bois dense et de nombreuses épiphytes. Deux petits arbres rares mais non déterminants sont abondants dans ce type d’habitat : Myrciaria tennella (Myrtaceae) et Actinostemon scomburgkii (Euphorbiaceae). Les orchidées sont particulièrement abondantes dans ce type de biotope. Batemannia armillata (Orchidaceae) est une espèce rare en Guyane et déterminante. Une nouvelle espèce de grenouille, inconnue pour la science et déjà repérée dans le sud-ouest de la Guyane, a été capturée dans ces forêts de transition : Pristimantis sp. nov. (Strabomantidae).
Les forêts hautes drainées sont bien représentées dans cette zone de relief et sont caractérisées par la dominance des Burseraceae, Mimosoideae et Vochysiaceae. Quelques arbres déterminants sont présents dans cet habitat : Tovomita gazelii (Clusiaceae), Huberodendron swietenioides (Fabaceae), Dicorynia guianensis (Fabaceae). Sur les dalles granitiques des ravins enciassés, on trouve une importante population d’Ananas ananassoides (Bromeliaceae) ainsi que Chrysothemis pulchella (Gesneriaceae). Sorocea muriculata subsp. uaupensis (Moraceae), dont il s’agit de la deuxième localité connue en Guyane, pousse également à proximité des petits cours d’eau. Dans ces petits cours d’eau de forêt drainée ont été détectés deux vertébrés déterminants : Otophryne pyburni (Microhylidae), Neusticurus rudis (Gymnophtalmidae). L’avifaune de ces forêts hautes est caractérisée par un cortège d’espèces déterminantes assez classiques : amazone de Dufresne (Amazona dufresniana), tangara cyanictère (Cyanicterus cyanicterus), tamatia à gros bec (Notharchus macrorhynchos), coracine chauve (Perissocephalus tricolor), toucanet koulik (Selenidera culik). Ces forêts méridionales abritent également de belles populations de primates dont le saki satan (Chiropotes chiropotes). Plusieurs espèces d’amphibiens et de reptiles déterminants ont été inventoriées dans ces habitats forestiers : Leptodactylus heyeri (Leptodactylidae), Rhinella martyi (Bufonidae), Dendrobates tinctorius (Dendrobatidae), Tretioscincus agilis (Gymnophtalmidae)
Les forêts sommitales d’inselberg, d’altitude supérieure à 500 m, constituent des habitats remarquables pour ce secteur. Ces formations végétales n’ont pas été étudiées mais deux espèces de manioc sauvage manihot (Euphorbiaceae) y poussent. Ces espèces natives sont déterminantes et présentent un grand intérêt agronomique en tant que ressource génétique originaire des maniocs cultivés.
Des falaises et de grandes roches en sous-bois constituent également un habitat original bien développé. Sur ces parois se développent des plantes très rares en Guyane du fait de leur écologie très exigeante : Pitcairnia sastrei (Bromeliaceae) et Lembocarpus amoenus (Gesneriaceae). Le très rare Costus lasius (Costaceae) a également été détecté dans ce type d’habitat, plus précisément en pied de falaise. Au niveau de la faune, la moucherolle hirondelle (Hirundinea ferruginea) fréquente la savane-roche et est probablement bien implantée sur les grandes parois du pic. Le coq-de-roche orange (Rupicola rupicola) a été observé dans le secteur à plusieurs reprises et utilise les gros chaos rocheux pour sa reproduction.
Des forêts marécageuses et ripicoles sont également présentes au sein de cette ZNIEFF mais n’ont pas été spécifiquement prospectées. Toutefois, des populations relativement abondantes de la très rare Araceae terrestre Philodendron werkhoveniae ont été découvertes en bord de petite crique et peuvent être rattachées à ce type d’habitat. De même, plusieurs amphibiens déterminants ont été repérés dans une pinotière : Pipa aspera (Pipidae), Hypsiboas dentei (Hylidae), Dendropsophus sp. 1 (Hylidae)
Le cortège de chiroptères fréquentant la zone est probablement riche vue la diversité des habitats ainsi que la présence de nombreux gîtes rocheux potentiellement favorables à l’installation de colonies d’espèces cavernicoles rares. A l’issue des premiers inventaires chiroptérologiques réalisés dans ce secteur, une espèce déterminante a été détectée : Lionycteris spurelli.
Cette ZNIEFF est désormais mieux connue sur le plan de son intérêt biologique et son potentiel est élevé à l'image des autres inselbergs étudiés dans le sud-ouest de la Guyane.
Enfin, l'éloignement de la zone de toute installation humaine et, donc, de pression de chasse importante, permet aux grands vertébrés d'y avoir des populations préservées, ce qui est notamment le cas pour l’atèle (Ateles paniscus), le tapir (Tapirus terrestris) ainsi que pour les grands oiseaux : hocco alector (Crax alector), pénélope marail (Penelope marail), agami trompette (Psophia crepitans).
Ce site remarquable bénéficie de la protection du Parc Amazonien de Guyane.
La ZNIEFF du pic du Coudreau est délimitée comme suit :
N : La limite nord suit la crique Alama du point A au point B, puis emprunte une ligne droite reliant les points B à C et enfin longe la crique Malani Ouest jusqu’à sa confluence avec un affluent en rive droite (point D).
E et S : A l’Est et au Sud, la ZNIEFF est délimitée par la crique Malani Ouest jusqu’à sa source (point E).
W : La limite ouest emprunte une ligne droite reliant les points E et F, source de la crique Alama, puis longe la crique Alama pour rejoindre le point A.
Coordonnées des points mentionnés (WGS84, UTM 22 nord):
A (125457m; 251435m) - B (129839m; 250655m) - C (130895m; 250593m) - D (134250m; 249264m) - E (126395m; 248259m) - F (126037m; 249374m)