ZNIEFF 220004972
BAIE DE L'AUTHIE

(n° régional : 80LIT101)

Commentaires généraux

DESCRIPTION

L’estuaire de l’Authie appartient aux estuaires de type picard, à savoir que la partie sud appelée "poulier", est en extension vers le nord par sédimentation (le cordon dunaire de la « Pointe de Routhiauville » marque une avancée rapide) alors que le rivage au nord, appelé "musoir" est fortement érodé (pointe du Haut-Banc et dunes voisines). Cette baie couvre environ 1 300 hectares d’estran (zone intertidale). Elle est soumise à un comblement progressif, phénomène spontané, qui a été toutefois fortement accéléré par l’homme (poldérisation ...).

Il présente, à marée basse, de très grandes étendues sablo-vaseuses sans végétation, qui correspondent à la basse slikke, domaine recouvert à chaque marée quelle que soit l’amplitude de la marée. Au dessus du niveau moyen des marées (= niveau de la haute slikke), lorsque l’émersion biquotidienne dépasse six heures, certains végétaux arrivent à s’implanter. En particulier, les salicornes de diverses espèces s’installent et la Spartine anglaise joue un rôle important dans la fixation des sédiments. La limite supérieure de la slikke correspond au niveau supérieur des marées de morte-eau.

Les mollières, nom local du schorre (= prés salés), ne sont recouvertes que par les marées de vives-eaux, ce qui permet le développement d’un tapis végétal dense. Elles forment une terrasse alluviale résultant de l’accumulation intensive de sédiments d’origines fluviale et marine. De nombreux marigots ravivent le schorre, s’emplissent à marée haute et se vident dans la première heure du ressac. Le schorre est émaillé d’un grand nombre de mares creusées pour la chasse à la hutte. Un pâturage par des moutons est organisé.

Les groupements végétaux sont nombreux, parmi lesquels :

- la prairie halophile pionnière à Spartine anglaise du Spartinetum anglicae ;

- différentes végétations halophiles pionnières à salicornes des Thero-Salicornietalia (dont Salicornietum fragilis et Astero tripolium-Suaedetum maritimae) ;

- la prairie halophile à Glycérie maritime de l’Halimiono portulacoidis-Puccinellietum maritimae ;

- la prairie halophile à Plantain maritime et Lilas de mer du Plantagini maritimi-Limonietum vulgaris ;

- le pré salé à Obione faux-pourpier du Bostrichio-Halimionetum portulacoidis, menacé par un pâturage trop intensif ;

- la prairie halophile de haut de schorre à Fétuque littorale du Festucetum littoralis ;

- la prairie saumâtre à Jonc de Gérard du Limonio vulgaris-Juncetum gerardii ;

- la prairie saumâtre à Laîche distante de l’Agrostio-Caricetum vikingensis ;

- le pré à Laîche étirée du Junco maritimae-Caricetum extensae ;

- diverses communautés végétales annuelles halonitrophiles des Cakiletalia integrifoliae.

L’estuaire de l’Authie entretient des relations fonctionnelles avec les milieux alentours que sont les dunes et les prairies poldérisées.

INTERET DES MILIEUX

Ce site présente des groupements végétaux, une flore et une faune d’intérêt de niveau européen. En particulier, les estuaires, les végétations annuelles des Thero-Salicornietea, les végétations annuelles des laisses de mer, des Cakiletea maritimae, et les prés salés du Spartinion maritimae et de l’Asteretea tripolii, sont inscrits à l’annexe I de la directive "Habitats" de l’Union Européenne.

La baie d’Authie constitue un espace d’une productivité biologique intense qui explique l’abondance des animaux : invertébrés (annélides, mollusques bivalves et gastéropodes, crustacés), poissons, oiseaux,...

L’intérêt de ce site est reconnu par de nombreux inventaires et mesures de protection : Zone d’Importance Communautaire pour les Oiseaux (ZICO), zone humide d’intérêt international inscrite à la convention de Ramsar, site classé...

INTERET DES ESPECES

Avifaune :

La baie d’Authie présente des potentialités d’accueil vis à vis des oiseaux d’eau qui tiennent essentiellement à une productivité biologique très forte des espaces intertidaux et à sa position sur la grande voie atlantique de migration de l’ouest-paléarctique. Ainsi, elle constitue une halte migratoire pour la plupart des espèces d’oiseaux d’eau, qui transitent par le littoral picard. Elle offre une importance particulière pour :

- le Tadorne de Belon (Tadorna tadorna), qui y hiverne en grand nombre régulièrement (effectifs compris entre 1 200 et 2 000 individus) et qui y élève partiellement ses jeunes (jusqu’à 150 juvéniles environ les meilleures années) ;

- l’Huîtrier-pie (Haematopus ostralegus), qui hiverne en grand nombre (de l’ordre de 2 000 individus avec un record absolu de 4 300 en 1996) ;

- le Bécasseau variable (Calidris alpina), dont les effectifs hivernants sont étonnamment fluctuants, mais qui peuvent atteindre 1 000 à 2 000 individus, avec un maximum de 2 800 individus en 1996 ;

- le Bécasseau sanderling (Calidris alba), qui est parfois particulièrement abondant en avril-mai, avec des effectifs pouvant dépasser le millier d’individus (maximum de 1 300 individus) ;

- le Bécasseau maubèche (Calidris canutus), dont les effectifs peuvent avoisiner les 500 individus au mois de mai ;

- le Bécasseau minute (Calidris minuta), surtout observé au passage post-nuptial (quelques dizaines d’individus en général) ;

- les Chevaliers gambette (Tringa totanus), aboyeur (T. nebularia) et arlequin (T. erythropus), qui y font surtout des escales prolongées lors de la migration prénuptiale (avec des effectifs records dépassant 500 individus pour le gambette, 280 pour l’aboyeur et environ 50 pour l’arlequin) ;

- le Pluvier argenté (Pluvialis squatarola), avec plusieurs centaines d’individus en mai ;

- le Grand Gravelot (Charadrius hiaticula), avec des effectifs pouvant atteindre ou dépasser 500 individus lors des deux passages ;

- le Gravelot à collier interrompu (Charadrius alexandrinus), avec quelques couples reproducteurs (maximum de 7 à 8 en 1996) ;

- la Barge rousse (Limosa lapponica), avec quelques centaines d’individus fin avril ou début mai.

Par ailleurs, la baie d’Authie est un lieu d’hivernage pour quatre passereaux nordiques remarquables :

- la Linotte à bec jaune (Carduelis flavirostris), hivernante régulière et abondante (maximum observé : 400 individus) ;

- l’Alouette hausse-col (Eremophila alpestris), régulière ;

- le Bruant des neiges (Plectrophenax nivalis), assez régulier ;

- le Bruant lapon (Calcarius lapponicus), occasionnel.

Elle est enfin survolée chaque automne par des centaines de milliers de passereaux (Pinsons des arbres, Alouettes des champs..., et des espèces beaucoup plus rares) ainsi que par des centaines de rapaces (Eperviers d’Europe en particulier), en migration active.

Les eaux du chenal, riches en invertébrés aquatiques, peuvent être exploitées occasionnellement par la Spatule blanche (Platalea leucorodia).

Mammifère :

Le Phoque veau-marin (Phoca vitulina) est observé occasionnellement en baie d’Authie.

Flore :

On observe la flore inféodée aux communautés végétales du site (végétation annuelle à salicornes des vases salées, végétation vivace pionnière à Spartine, végétation annuelle halonitrophile des laisses de mer et végétation hémicryptophytique des prairies salées), comprenant les espèces suivantes :

- le Jonc maritime (Juncus maritimus), très rare en Picardie ;

- l’Atropis maritime (Puccinellia maritima), également très rare ;

- le Troscart maritime (Triglochin maritimum), exceptionnel en Picardie ;

- le Jonc de Gérard (Juncus gerardii), rare en Picardie ;

- l’Aster maritime (Aster tripolium), très rare en Picardie ;

- le Caquillier maritime (Cakile maritima), qui se développe sur les laisses de mer ;

- le Pourpier de mer (Honckenya peploides), très rare en Picardie ;

- le Statice commun ou Lilas de mer (Limonium vulgare), qui fait l’objet de cueillettes réglementées.

L’importante particularité de la baie d’Authie est la présence de l’Obione pédonculée (Halimione pedunculata*), espèce protégée et en danger au niveau national, qui se trouve, ici, sur sa seule station picarde. Cette espèce nordique ne s’observe sur toute la France que sur quatre stations. En baie d’Authie, elle semble avoir le comportement d’une plante à éclipses (disparition pendant plusieurs années, puis réapparition).

FACTEURS INFLUENCANT L’EVOLUTION DE LA ZONE

- Le comblement progressif de la baie menace le maintien de sa productivité, de sa richesse naturelle et des activités économiques et/ou de loisirs qui l’exploitent.

- Un refuge important pour les oiseaux d’eau est fourni par la réserve sur le Domaine Public Maritime, lequel offre, à quelques espèces de limicoles (en particulier l’Huîtrier-pie), de vastes gagnages.

- Les potentialités d’accueil de la baie d’Authie s’expriment de façon variable, d’une part en fonction de la sensibilité des espèces vis à vis des dérangements humains et, d’autre part, en fonction de la période de l’année (les pressions de dérangement sont maximales quand se conjuguent fréquentation touristique et pratique de la chasse).

N.B. : les espèces végétales dont le nom latin est suivi d’un astérisque sont légalement protégées.

Commentaires sur la délimitation

Le site correspond à l'estuaire de l'Authie, comprenant des vasières (slikke), des prés salés (schorre) et des secteurs sableux. Il est limité au sud par les prairies poldérisées (également en ZNIEFF de type I : polders du sud de la baie d'Authie) et les dunes du Marquenterre (également en ZNIEFF de type I : massif dunaire du Marquenterre entre la baie d'Authie et la baie de Somme), à l'ouest par la courbe isobathe d'altitude "0" et au nord et à l'est, par la limite avec la région Nord/Pas-de-Calais.