ZNIEFF 220013786
PAYS DE BRAY

(n° régional : 60PDB201)

Commentaires généraux

DESCRIPTION

Le Pays de Bray est singularisé par son originalité géomorphologique reconnue au niveau international. L'anticlinal du Bray s'est formé lors de l'orogenèse alpine, au Tertiaire. Le Bray atteignait probablement, il y a quelques dizaines de millions d'années, plusieurs centaines de mètres d'altitude. L'érosion a progressivement dégagé le cœur de l'anticlinal, générant cette "boutonnière", ou anticlinal évidé.

Les affleurements géologiques du Secondaire concernent des terrains crétacés et jurassiques, avec, de haut en bas de la "fosse" brayonne :

- les craies santonienne et coniacienne, sur la cuesta septentrionale au sud de Beauvais ;

- la craie marneuse turonienne qui sous-tend la cuesta méridionale ;

- la craie cénomanienne permettant la culture au pied de la cuesta ;

- les gaizes, argiles et sables verts de l'Albien ;

- les argiles barrémiennes ;

- les sables et grès wealdiens, comprenant des niveaux d'argiles réfractaires, essentiellement boisés ;

- le sables, grès, argiles et marnes du Portlandien ;

- les calcaires lithographiques portlandiens, de plus en plus valorisés par les emblavements ;

- les argiles noires kimméridgiennes, au nord de Gournay-en-Bray.

Pour l'essentiel, les sols développés sur les argiles, les marnes et les sables sont le siège des activités d'élevage et de sylviculture.

La craie turonienne, plus marneuse sur la cuesta sud, génère des conditions pédologiques plus hygrophiles, accentuées par l'orientation fraîche de la côte vers le nord-est. Cette cuesta sud apparaît ainsi comme un îlot de milieux à affinités submontagnardes, étiré sur plusieurs dizaines de kilomètres, unique en Picardie. Elle s'individualise également comme un corridor biologique, permettant des invasions de plantes vers l'ouest ou l'est, qui y trouvent leurs limites d'aire méridiennes.

Les conditions climatiques atlantiques sont bien marquées : précipitations élevées, nombreux jours de pluie, notamment sur les crêtes (237 m au Signal de Courcelles, près de Savignies) plus arrosées, et douceur des températures. L'origine même du mot "bray" ("boue" en celte) exprime ces caractéristiques d'humidité.

Il en résulte la présence de milieux très précieux, voire uniques en Picardie, ultimes irradiations d'une influence atlantique bien marquée :

- landes à Bruyère à quatre angles (Erica tetralix) et à Ajonc nain (Ulex minor) ;

- prairies paratourbeuses acides du Juncion acutiflori ;

- pelouses sableuses à Gaillet de Harz (Galio saxatile-Festucetum filiformis) et à Nard raide (Nardus stricta) ; pelouses à Jonc squarreux (Juncion squarrosi) ;

- aulnaies à Osmonde et à Blechne en épi (Blechno-Alnetum), comprenant de nombreuses sphaignes ;

- cariçaies (Caricion ripario-acutiformis, Caricenion rostratae), notamment près de l’Avelon ;

- chênaies sessiliflores sur sables podzoliques (Mespilo germanici-Quercetum petraeae) et chênaies pédonculées / boulaies pubescentes à Sorbier des oiseleurs et à Myrtille (Sorbo aucupariae-Quercetum roboris subass. vaccinietosum myrtilli) ;

- boisements de Chênes pédonculés et de bouleaux à Molinie (Querco roboris-Betuletum pubescentis), sur sables hydromorphes.

Les activités d'élevage ont façonné les paysages remarquables du Bray humide. Le bocage, largement anthropique, constitue un bel exemple d'adaptation aux contraintes du milieu. Il reste encore assez bien conservé dans les secteurs périphériques des forêts acides, sur les terres les plus ingrates.

INTERET DES MILIEUX

Les landes humides à Bruyère à quatre angles (Erica tetralix) et à Ajonc nain (Ulex minor) (alliance de l'Ulicion minoris, association de l'Ulici minoris-Ericetum tetralicis) ; les prairies oligotrophes sèches (Nardo-Galion) ou humides (Juncion squarrosi) ; les boisements acides (Quercion robori-petraeae, dont le Querco-Betuletum pubescentis molinietosum) ; les mares et les aulnaies tourbeuses acides (Alno-Ulmion, dont le Blechno-Alnetum et le Carici elongatae-Alnetum) et les prairies de fauche (Arrhenaterion elatioris) sont des milieux rares et menacés en Europe et sont inscrits à la directive "Habitats" de l'Union Européenne.

Ils abritent de très nombreuses espèces végétales et animales rares et menacées.

Les abords de l'Avelon et des autres ruisseaux comportent également des milieux humides intéressants, refuges pour des espèces rares.

La structure bocagère est particulièrement favorable notamment à l'avifaune et à la batrachofaune.

Les populations d'amphibiens comptent parmi les plus importantes de Picardie, favorisées par le réseau de mares, sans équivalent en Picardie en dehors de la Thiérache.

Globalement, cette juxtaposition de milieux, présentant divers degrés d'acidité et d'humidité, utilisés soit à des fins sylvicoles, soit à des fins d'élevage, permet l'expression d'une biodiversité exceptionnelle en Picardie.

INTERET DES ESPECES

Flore

De nombreuses espèces assez rares à exceptionnelles sont présentes dans cet ensemble, dont nous ne citerons que les plus remarquables :

Espèces des landes, prairies et pelouses acidophiles :

- la Bruyère à quatre angles (Erica tetralix*) ;

- la Linaigrette à feuilles étroites (Eriophorum polystachion*) ;

- le Gaillet de Harz (Galium saxatile*) ;

- le Jonc squarreux (Juncus squarrosus*) ;

- l'Ajonc nain (Ulex minor*) ;

- le Nard raide (Nardus stricta*) ;

- la Véronique en écus (Veronica scutellata*) ;

- le Carum verticillé (Carum verticillatum) est exceptionnel et ses stations brayonnes atteignent ici leur limite d'aire absolue vers l’est en Picardie ;

Une nouvelle espèce pour la Picardie a été découverte récemment dans des prairies humides : l'Eufragie visqueuse (Parentucellia viscosa).

La Pédiculaire des bois (Pedicularis sylvatica) ; la Scutellaire naine (Scutellaria minor) ; la Dactylorhize à larges feuilles (Dactylorhiza maculata subsp. ericetorum) ; le Blechnum en épis (Blechnum spicant) ; la Scorzonère humble (Scorzonera humilis) ; l'Epilobe des marais (Epilobium palustre) ; les Laîches noire (Carex nigra) et à rostre (Carex rostrata) ; l'Oenanthe à feuilles de Silaüs (Oenanthe silaifolia) ou le Jonc bulbeux (Juncus bulbosus subsp. bulbosus)..., sont des espèces rares ou très rares en Picardie et dans le nord de la France.

Une vingtaine d'autres espèces assez rares en Picardie ont également été recensées, entre autres la Saxifrage granulée (Saxifraga granulata) ; l'Ecuelle d'eau (Hydrocotyle vulgaris) ; la Digitale pourpre (Digitalis purpurea) ; la Myrtille (Vaccinum myrtillus) ; le Polygale à feuilles de Serpolet (Polygala serpyllifolia) ; la Prêle des Bourbiers (Equisetum fluviatile) ; la Laîche déprimée (Carex demissa) ; la Laîche des Lièvres (Carex ovalis) ; l'Aigremoine odorante (Agrimonia repens)...

Parmi les bryophytes, plusieurs espèces de sphaignes, assez rares à exceptionnelles, sont à mentionner : Sphagnum compactum, Sphagnum fimbriatum, Sphagnum palustre, Sphagnum angustifolium, Sphagnum denticulatum, Sphagnum subnitens, et Sphagnum papillosum.

Espèces des pelouses de la cuesta sud :

- l'Actée en épis (Actaea spicata), dont les populations sont ici probablement les plus importantes de Picardie ;

- la Parnassie des marais (Parnassia palustris*), sur tous les larris ;

- la Phalangère rameuse (Anthericum ramosum*), très rare, sur le larris de Saint-Aubin-en-Bray ;

- la Germandrée des montagnes (Teucrium montanum*), sur le même larris ;

- l'Ophioglosse (Ophioglossum vulgatum*), à Saint-Aubin-en-Bray également ;

- l'Orobanche gracile (Orobanche gracilis), à Saint-Aubin-en-Bray ;

- l’Orchis militaire (Orchis militaris) ;

- l'Anacamptis pyramidal (Anacamptis pyramidalis) ;

- l'Orchis mâle (Orchis mascula) ;

- le Sureau à grappes (Sambucus racemosa), en limite ouest d'aire, ;

- le Fragon petit Houx (Ruscus aculeatus)...

Faune :

Parmi les oiseaux remarquables figurent cinq espèces inscrites en annexe I de la directive "Oiseaux" de l'Union Européenne :

- la Bondrée apivore (Pernis apivorus) ;

- le Pic noir (Dryocopus martius) ;

- le Martin-pêcheur (Alcedo atthis) ;

- le Busard Saint-Martin (Circus cyaneus) ;

- le Râle des Genêts (Crex crex), dans les prairies de fauche humides. Ce dernier, particulièrement menacé, est également considéré comme une des espèces les plus menacées du monde.

Plusieurs autres espèces sont également remarquables :

- le Rougequeue à front blanc (Phoenicurus phoenicurus) ;

- le Vanneau huppé (Vanellus vanellus) ;

- la Bécasse des bois (Scolopax rusticola) ;

- l'Autour des Palombes (Accipiter gentilis) ;

- l'Hypolais ictérine (Hippolais icterina) ;

- le Gobemouche noir (Ficedula hypoleuca) ;

- la Chouette chevêche (Athene noctua), dont les populations sont ici parmi les plus importantes de Picardie ;

- le Tarier des prés (Saxicola rubetra)...

La plupart sont considérés comme des nicheurs vulnérables en Picardie.

Les pelouses et lisières thermocalcicoles abritent des populations conséquentes de lépidoptères rares et menacées, dont les suivantes :

- le Damier de la Succise (Euphydryas aurinia), menacé au niveau européen et inscrit en annexe IV de la directive "Habitats" de l'Union Européenne ;

- le Fluoré (Colias australis) ;

- l’Azuré bleu-céleste (Polyommatus bellargus) ;

- l’Azuré bleu-nacré (Polyommatus coridon) ;

- la Lucine (Hemaris lucina) ;

- la Petite Violette (Clossiana dia) ;

- la Grisette (Carcharodus alcae) ;

- la Zygène de Carniole (Zygena Carniolica) ;

- la Zygène de la Vesce (Zygena viciae)...

De nombreuses autres espèces de lépidoptères sont considérées comme déterminantes dans le Bray et sur la cuesta.

Trois espèces d’odonates remarquables ont pu être identifiées, notamment aux abords de l'Avelon et dans les zones tourbeuses acides :

- le Caloptéryx vierge (Calopteryx virgo), assez rare en Picardie ;

- le Cordulegastre annelé (Cordulegaster boltonii), inscrit sur la liste rouge nationale des odonates, rare en Picardie ;

- l’Orthétrum brun (Orthetrum brunneum), très rare en Picardie.

Concernant les mammifères, la cuesta est utilisée comme massif-relais et comme axe de déplacement occasionnel par les Cerfs (Cervus elaphus), notamment en provenance du massif de Thelle.

Un ancien tunnel S.N.C.F. désaffecté et relativement tranquille ainsi que les carrières souterraines de Saint-Martin-le-Nœud, sont utilisés par plusieurs dizaines de chauves-souris en hibernation, dont le Grand Murin (Myotis myotis) et le Vespertilion à oreilles échancrées (Myotis emarginatus), tous deux menacés en Europe et inscrits à l'annexe IV de la directive "Habitats" de l'Union Européenne, ainsi que le rare Vespertilion de Natterer (Myotis nattereri).

Les batraciens sont remarquablement bien représentés dans les mares, notamment au sein même des villages :

- le Triton crêté (annexe II de la directive "Habitats" de l’Union Européenne) est présent dans les mares, de même que la Rainette verte (annexe IV de la directive) et que l'Alyte accoucheur (Alytes obstetricans), ces derniers étant tous deux menacés en France et inscrits en annexe IV de la directive "Habitats" ;

- le Triton alpestre (Triturus alpestris), vulnérable en France (livre rouge de la faune menacée en France) ;

- le Triton ponctué (Triturus vulgaris) ;

- la Grenouille agile : assez rare en Picardie, en limite d’aire septentrionale, et inscrite en annexe IV de la directive "Habitats"*.

Les populations de Triton crêté, notamment, apparaissent comme les plus importantes de Picardie, bien qu'aucune recherche systématique n'ait encore été effectuée dans le Bray.

La discrète Vipère péliade, rare en Picardie, de statut "indéterminé" dans le livre rouge de la faune menacée en France, vit dans les landes à Ericacées, les moliniaies, les pelouses...

FACTEURS INFLUENCANT L'EVOLUTION DE LA ZONE

Les difficultés de l'élevage entraînent des évolutions de l'occupation du sol. Des terres trop humides sont boisées ou converties en étangs de loisirs. Inversement, des prairies sont parfois retournées ou intensifiées.

Une agriculture largement tournée vers l'élevage et adaptée aux particularités du Bray, permet de faire vivre des paysages et des milieux de très grand intérêt patrimonial. Notamment, une Opération Locale Agriculture-Environnement vise à favoriser le maintien et/ou le développement de pratiques herbagères axées sur la conservation des prairies et du maillage bocager.

Cet intérêt à la fois biologique et paysager est complémentaire de celui du remarquable patrimoine tant architectural qu'historique du Pays de Bray, notamment du secteur de Saint-Germer-de-Fly.

N.B. Les espèces végétales dont le nom est suivi d'un astérisque sont légalement protégées.

Commentaires sur la délimitation

La ZNIEFF comprend les grands ensembles paysagers caractéristiques du Bray : bocage, forêts, landes, pelouses sur la cuesta...