ZNIEFF 220014322
MASSIF FORESTIER DE COMPIÈGNE, LAIGUE ET OURSCAMPS-CARLEPONT

(n° regional: 60SOI101)

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DESCRIPTION

Le massif forestier de Compiègne/Laigue/Ourscamps-Carlepont s’étend en rive gauche de la rivière Oise, sur l'extrémité occidentale du plateau du Soissonnais, au contact des régions naturelles du Valois, du Plateau picard, du Noyonnais et de la Région d'Estrées.

Cette forêt s'étale sur une succession de cuvettes sises entre la cuesta, qui frange les massifs à l'est et au sud, et les glacis et les terrasses alluviales, qui font transition avec les rivières Oise et Aisne.

Ces cuvettes sont essentiellement développées sur des affleurements sableux (des sables cuisiens : étage géologique dont la localité éponyme est Cuise-la-Motte) plus ou moins remaniés, parfois sous forme de pseudo-dunes, et, en-dessous, par les affleurements des argiles sparnaciennes.

Sur les épaisseurs de sables les plus importantes se sont développés des sols lessivés (podzols ou sols bruns podzoliques), notamment en Forêt de Compiègne vers La Muette, en lien notamment avec la présence ancienne de vastes landes à Ericacées, reboisées progressivement depuis le XVIIIème siècle.

Des chênaies sessiliflores (Querion robori-petraeae) et des chênaies-charmaies-hêtraies acidoclines atlantiques (du Lonicero-Carpinenion pour une bonne part) dominent les peuplements sur sols bruns sableux, traités en futaie régulière ou en futaie de reconversion, pour la plus grande partie.

Les secteurs les plus argileux, quant à eux, permettent la présence d'aulnaies-peupleraies à grandes herbes, ou d'ormaies-frênaies à Orme lisse sur banquettes alluviales (Ulmo laevis-Fraxinetum excelsioris), par exemple vers le Carrefour de l'Armistice en Forêt de Compiègne, ou vers la Queue de Saint-Etienne en Forêt d'Ourscamps.

Les assises d’argiles constituent autant de planchers de nappes, dont les sources perchées sont disposées en auréoles le long des reliefs marqués. La nappe du Cuisien, sous-tendue par les argiles sparnaciennes, alimentent des petits cours d’eau (ru de Berne, ru des Planchettes, ru des Hayettes, ru de Saint-léger...), des mares et des zones humides.

Des affleurements ponctuels d'argile de Laon dans les sables cuisiens génèrent la présence de frênaies à Grande prêle (Equiseto maximae-Fraxinetum excelsioris), notamment sur les flancs des Grands Monts.

Des suintements fangeux à Dorine à feuilles opposées (Chrysosplenium oppositifolium) s'y développent également, notamment au niveau des sources incrustantes tuffeuses.

Quelques rares prairies humides subsistent, notamment en Forêt de Compiègne, vers Vieux-Moulin.

Les portions de plateaux reposent sur la plate-forme du calcaire lutétien, plus ou moins massif selon les facies, qui affleure sur tout le pourtour méridional et oriental du massif. Ce calcaire y forme des corniches dépassant parfois plusieurs mètres.

Ces affleurements génèrent la présence de végétations calcicoles, dont la hêtraie à tendance continentale à Hordelymus europaeus, la hêtraie thermocalcicole du Cephalanthero-Fagion (type subatlantique méridional) et la chênaie pubescente du Quercion pubescentis, sur les lisières sud les plus chaudes (Bois de l'Isle).

Les hêtraies cathédrales calcicoles, sur dalle calcaire ou sur colluvions calcaires (ou sur craie au sud de Compiègne), ont durement souffert des tempêtes de la fin des années 1980 et du début des années 1990.

Les clairières résultant des chablis sont recolonisées par des buissons pionniers (Genêts à balais, bouleaux...) sur sables, des graminées sociales (Calamagrostis epigejos notamment) et des ronces...

L'histoire de l'utilisation et de la protection des forêts royales de chasse explique la conservation d'un tel ensemble sylvatique de plus de 30 000 hectares non disséqué. L'une des marques les plus évidentes en est le réseau rayonnant de chemins, tout particulièrement en Forêt de Laigue.

Les clairières et les étangs sont issus notamment des implantations médiévales d'abbayes (Saint-Jean-aux-Bois, Abbaye de Sainte-Croix, Abbaye d'Ourscamps, Prieuré de Saint-Pierre-en-Chastres...).

Seule la vallée de l'Aisne et les villages et les cultures, entre Bailly et Tracy-le-Mont, interrompent l'unité de ce massif.

La magnifique allée des Beaux-Monts, qui forme un véritable transect de végétation depuis le calcaire lutétien des Beaux-Monts jusqu'aux sols sablo-calcaires sur craie du Grand Parc, est occupée par une prairie sèche, régulièrement fauchée, particulièrement originale. De véritables pelouses calcaro-sableuses et des lisières thermophiles (Geranion sanguinei) s'y développent sur sables plus ou moins acides et calcaires.

INTERET DES MILIEUX

De nombreux milieux remarquables, rares et menacés en Europe, sont inscrits à la directive "Habitats" de l’Union Européenne :

- la hêtraie neutrophile continentale du Galio odorati-Fagetum sylvaticae ;

- la hêtraie neutrophile subatlantique/précontinentale du Hyacinthoido non scriptae-Fagetum sylvaticae ;

- la chênaie-charmaie acidocline du Lonicero periclymeni-Quercetum petraeae (type subatlantique méridional) ;

- la chênaie-hêtraie du Fago sylvaticae-Quercetum petraeae (type subatlantique méridional) ;

- les hêtraies-chênaies acidophiles hydromorphes du Querco roboris-Betuletum pubescentis ;

- la hêtraie calcicole de l’Hordelymo europaei-Fagetum sylvaticae (type subatlantique méridional) ;

- la hêtraie thermocalcicole submontagnarde du Cephalanthero-Fagion sylvaticae ;

- la frênaie à Laîche espacée du Carici remotae-Fraxinetum excelsioris ;

- les ormaies-frênaies à Orme lisse, sur banquettes inondables (Ulmo laevis-Fraxinetum excelsioris) ;

- les frênaies-acéraies fraîches, sur ravins froids du Lunario redivivae-Acerion pseudoplatani ;

- les groupements herbacés humides nitrophiles de l’Aegopodion podagrariae et de l’Alliarion petiolatae ;

- les pelouses sur sables du Violion caninae à Dianthus deltoides...

Les abords agricoles des massifs constituent des axes migratoires interforestiers pour les grands mammifères, entre le massif et les bois et vallées adjacents, qui servent de milieux-relais pour la faune.

Tous ces habitats, ainsi que les milieux importants à l’échelle nationale ou au niveau régional, abritent de très nombreuses espèces végétales et animales de très grande valeur patrimoniale.

Concernant l’avifaune, cet intérêt élevé a permis la reconnaissance du massif en tant que Zone d’Importance Communautaire pour les Oiseaux (ZICO), au titre de la directive "Oiseaux" de l’Union Européenne, avec les zones humides de la partie amont de la vallée de l'Automne.

Des carrières souterraines de calcaire abandonnées sont utilisées par de nombreuses chauves-souris, souvent rares et menacées au niveau européen, en période hivernale ou nuptiale.

Les mares et les fossés en eau abritent d'importantes populations de batraciens et d'insectes remarquables, de même que certains étangs forestiers, qui abritent également bon nombre d'oiseaux d'eau en reproduction ou en migration.

INTERET DES ESPECES

La flore comprend, entre autres, les taxons rares et/ou menacés suivants :

Sur les pelouses et lisières calcaro-sableuses :

- le Géranium sanguin (Geranium sanguineum*),

- l'Armérie faux-plantain (Armeria arenaria*),

- la Véronique en épis (Veronica spicata),

- la Pulsatille vulgaire (Pulsatilla vulgaris),

- la rare Gentiane croisette (Gentiana cruciata*),

- l'Oeillet à delta (Dianthus deltoides),

- l'Epipactis rouge foncé (Epipactis atrorubens)...

Dans les futaies claires sur sables :

- la Laîche de Reichenbach (Carex reichenbachii*), avec probablement les plus belles stations du nord de la France ;

- la Pyrole à feuilles rondes (Pyrola rotundifolia var. rotundifolia*) ;

- le Corydale solide (Corydalis solida)...

Dans les bois sur calcaire

- le Daphné lauréolé (Daphne laureola) ;

- l’Orge des bois (Hordelymus europaeus), particulièrement rare ;

- le Cynoglosse d'Allemagne (Cynoglossum germanicum*) ;

- la Néottie nid-d'oiseau (Neottia nidus-avis) ;

- le Polystic à aiguillons (Polysticum aculeatum) ;

- la Laîche digitée (Carex digitata).

Dans les forêts humides :

- la Prêle d'hiver (Equisetum hyemale*) ;

- l'Orme lisse (Ulmus laevis*) ;

- la Nivéole de printemps (Leucojum vernum*) ;

- la Laîche maigre (Carex strigosa) ;

- l’Anémone fausse renoncule (Anemone ranunculoides), dans les milieux frais ;

- la Dorine à feuilles opposées (Chrysosplenium oppositifolium) ;

- la Balsamine n'y-touchez-pas (Impatiens noli-tangere) ;

- l'Ornithogale des Pyrénées (Ornithogalum pyrenaicum).

Sur les mares et les étangs :

- le Nénuphar blanc (Nymphaea alba),

- l'Utriculaire vulgaire (Utricularia vulgaris),

- la Véronique en écus (Veronica scutellata*),

- le Potamot coloré (Potamogeton coloratus*),

- le Scirpe des lacs (Scirpus lacustris).

Dans les rares prairies humides :

- le Dactylorhize négligé (Dactylorhiza praetermissa*),

- le Dactylorhize incarnat (Dactylorhiza incarnata*),

- l'Ophioglosse vulgaire (Ophioglossum vulgare*)...

La bryoflore comporte également des espèces remarquables : Neckera crispa, Scapania nemorea, Nowellia curvifolia, Lejeunea ulicina, Plagiothecium laetum, Polytrichum commune, et plusieurs espèces de sphaignes : Sphagnum capillifolium, Sphagnum fimbriatum, Sphagnum palustre...

Les éléments faunistiques parmi les plus remarquables sont :

Pour l’avifaune nicheuse :

- le Pic mar (Dendrocopos medius),

- le Pic noir (Dryocopus martius),

- le Martin-pêcheur (Alcedo atthis),

- le Busard Saint-Martin (Circus cyaneus),

- la Pie-grièche écorcheur (Lanius collurio),

- la Gorgebleue à miroir blanc (Luscinia svecica),

- la Bondrée apivore (Pernis apivorus).

Ces espèces sont inscrites en annexe I de la directive "Oiseaux" de l’Union Européenne.

Plusieurs espèces nicheuses rares et/ou menacées à l’échelle de la Picardie ou du nord de la France sont également présentes : l'exceptionnel Grimpereau des bois (Certhia familiaris), le Torcol fourmilier (Jynx torquilla), la Pie-grièche grise (Lanius excubitor), la Bécasse des bois (Scolopax rusticola), le Tarier pâtre (Saxicola torquata), le Gobemouche noir (Ficedula hypoleuca), le Rougequeue à front blanc (Phoenicurus phoenicurus), le Pouillot de Bonelli (Phylloscopus bonelli), le Petit Gravelot (Charadrius dubius), la Râle d'eau (Rallus aquaticus), la Sarcelle d'hiver (Anas crecca)...

Les étangs abritent également des populations aviennes intéressantes en période de migration et d'hivernage (Canards souchet, pilet, siffleur, chipeau... Fuligules, Harles, Sarcelles, Grèbes, Chevaliers, Hérons...).

Pour la mammalofaune :

Le Petit Rhinolophe (Rhinolophus hipposideros), chiroptère particulièrement menacé en Europe du nord, qui trouve à Tracy-le-Val une de ses rares colonies de reproduction de Picardie.

Cette espèce est inscrite en annexe II de la directive "Habitats" de l’Union Européenne, comme le Grand Murin (Myotis myotis), qui se reproduit à Compiègne ; le Grand Rhinolophe (Rhinolophus ferrumequinum) ; le Vespertilion de Bechstein (Myotis bechsteini) ; le Vespertilion de Natterer (Myotis nattereri) et le Vespertilion à oreilles échancrées (Myotis emarginatus).

La Noctule commune (Nyctalus noctula) est également présente.

La Martre des pins (Martes martes) et le rare Chat sauvage (Felis silvestris) fréquentent le massif, de même que le Muscardin (Muscardinus avellanarius), le Mulot à gorge jaune (Apodemus flavicollis) et la Musaraigne aquatique (Neomys fodiens).

Les populations de grands mammifères, notamment de Cerf élaphe (Cervus elaphus), sont particulièrement remarquables.

Pour l'herpétofaune :

- la Grenouille agile (Rana dalmatina), assez rare en Picardie ;

- le Triton alpestre (Triturus alpestris), peu fréquent et menacé en France ;

- le très rare Lézard vert (Lacerta viridis) ;

- le Lézard agile (Lacerta agilis) ;

- le Lézard des murailles (Podarcis muralis) ;

- la Vipère péliade (Vipera berus) ;

- la Rainette arboricole (Hyla arborea)...

L'entomofaune comprend bon nombre de lépidoptères rares et menacés : le Miroir (Heteropterus morpheus), le Petit Mars changeant (Apatura ilia), le Sphinx de l'Epilobe (Proserpinus proserpina*), Hyles euphorbiae, Aedia funesta, Catocala sponsa, Pyrausta nigrata, Satyrium pruni...

Les odonates comprennent notamment le Leste dryade (Lestes dryas), le Leste brun (Sympecma fusca), la Cordulie à taches jaunes (Somatochlora flavomaculata), le Cordulegastre annelé (Cordulegaster boltonii), le Caloptéryx vierge (Calopteryx virgo), l'Aeschne isocèle (Anaciaeshna isosceles)...

Certains coléoptères remarquables sont également présents, comme Oreocarabus glabratus, espèce à affinité montagnarde, Cerambyx cerdo, Limoniscus violaceus, Lucanus cervus...

FACTEURS INFLUENCANT L’EVOLUTION DE LA ZONE

Le maintien de la biodiversité à la fois ornithologique, mammalogique et entomologique nécessite une permanence de nombreux arbres d’âge avancé (150 à 200 ans) ou sénescents, surtout creux ou fréquentés par les pics. Bon nombre d'espèces cavernicoles ne subsistent plus aujourd'hui que dans les grandes forêts domaniales du nord de la France à la faveur de peuplements âgés de chênes et de hêtres.

Le maintien des clairières et des lisières herbacées apparaît essentiel pour la pérennité des espèces végétales et animales héliophiles. Les espaces non boisés, humides (roselières) ou secs (pelouses ou prairies, layons...) sont complémentaires des espaces forestiers dominants.

L'identification des secteurs de plus grand intérêt biologique dans les plans d'aménagement des parties domaniales permet de prendre en compte leur sensibilité et d'envisager des mesures de gestion adéquates pour les habitats et pour les espèces de plus grand intérêt patrimonial. A ce titre, les aménagements de gestion écologique réalisés par l'Office National des Forêts en Forêt de Compiègne sur certaines mares (Parquet de Bois...), sur les étangs (Louveteau, Buissonnet...) et au sein des forêts thermophiles (Bois de l'Isle) sont exemplaires, bien que ponctuels. Ils mériteraient d'être généralisés aux autres secteurs les plus riches.

Dans le même esprit, la gestion adéquate des rares mares et étangs serait essentielle, notamment pour éviter leur envahissement par les saules et les aulnes.

La préservation de la quiétude dans certains sites souterrains (souvent situés hors forêt domaniale), pour leurs populations de chauves-souris en hiver, serait souhaitable. La pose de fortes grilles à l’entrée empêcherait les intrusions humaines, mais permettrait les allées et venues des chiroptères.

N.B. Les espèces dont le nom est suivi d’un astérisque sont légalement protégées.

Comments on the delimitation

La zone englobe les milieux comprenant les habitats, la flore et la faune les plus remarquables. La relative homogénéité de ce massif permet de le prendre en considération dans son intégralité. Notamment, l'ensemble de la Zone d'Intérêt Communautaire pour les Oiseaux est reprise