ZNIEFF 220420022
VALLÉES DES EVOISSONS ET DE SES AFFLUENTS EN AMONT DE CONTY

(n° regional: 80SAM201)

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DESCRIPTION

Le site de la Vallée des Evoissons comprend la vallée du Ru des Evoissons proprement dit, ainsi que les vallées de la rivière Poix et du ruisseau des Parquets, depuis leurs sources jusqu'à Conty.

Quelques vallées sèches (Vallée de Pucheux, vallées sèches au nord d'Eplessier, Vallées du Puits et de la Côte de Laverrière en amont de Thoix...), faisant partie de la même entité valléenne et possédant également des milieux remarquables, ont été adjointes.

Les deux vallées principales, celles de la Poix et des Evoissons, suivent une orientation parallèle, selon un axe sud-sud-ouest/nord-nord-est, jusqu'à Poix de Picardie, axe lié à celui du synclinal de direction parallèle à l'anticlinal du Bray.

D'un point de vue géologique, les terrains affleurant dans les vallées sont, de haut en bas, les limons de pente et les limons acides à silex (sur le plateau) ainsi que les craies campanienne, sénonienne et coniacienne, sur les versants. En aval, la butte résiduelle du Bois de Conty est surmontée de sables thanétiens acides.

En fond de vallée s'étendent des alluvions récentes limoneuses et argileuses, recouvrant des alluvions anciennes davantage sablo-graveleuses. Ces assises sont largement exploitées par des carrières en aval de Bergicourt.

Les cours d'eau sont alimentés par les sources issues de la nappe de la craie, qui approvisionne elle-même les nappes alluviales. Leurs débits sont donc relativement réguliers et les eaux carbonatées.

Ces caractéristiques, ainsi que les pentes relativement fortes des lits mineurs (limitant le colmatage des substrats rocheux du lit mineur) et la fraîcheur de l'eau, sont propices au développement des salmonidés. Des bassins de pisciculture (existant déjà à l'époque gallo-romaine, comme à Famechon) en témoignent.

Aujourd'hui, les cours d'eau ont considérablement régressé vers l'aval : les sources des têtes de réseau sont souvent descendues de plusieurs kilomètres en quelques siècles, comme en témoignent certains écrits anciens. Les lits mineurs, aujourd'hui asséchés, sont fréquents, notamment sur les Evoissons : les sources actuelles sont localisées vers Eramecourt, tandis que les anciennes sources des environs d'Agnières ne coulent plus qu'exceptionnellement.

Sur les hauts de versants, les sols sont maigres, voire squelettiques, sur les affleurements crayeux, notamment au niveau des larris.

Bon nombre de ces pentes caillouteuses ont été mises en culture (les terrasses délimitées par des rideaux sont très abondantes) et/ou valorisées par un pâturage ovin, presque totalement abandonné à ce jour.

Des pelouses rases, caractéristiques des larris, s'y étaient développées. Des brachypodiaies et des formations préforestières buissonnantes les remplacent actuellement, à la suite de l'abandon des pratiques agropastorales.

Les dernières pelouses (seuls quelques coteaux sont encore pâturés par des ovins, à Méréaucourt, notamment) sont cependant maintenues ouvertes en quelques points par les activités des lapins, voire par un pâturage bovin.

Les pelouses calcicoles sont majoritairement rattachées à l'Avenulo pratensis-Festucetum lemanii. La sous-association seselietosum libanotidis est distinguée pour les pelouses submontagnardes psychrophiles sur craie et la sous-association polygaletosum calcarae l'est pour les pelouses plus thermophiles. Les ourlets submontagnards sur craie sont à rattacher au Seslerio libanotidis-Brachypodietum pinnati.

Sur les pentes orientées au sud, la thermophilie permet la présence d'espèces à affinités subméditerranéennes, proche de leur limite d'aire septentrionale, comme la Belladone (Atropa bella-donna) ou la Globulaire (Globularia bisnagarica).

La trace du pâturage ovin ancestral est parfois visible dans le paysage au travers de la présence de fourrés de Genévriers (Juniperus communis), espèce épargnée par la dent des moutons qui caractérise les larris (à Guizancourt, par exemple).

La forêt gagne sur les pourtours des anciennes pelouses : les buissons (viornes, aubépines, églantiers, prunelliers, cornouillers, troènes, noisetiers...) envahissent la pelouse. A terme, une hêtraie thermocalcicole (Cephalanthero-Fagion) s'installe durablement sur les versants ensoleillés.

Sur les pentes exposées au nord se développent des frênaies-acéraies-hêtraies du Lunario-Acerion d'affinités submontagnardes (Mercuriali perennis-Aceretum campestris).

Dans le fond de vallée en aval de Poix, des plans d'eau, issus des exploitations de granulats, génèrent la présence de milieux aquatiques et hélophytiques complémentaires.

Quelques anciennes carrières souterraines de craie et des souterrains de châteaux démantelés sont présents dans des talus de la vallée, notamment entre Poix et Conty. Ils servent de refuge aux chiroptères (chauves-souris) en hibernation.

Les villages ont conservé le plus souvent un écrin de pâtures complantées de vergers de pommiers, témoins ancestraux typiques des régions d'élevage proches de la Normandie.

INTERET DES MILIEUX

Ces milieux pelousaires, forestiers, prairiaux, humides et souterrains, constituent autant d'habitats remarquables pour une flore et une faune de très grand intérêt patrimonial.

Les pelouses calcicoles, les ourlets, les éboulis, les bois thermocalcicoles, les bois de pente nord et les pâtures humides extensives sont des milieux rares et menacés en Picardie et dans tout le nord-ouest de l'Europe. A ce titre, ils sont inscrits à la directive "Habitats" de l'Union Européenne .

En Picardie par exemple, en raison des évolutions de l'économie agricole, les surfaces de pelouses auraient été divisées par vingt environ en un siècle.

Les parties amont des cours d'eau sont favorables à la reproduction naturelle des salmonidés, ce qui est devenu très rare en Picardie.

Les éléments paysagers (prairies, rideaux, bosquets, vergers...) des vallées, outre leur grand intérêt tant esthétique que floro-faunistique, font office de zone-tampon avec les cultures dont les intrants limitent la qualité des eaux souterraines qui alimentent les rivières.

Les sites issus des anciennes carrières de matériaux alluvionnaires sont des milieux complémentaires aux espaces prairiaux et boisés, mais, faute de réaménagements intégrant les potentialités biologiques du fond de vallée, ceux-ci n'offrent souvent qu'un intérêt limité pour la flore et la faune.

Plusieurs espèces de chiroptères rares et menacés en Europe trouvent un refuge hivernal dans d'anciennes carrières souterraines, tandis qu'elles se reproduisent dans des combles de grands bâtiments (églises, châteaux...) ou dans de vieux arbres creux.

Ces vallées possèdent également un intérêt à la fois architectural et archéologique élevé.

INTERET DES ESPECES

Parmi les espèces végétales les plus remarquables se trouvent les taxons suivants, assez rares à rares en Picardie :

- la Germandrée des montagnes (Teucrium montanum*), sur les écorchures de plusieurs larris ;

- le Polygale chevelu (Polygala comosa*), sur quelques pelouses ;

- l'Ophrys araignée (Ophrys sphegodes*), sur certains larris ;

- la Spiranthe d'Automne (Spiranthes spiralis*), observée dans les années 1980 ;

- la Parnassie des marais (Parnassia palustris*), sur un coteau frais ;

- la Pyrole à feuilles rondes (Pyrola rotundifolia* rotundifolia), dans un bois calcicole de pente près de Guizancourt ;

- l'Orobanche élevée (Orobanche elatior*), près de la gare de Famechon ;

- la très rare Actée en épi (Actaea spicata), sur les bois de pente nord ;

- l'Alchémille vert jaunâtre (Alchemilla xanthochlora) ;

- la Globulaire ponctuée (Globularia bisnagarica) ;

- le Bugle rampant (Ajuga chamaepitys) ;

- le Poirier poirasse (Pyrus pyraster) ;

- la Pulsatille vulgaire (Pulsatilla vulgaris), assez abondante sur les dernières pelouses ;

- la Scille à deux feuilles (Scilla bifolia), dans le Bois de Conty ;

- la Chlore perfoliée (Blackstonia perfoliata) ;

- le Daphné lauréolé (Daphne laureola) ;

- le Daphné mézéréon (Daphne mezereum), dans les bois de pente nord ;

- l'Hellébore fétide (Helleborus foetidus) ;

- le Thésion couché (Thesium humifusum) ;

- la Digitale jaune (Digitalis lutea), abondante près de Frémontiers ;

- le Monotrope sucepin (Monotropa hypopitys) ;

- l'Epiaire des Alpes (Stachys alpina) ;

- la Belladone (Atropa bella-donna), dans les clairières et les lisières ;

- la Benoîte des ruisseaux (Geum rivale), en limite orientale d'aire ;

- le Populage des marais (Caltha palustris), dans les rares aulnaies et fonds humides délaissés ;

- le Polystic à aiguillons (Polysticum aculeatum) et le Polystic à soies (Polysticum setiferum), deux fougères des bois de pente en exposition froide ;

- le Séséli libanotide (Seseli libanotis) ;

- la Germandrée botryde (Teucrium botrys), sur les cailloutis calcaires ensoleillés ;

- la Pétasite officinale (Petasites officinalis), dans les fonds humides...

De nombreuses orchidées sont également présentes sur les larris ou dans les bois, dont l'Epipactis de Müller (Epipactis muelleri), l'Himantoglosse à odeur de bouc (Himantoglossum hircinum), la Céphalanthère à grandes fleurs (Cephalanthera damasonium), l'Epipactis rouge foncé (Epipactis atrorubens), l'Anacamptis pyramidal (Anacamptis pyramidalis), la Néottie nid-d'oiseau (Neottia nidus-avis), l'Orchis singe (Orchis simia), l'Orchis mâle (Orchis mascula), l'Acéras homme-pendu (Aceras anthropophorum), l'Ophrys frelon (Ophrys fuciflora), l'Ophrys mouche (Ophrys insectifera)...

La faune remarquable comprend les espèces suivantes :

Avifaune :

Espèces inscrites en annexe I de la directive "Oiseaux" de l'Union Européenne :

- la Bondrée apivore (Pernis apivorus) ;

- le Pic noir (Dryocopus martius), dans les bois ;

- le Busard Saint-Martin (Circus cyaneus) ;

- le Martin-pêcheur (Alcedo Atthis), sur les cours d'eau ;

- l'Oedicnème criard (Burrhinus oedicnemus), sur les "blancs" crayeux des cultures.

D'autres nicheurs sont rares et menacés en Picardie ou dans le nord de la France : la Chouette chevêche (Athene noctua), dans les vergers de vieux pommiers ; le Faucon hobereau (Falco subbuteo) ; le Tarier pâtre (Saxicola torquata) ; l'Hypolaïs ictérine (Hippolais icterina) ; le Cygne tuberculé (Cygnus olor) ; le Petit Gravelot (Charadrius dubius) ; le Bruant zizi (Emberiza cirlus) ; le Rougequeue à front blanc (Phoenicurus phoenicurus) ...

Les quelques étangs favorables à l'avifaune accueillent bon nombre d'oiseaux d'eau migrateurs et hivernants.

Entomofaune :

- le Caloptéryx vierge (Calopteryx virgo) et l'Agrion de Vander Linden (Cercion lindenii), odonates des cours d'eau à fonds caillouteux ou sablonneux ;

- de nombreux lépidoptères diurnes remarquables, inféodés aux pelouses thermophiles : le Damier de la Succise (Euphydryas aurinia), espèce inscrite en annexe II de la directive" Habitats" de l'Union Européenne et protégée en France ; le Fluoré (Colias australis) ; l'Azuré bleu-céleste (Lysandra bellargus) ; l'Azuré bleu-nacré (Lysandra coridon) ; la Zygène de Carniole (Zygaena carniolica)... ;

- bon nombre de lépidoptères nocturnes et de coléoptères rares et/ou menacés en Picardie et dans le nord de la France.

Herpétofaune :

- la rare Vipère péliade (Vipera berus), menacée en France, qui subsiste sur quelques larris avec la rare et discrète Coronelle lisse (Coronella austriaca) ;

- le Triton alpestre (Triturus alpestris) et l'Alyte accoucheur (Alytes obstetricans), inscrits en annexe IV de la directive "Habitats", présents dans les mares des grands bois pour le premier, et surtout dans les mares de villages pour le deuxième.

- le Calamite (Bufo calamita) aurait disparu depuis les années 1980, mais le Pélodyte (Pelodytes punctatus) subsisterait dans une prairie humide.

Mammalofaune :

Plusieurs espèces de chauves-souris rares et menacées en Europe passent l'hiver dans des souterrains peu ou pas dérangés, comme le Grand Rhinolophe (Rhinolophus ferrumequinum), le Grand Murin (Myotis myotis), les Vespertilions à oreilles échancrées et de Bechstein (Myotis emarginatus et M. bechsteini).

Le rare Muscardin (Muscardinus avellanarius) est présent sur certains coteaux et la Musaraigne aquatique (Neomys fodiens) occupe les fonds humides et les bords de rivière.

Ichtyofaune :

Plusieurs espèces de poissons rares et/ou menacés se reproduisent dans les secteurs amont des Evoissons et de ses affluents : l'abondante Truite fario (Salmo trutta fario), l'Anguille (Anguilla anguilla), la Lamproie de Planer (Lampetra planeri) et le Chabot (Cottus gobio), ces deux derniers étant inscrits en annexe II de la directive "Habitats".

FACTEURS INFLUENCANT L'EVOLUTION DE LA ZONE

La problématique principale de la vallée tient dans son évolution de l'occupation du sol. Les larris anciennement pâturés connaissent un envahissement progressif des ligneux : les dernières pelouses ouvertes sont ainsi menacées par l'extension des stades préforestiers. Il en résulte une perte de diversité biologique importante. Les plantations de résineux accélèrent cette banalisation à la fois biologique et paysagère.

La coupe circonstanciée des arbustes envahissants serait donc souhaitable sur les ultimes pelouses, avec, dans l'idéal, le rétablissement d'un pâturage ovin extensif.

Ce type de restauration est en cours sur le larris de Guizancourt, mais subsiste aussi en quelques points.

Le réaménagement des anciennes carrières de granulats pourrait privilégier une valorisation biologique avec la création de roselières, de prairies humides et d'îlots sinueux en pente douce, préférables à un talutage trop raide et à un reboisement qui cloisonnent les paysages ouverts du fond de vallée.

Il est à noter que le SDAGE Artois-Picardie ne permet plus dorénavant d'ouvrir de nouvelles carrières dans le lit majeur de ces cours d'eau.

Par ailleurs, l'identité paysagère remarquable des vallées des Evoissons et de leurs affluents repose très largement sur les boisements naturels, les systèmes de rideaux sur les fortes pentes et les herbages enclos de haies, ainsi que sur les pré-vergers périphériques des villages et des hameaux. Ces milieux ont été façonnés par la sylviculture, l'élevage et l'agriculture depuis des siècles.

Le paysage traditionnel de cette partie du plateau picard gagnerait à être préservé en certains secteurs remarquables (notamment de la fermeture des paysages par les peupliers en lisière des villages) et valorisé au travers d'une agriculture plutôt herbagère sur les coteaux raides, qui, de plus, serait largement profitable à l'essor du tourisme rural.

N.B. Les espèces dont le nom est suivi d'un astérisque sont légalement protégées.

Comments on the delimitation

Les contours de la zone intègrent les milieux les plus remarquables pour les paysages, les habitats, la flore et la faune.

Se dessine ainsi une entité du système "Vallée des Evoissons et de ses affluents", qui correspond à une portion du bassin-versant de l'hydrosystème, s'étirant peu ou prou depuis les talwegs jusqu'au niveau des convexités sommitales.

Les milieux de plateau, largement cultivés, ne sont pas compris.