ZNIEFF 230031032
LA VALLÉE DU LÊME

(n° regional: 86050017)

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La ZNIEFF "Vallée du Lesme" englobe trois anciennes ZNIEFF "le Chêne Régnier" (0851.001 ), "la vallée de la maison verte" (0851.003 ) et "la Pierre Chaumont" (0851.0004)

Le Massif de Conches et de Breteuil ne présente aucun relief significatif. Du Nord au Sud, l'altitude n'excède pas 200 mètres et ne varie pas de plus de 30 m. Le fond géologique est lui aussi assez homogène constitué d'argiles à silex et de limons anciens. La vallée du Lesme crée ainsi la seule véritable rupture topographique et géologique dans cette plaine. Le Lesme ne coule que quelques semaines par an, depuis Chéronvilliers jusqu'au Champ Motteux où il se perd un peu avant la D833. Après, entre le Champ Motteux et l'étang de Conches il est sec toute l'année et ne coule que les années de fortes pluies. Des résurgences existent malgré tout çà et là, signe que l'eau est présente à faible profondeur ; en fin de course, il alimente d'ailleurs en partie l'étang de Conches.

D'amont en aval, les milieux sont variés allant de la prairie humide à la lande sèche en passant par différents gradients d'humidité et différents faciès. C'est autour de cette vallée que se concentre la plus grande diversité de la zone étudiée avec notamment plusieurs stations d'une plante protégée dont la présence en Normandie est exceptionnelle : la cardamine à bulbilles (Cardamine bulbifera).

Le premier milieu d'intérêt écologique et floristique rencontré est situé sur la commune de Chéronvilliers, en face de la mairie. C'est une prairie hygrophile à laîche distique (Carex disticha), lychnis fleur de coucou (Lychnis flos-cuculi) et scirpe de marais (Eleocharis palustris). Elle est pâturée au cours de l'année.

Ensuite, toujours sur la commune de Chéronvilliers, en tête de l'étang du château, un ourlet de mégaphorbiaie borde une petite aulnaie-frênaie humide. Sous les arbres, non loin de la route, une source épanche son eau limpide et glacée qui irrigue toute la parcelle. Cette forte humidité a permis l'installation d'un cortège spécifique des zones humides : la baldingère (Phalaris arundinacea), la reine des prés (Filipendula ulmaria), la véronique des ruisseaux (Veronica beccabunga) ainsi que l'œnanthe à feuilles de Silaüs (Œnanthe silaifolia) et l'achillée sternutatoire (Achillea ptarmica), toutes deux déterminantes. Cet endroit est fréquenté par les amphibiens pour leur reproduction : grenouille verte (Pelophylax kl. esculantus), grenouille rousse (Rana temporaria) et grenouille agile (Rana dalmatina ; espèce protégée- Art 2). La présence du triton palmé (Triturus helveticus) et du triton alpestre (Triturus alpestris) est fortement soupçonnée.

De Chéronvilliers jusqu'au Lesmeval, aucune plante strictement déterminante n'a pu être recensée mais la végétation hygrophile caractérise des prairies humides (circulaire du 25/06/2008 relative à la délimitation des zones humides) qui méritent donc attention et protection. Parmi ces plantes citons le roseau baldingère (Phalaris arundinacea), l'iris des marais (Iris psedacorus) ou le rubanier (Sparganium erectum).

Au lieu dit les Basses-Landes, une prairie inondable délimitée d'un coté par la route et de l'autre par le bief d'un ancien moulin abrite une population de la renouée bistorte (Polygonum bistorta) et de l'œnanthe à feuilles de Silaüs qui fleurissent au dessus d'une dense végétation hygrophile de laiches et de scirpes dans laquelle se cachent le gaillet fangeux (Galium uliginosum) et l'achillée sternutatoire, déterminants eux aussi. Le populage des marais (Caltha palustris) vient rehausser cette communauté de sa floraison jaune d'or.

Si l'on continue à descendre le cours de la vallée, on arrive sur "le Chêne Régnier". C'est ici la première station à Cardamine bulbifère, elle pousse en sous bois dans des zones assez ombragées. La zone est principalement une chênaie-charmaie où l'on trouve aussi le conopode dénudé (Conopodium majus) et l'euphorbe douce (Euphorbia dulcis). Le long des chemins poussent et fleurissent de petites populations de la raiponce en épis (Phyteuma spicata).

Après la sortie du bois, c'est une vaste prairie de fauche qui descend en pente douce vers le cours d'eau. La D141 enjambe le Lesme en un petit pont. C'est de part et d'autre de ce pont que la prairie présente le plus grand intérêt. Elle est assez naturelle et ne semble pas recevoir de traitements. Elle accueille ainsi le séneçon aquatique (Senecio aquaticus) et le silaus des prés (Silaum silaus). Une belle population de la succisse des prés (Succisa pratensis) en fait un lieu de reproduction possible, à confirmer, pour le damier de la succise, papillon en raréfaction dépendant de cette plante.

Du lieu dit la Délogerie jusqu'au Champ Motteux où la D833 passe au dessus du Lesme le vallon traverse la forêt de Breteuil, longeant à l'est le parc d'élevage de sanglier du château de Bémécourt. Il y a tout le long des stations de la cardamine à bulbille accompagnée du conopode et de l'orchis tachetée (Dactylorhiza maculata). Coté parc à sanglier le décapage du sol par les bêtes n'empêche pas de petites populations de séneçon aquatique de s'épanouir par endroits.

La zone entre la D833 et D23 est principalement dédiée à l'agriculture céréalière, c'est sur les coteaux qu'il faut chercher les espèces botaniques déterminantes. En effet, sur le flanc est du vallon, la cardamine est toujours présente dans le sous bois qui, peu entretenu, semble assez naturel avec ses arbres morts et son fouillis végétal. De plus à la cote 177 au lieu dit les Ruaults, le conservatoire botanique signale la présence de Prunella laciniata.

Après la D23 le vallon, plus encaissé, redevient boisé sur ses deux flancs, beaucoup plus abruptes. Les milieux sont assez différents de ceux rencontrés en amont. Globalement plus secs, les terrains acidiphiles se déclinent sous diverses formations selon la pédologie, le faciès et l'exposition. La basse vallée du Lesme présente en effet des affleurements de sable, des éboulis de grès, et même des sols remaniés intéressants par leur caractère pionnier. Les pentes très raides par endroits sont plus sèches que le fond qui, parfois très ombragé, devient humide, malgré un sol drainant.

La première partie (entre la D23 et le chemin de la Brèche à la Poule) est particulièrement riche avec une abondance d'espèces rares autour de la Ligne du Courant. On remarque d'abord dans le fond mésophile à l'humus un peu plus doux que par la suite, des espèces sylvatiques nécessitant un bon éclairement : la gnaphale des bois (Omalotheca sylvatica), l'épervière lisse (Hieracium laevigatum) ou la raiponce en épis (Phyteuma spicata). Le haut de la ligne du courant est beaucoup plus sec et plus siliceux, ces conditions permettent l'accueil de plusieurs touffes d'une graminée en grande raréfaction, notée comme exceptionnelle et gravement menacée d'extinction par la liste rouge régionale de l'UICN : le nard raide (Nardus stricta). Cette zone à tendance sableuse est aussi l'habitat de l'herniaire glabre (Herniaria glabra), omniprésente sur le chemin sur plusieurs dizaines de mètres de longueur, et la spergulaire rouge (Spergularia rubra).

Le site suivant est situé le long du GR 22, c'est une vaste lande à callune, mais qui récemment reboisée en pin sylvestre est menacée à terme.

Au niveau du lieu-dit les Fosses Jumelles les pentes sont particulièrement raides et des rochers affleurent, c'est un milieux xérique et c'est la lande à callune et à fougère qui le colonise.

A l'arrivée de la Ligne de Lierru, une vaste place ouverte au sol remanié offre un habitat pionnier qui voit se développer une population très importante de l'herniaire glabre (Herniaria glabra) considérée comme très rare par la liste rouge de l'UICN et le gaillet des rochers (Gallium saxatile). On y trouve aussi la campanule étalée (Campanula patula) en lisière aux endroits plus frais.

Un peu plus loin on retrouve des pieds de la cardamine à bulbille, prouvant la continuité stationnelle pour cette espèce dans toute la vallée du Lesme.

Enfin juste avant l'étang de Conches la zone inclut "la vallée de la maison verte" et la "Pierre Chaumont" remarquables pour leurs groupements des pelouses siliceuses avec les canches caryophyllée et printanière (Aira caryophyllea et Aira praecox), la danthonie (Danthonia decumbens), la polygale à feuilles de serpolet (Polygala serpyllifolia), la fétuque hétérophylle (Festuca heterophylla), l'œillet velu (Dianthus armeria), la vulpie queue d'écureuil (Vulpia bromoides) peu courante et même un pied de la très rare épipactis brun rouge (Epipactis atrorubens ; espèce protégée en Haute-Normandie). C'est dans cette zone qu'un important pierrier d'éboulis constitue un milieu original et peu courant, habitat de cladonies, lichens d'intérêt botanique.

La vallée du Lesme se termine à l'étang de Conches en une prairie divisée en deux parties, une assez humide et l'autre plus sèche. La zone humide est caractérisée par des espèces telle que le roseau baldingère (Phalaris arundinacea), le cresson de fontaine (Nasturtium officinale) ou le gaillet fangeux (Gallium uliginosum), espèce déterminante. La présence du criquet ensanglantée (Stethophyma grossum) indique le bon état de santé écologique de ce type de prairie. La partie plus sèche accueille des espèces comme l'origan (Origanum vulgare), le salsifis des prés (Tragopogon pratensis) ou le thym serpolet (Thymus praecox). Cette prairie en queue d'étang de Conches est un site important pour la reproduction et le nourrissage des libellules, des orthoptères et des amphibiens, le martin-pêcheur y a aussi été observé.

En conclusion, la vallée du Lesme constitue une originalité dans le massif de Conches et de Breteuil en créant une rupture topographique et bio-géologique, donnant ainsi naissance à des milieux singuliers, diversifiés et peu communs. Elle héberge non seulement un grand nombre d'espèces patrimoniales, rares ou déterminantes que l'on ne retrouve, pour certaines, nulle part ailleurs sur l'ensemble du massif de Conches et de Breteuil ; mais elle est aussi par son calme (elle est en effet très peu exploitée) et sa continuité un corridor écologique important dans ce massif où beaucoup de parcelles sont clôturées, (sur)exploitées et parfois malheureusement appauvries dans une logique sylvicole et cynégétique. Ce lieu est de plus une station emblématique et un bastion pour la cardamine à bulbilles, espèce exceptionnelle, protégée en Haute-Normandie.

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