ZNIEFF 310030021
Prairies humides de la Grande Tringue

(n° régional : 00000234)

Commentaires généraux

Situées à l’interface des marais arrière-littoraux de Balançon et de Villiers, les prairies humides de la Grande Tringue s’en distinguent par la nette prédominance des activités agro-pastorales (élevage bovin principalement).

La Grande Tringue prend sa source dans la vallée d’Airon et traverse le marais de Balançon avant de poursuivre sa course en plein cœur de la ZNIEFF pour se jeter au Nord dans la Canche. Le paysage ouvert et verdoyant des pâtures sillonnées de noues semble avoir traversé les siècles sans modifications majeures. L’abondance de ces noues et la présence de nombreuses mares induisent des variations de la microtopographie au sein des parcelles qui, bien qu'améliorées sur le plan agronomique, présentent encore de nombreuses espèces d'intérêt patrimonial et des végétations diversifiées. Longuement inondées en hiver, ces noues sont, avec les mares-abreuvoirs ou les mares de chasse, un élément majeur de diversification de la végétation des ces prairies humides. Le réseau de fossés longeant les voies de circulation permet également l’expression de diverses végétations naturelles hygrophiles à aquatiques (mégaphorbiaies et roselières linéaires, prairies amphibies et plus rarement, herbiers aqatiques à renoncules et callitriches ou petits potamots).

Quelques plantations de peupliers occupent des surfaces réduites, l’extension de ce phénomène étant à proscrire au sein de ce remarquable ensemble de prairies arrière-littorales d'un grand intérêt écologique et paysager.

Les surfaces boisées naturelles sont plus importantes au Sud-Est (Capelle), où prairies et bosquets composent là encore une mosaïque contrastée sur le plan paysager. La zone est remarquablement épargnée par l’habitat humain (quelques habitations isolées à la périphérie).

Le site est situé à proximité de la ZNIEFF du Marais de Balançon (310007236) et de la ZNIEFF du Marais de Villiers (310007238). Les trois ZNIEFF entretiennent des liens écologiques et fonctionnels fondamentaux qui doivent absolument être préservés pour assurer l’intégrité écologique de l’ensemble de la zone. Ceci se traduit par leur intégration dans une zone humide d’importance nationale ("Rapport Bernard", Collectif, 1994) et leur désignation en ZICO (n°62 NC 03 "Marais de Balançon et de Villiers"). De plus, une partie de la ZNIEFF Prairies humides de la Grande Tringue est incluse dans le Site Inscrit n°62 SI 16 "Marais arrière-littoraux" et dans la Zone de Protection spéciale pour les oiseaux (ZPS 03 n° FR3110083 "Marais de Balançon et de Villiers").

La faune déterminante de ZNIEFF des Prairies humides de la Grande Tringue comptait onze espèces en 2010. L’intérêt faunistique du site s’affirme entre 2010 et 2021, avec un total de 44 espèces, en comptant le Héron cendré, la Grande aigrette, l’Aigrette garzette et la Spatule blanche qui, bien que ne nichant pas dans cette ZNIEFF mais dans la ZNIEFF voisine, ont été observés au gagnage en période nuptiale dans cette ZNIEFF.

La connaissance de l’avifaune a remarquablement progressé grâce aux recherches des ornithologues sur certains secteurs de la ZNIEFF. 39 espèces d’oiseaux déterminants de ZNIEFF sont aujourd’hui recensées dans le périmètre, dont 18 avec un indice de reproduction certain ou probable, 7 avec un indice de reproduction possible et 4 considérées comme nicheurs effectifs (présence durant la période de nidification définie : Beaudoin et al., 2019). Le tri des espèces par profil écologique met en évidence des groupes d’espèces aux affinités proches, en liaison avec la nature des habitats de la ZNIEFF.

- Grands échassiers : la Cigogne blanche, observée régulièrement depuis 2014 sur le site, a été identifiée comme nicheuse certaine pour la première fois en 2021, avec au moins un couple. Les prairies humides de la Grande Tringue constituent une partie significative du territoire de chasse des Ardéidés nicheurs dans la ZNIEFF voisine des Prairies humides péri-urbaines de Cucq : Héron cendré, Aigrette garzette, Grande aigrette et Héron garde-bœufs y sont très présents tout au long de la période de reproduction et d’élevage des jeunes, chassant dans les prairies, au bord des mares ou des cours d’eau. C’est aussi le cas de la Spatule blanche (Caloin, 2019), qui a notamment été vue en recherche de nourriture au bord d’un étang de chasse en juin 2021. L’existence des populations reproductrices des quatre Ardéidés et des spatules de Cucq dépend étroitement de la présence de ces zones de nourrissage dans le rayon d’action des oiseaux entre Canche et Authie (GDEAM, 2020). Celui-ci varie de 10 à 15 km pour les deux aigrettes et de 2 à 38 km pour le Héron cendré (Godin, 2019a, Godin, 2019b, Godin, 2019c). Le Héron garde-bœufs est pour sa part très lié à la présence du bétail dans les pâtures, humides ou non (Godin, 2019d).

- Plusieurs espèces de limicoles déterminants de ZNIEFF trouvent des espaces tranquilles propices à la nidification dans les prairies et aux abords des plans d’eau ; l’Avocette élégante et le Vanneau huppé sont notés comme nicheurs possibles, probables ou certains presque chaque année depuis 2014. L’Huîtrier-pie, nicheur probable en 2017 et 2019, est à confirmer comme nicheur, tout comme l’Echasse blanche, observée presque chaque année depuis 2014 en période nuptiale avec des comportements d’alarme typique. A contrario, les observations de Chevalier combattant pendant plusieurs semaines en avril 2021 sont probablement le fait de passages migratoires prénuptiaux tardifs.

- D’autres oiseaux associés aux milieux aquatiques sont à signaler : la Mouette rieuse, nicheuse certaine en 2021 et la Sarcelle d’été, nicheuse possible en 2019 et probable en 2021. La nidification du Martin-pêcheur, notée possible en mai 2019, est à confirmer.

- Quatre espèces de passereaux paludicoles associées aux roselières ou aux fourrés hygrophiles sont présentes : le Phragmite des joncs était nicheur probable en 2019, 2020 et 2021 ; la Bouscarle de Cetti, déjà recensée avant 2010, stationne localement presque chaque année entre 2014 et 2021 en période nuptiale et niche aussi probablement sur place. La Gorgebleue à miroir, signalée en période nuptiale en 2019 et 2021, est considérée comme nicheuse effective, ainsi que la Rousserolle effarvate, nicheuse possible en juin 2014.

- Plusieurs oiseaux des milieux agricoles ou bocagers ont également été recensés. La Linotte mélodieuse était nicheuse probable en 2020 et 2021, le Tarier pâtre et  la Fauvette grisette en 2021. Le Pipit farlouse et le Bruant jaune, aussi présents en période nuptiale, sont considérés comme nicheurs effectifs. La nidification est par contre à confirmer pour la Tourterelle des bois, espèce discrète en période nuptiale et non revue depuis juin 2005. Elle est plus hypothétique pour le Traquet motteux et le Tarier des prés, observés uniquement en avril 2021. Enfin, la Pie-grièche écorcheur, qui figurait parmi les espèces de la ZNIEFF en 2010, doit être retirée de la liste des oiseaux des prairies humides de la Grande Tringue car sa dernière observation date de 1992 et sa répartition actuelle dans le Nord - Pas-de-Calais est limitée à l’Avesnois (Fiévet et al., 2019).

- Parmi les trois espèces de rapaces déterminants de ZNIEFF observés, la Bondrée apivore est notée comme nicheuse probable en 2019. Le Busard des roseaux, observé en  2019, 2020 et 2021, est nicheur possible à confirmer.

 

La présence du bétail dans les pâtures des prairies humides de la Grande Tringue attire l’Hirondelle rustique et l’Hirondelle de rivage qui y chassent en vol les insectes indispensables à l’alimentation de leurs couvées. La nidification de l’Hirondelle rustique devrait être recherchée au niveau des bâtiments d’exploitation agricole aux abords du périmètre de la ZNIEFF.

 

Les observations des ornithologues révèlent enfin l’intérêt fonctionnel des prairies humides de la Grande Tringue comme espaces de repos ou de gagnage pour de nombreux limicoles en halte migratoire ou en hivernage (Chevalier guignette, Bécassine des marais, Chevalier gambette...). Les prairies inondées et les abords de cours d’eau ou de mares sont aussi très prisés comme zones de chasse par les Ardéidés en automne et en hiver (Héron cendré, Aigrette garzette, Grande aigrette) (Facon, 2016).

 

Sur six espèces d'Amphibiens recensées en 2010, la Rainette arboricole (Hyla arborea) a été de nouveau signalée en 2015. Elle reste la seule espèce déterminante de ZNIEFF aujourd’hui car le Triton alpestre (Ichtyosaura alpestris) ne l'est plus dans le Nord/Pas-de-Calais (autres espèces à enjeux). Il en va de même pour la Couleuvre hélvétique (Natrix helvetica) qui a été découverte en 2018 dans la ZNIEFF.

Les habitats aquatiques favorables aux amphibiens étant nombreux dans cette ZNIEFF, des recherches adaptées devront être entreprises pour actualiser les données.

 

Chez les Orthoptères, trois espèces déterminantes de ZNIEFF sont recensées : le Conocéphale des roseaux (Conocephalus dorsalis), qui fréquente les hautes herbes des prairies et les bords de fossés, et le Criquet ensanglanté (Stethophyma grossum), découvert en 2009 dans une pâture au sud-ouest de la ZNIEFF, et retrouvé en 2021. Inconnue jusqu’alors dans la ZNIEFF des prairies humides de la Grande Tringue, la Courtilière commune (Gryllotalpa gryllotalpa) a été découverte dans plusieurs stations sur des berges de fossés en 2016 et 2021. Cette espèce exceptionnelle (E) dans le Nord/Pas-de-Calais et assez rare (AR) en Picardie est bien implantée dans la ZNIEFF voisine du marais de Balançon, au Sud. Les prairies et marais arrière-littoraux entre Canche et Authie constituent ainsi le bastion de la Courtilière dans le Nord/Pas-de-Calais.

Quelques espèces nouvelles viennent s’ajouter à la liste des insectes déterminants de ZNIEFF du site : le Leste sauvage (Lestes barbarus) [Odonates] découvert en 2021 et la Coccinelle à 13 points (Hippodamia tredecimpunctata) [Coléoptères Coccinellidae]. Déjà notée en 2009, cette dernière n’avait pas été signalée car elle n’était pas déterminante lors de la création de la ZNIEFF (connaissances insuffisantes pour ce groupe). Cette coccinelle nettement paludicole habite les végétations des berges de plans d’eau et de fossés, notamment les roselières.

 

On peut enfin rappeler la présence dans la ZNIEFF de l'Agrion mignon (Coenagrion scitulum), autre espèce d’Odonate à enjeu dans le Nord/Pas-de-Calais. La Libellule fauve (Libellula fulva) et le Leste brun (Sympecma fusca), déterminants de ZNIEFF en 2010, ont été retirés de la liste actuelle des espèces déterminantes pour ce groupe.

Commentaires sur la délimitation

Le périmètre de la ZNIEFF est délimité au sud par la RD 144E au-delà de laquelle commence la ZNIEFF du Marais de Balançon (n°310007236). Au Nord-Est, la ZNIEFF des prairies humides de la Grande Tringue est directement accolée à la ZNIEFF du Marais de Villiers (n°310007238) et délimitée au sud-est par le hameau de Capelle (Commune de Saint-Josse). A l’Ouest, la limite de la ZNIEFF correspond aux zones à dominante urbaine qui s’étirent le long de la RD 940 à Merlimont et Cucq.

Dans le cadre de la mise à jour 2021, le périmètre a dû être légèrement réduit sur certaines de ses marges urbaines pour exclure des parcelles ou groupes de parcelles qui ont été loties ou aménagées durant la période 2010-2020 (au moins onze parcelles).

Le périmètre proposé à l'origine et confirmé en 2021 permet donc de prendre en compte le rôle majeur de cette ZNIEFF, à la fois en tant qu'espace de grand intérêt écologique et biologique abritant de nombreux taxons et habitats d'intérêt patrimonial et déterminants de ZNIEFF, et comme zone de gagnage ou de nourrissage, en particulier pour l'avifaune nicheuse ou migratrice qui utilise les divers milieux qui composent cet ensemble de prairies semi-bocagères et de petits boisements humides arrière-littoraux.