ZNIEFF 730010521
Garonne et milieux riverains, en aval de Montréjeau

(n° régional : Z2PZ2066)

Commentaires généraux

Cette ZNIEFF couvre l’essentiel du lit majeur de la partie piémontaise et de plaine de la Garonne en Midi-Pyrénées, de Montréjeau (31) à Lamagistère (82). Après sa confluence avec la Neste d’Aure à Montréjeau, la Garonne quitte le domaine pyrénéen montagnard pour gagner le piémont, dans une plaine alluviale relativement étroite (250 m en moyenne). De Montréjeau au défilé de Boussens, elle coule parallèlement au massif pyrénéen, puis traverse les Petites Pyrénées entre Saint-Martory et Martres-Tolosane où elle reçoit le Salat, descendu de Saint-Girons. La Garonne dessine ensuite une large boucle qui s’appuie sur le Volvestre et s’ouvre largement à l’ouest sur une vaste plaine agricole tandis qu’à l’est, des falaises surplombent le fleuve. Après la confluence avec l’Ariège à Portet-sur-Garonne, le fleuve entre dans l’agglomération toulousaine, canalisé par un système de digues en béton. À la sortie de la ville, la plaine s’élargit fortement dans le tronçon appelé « la Garonne débordante ». Le lit mineur est large en moyenne de 150 m, dans une plaine d’inondation qui varie de 2 à 4 km de large. Le fleuve infléchit sa course vers le nord-ouest dans un couloir fortement anthropisé. Néanmoins, ce corridor fluvial recouvre son aspect naturel : sur 70 km, entre Blagnac et la confluence avec le Tarn à Saint-Nicolas-de-la-Grave, méandres, îles, îlots, boisements alluviaux et bras morts se succèdent et forment des zones humides remarquables. D’un point de vue géologique, la Garonne traverse, dans la zone pré-pyrénéenne, des terrains variés du Tertiaire puis du Crétacé supérieur, en contournant vers l’est le cône de déjection du plateau de Lannemezan. Puis, au sortir de la cluse de Boussens, et ce jusqu’à Lamagistère, la vallée de la Garonne s’étend dans un bassin molassique sur des dépôts du Tertiaire, en formant un escalier de terrasses quaternaires, bien visible dans le paysage. Entre Saint-Martory et Toulouse, ce dernier est néanmoins limité à la rive gauche de la Garonne, puisque à l’est, le fleuve a taillé un raide et haut talus dans les molasses du Volvestre et du Lauragais. Les précipitations annuelles diminuent progressivement sur la vallée de 800 à 700 mm entre Carbonne et Toulouse, et de 700 à 600 mm plus en aval. Le réseau hydrographique en amont de Toulouse concentre les écoulements de la chaîne des Pyrénées, tandis que de Carbonne à Lamagistère, le fleuve a une alimentation pluviale due à ses principaux affluents, l’Ariège et le Tarn. Le régime hydrologique de la Garonne est donc de type pluvio-nival, avec des hautes eaux de printemps et un étiage de fin d’été et d’automne. Dans sa partie pré-pyrénéenne, le fleuve est surtout aménagé pour l’industrie hydroélectrique, et de nombreux barrages sont construits. Tout au long de la Garonne, la dynamique fluviale a été fortement modifiée suite aux anciennes extractions de granulats dans le lit mineur. À cela s’ajoutent les endiguements importants des berges à proximité des agglomérations, qui empêchent toute divagation du fleuve. Il faut noter enfin la centrale nucléaire toujours en activité à Golfech (82).

Les milieux riverains de la Garonne sont fortement marqués par les modifications de fonctionnement du fleuve induites par ces aménagements divers. Toutefois, ils restent diversifiés, et les nombreux bras morts, îles, prairies inondables, forêts alluviales et mégaphorbiaies abritent de nombreuses espèces faunistiques et floristiques intéressantes. Plusieurs habitats déterminants ont été recensés sur ce secteur de la Garonne. Les forêts alluviales constituent l’habitat le mieux représenté sur le site, réparties de manière ponctuelle mais régulière le long du lit majeur de la Garonne. Les plus nombreuses, les forêts fluviales résiduelles à chênes, ormes et frênes, présentent un intérêt patrimonial : cet habitat renferme des populations plus ou moins importantes d’Orme lisse (Ulmus laevis), essence déterminante inféodée aux corridors alluviaux. De plus, il héberge une diversité importante d’espèces d’oiseaux nicheurs. Les bois riverains de frênes et d’aulnes sont présents sur les zones inondables, en rive droite. Les bois riverains de frênes et d’aulnes à hautes herbes sont actuellement rares et cantonnés aux rives de la Garonne pré-pyrénéenne. Ils sont remplacés pour la plupart par des plantations de peupliers. Deux stations de forêts de frênes et d’aulnes rivulaires ont été répertoriées entre un bras mort et le lit du fleuve. Situées sur des sols périodiquement inondés mais bien drainés et aérés durant les basses eaux, ces forêts diffèrent des bois marécageux d’aulnes qui colonisent les terrasses alluviales gorgées d’eau la plus grande partie de l’année. Une formation de ce type est bien représentée sur une annexe fluviale près de Grisolles. Toutefois, ces forêts sont généralement assez dégradées et perturbées du fait de l’abaissement de la nappe alluviale de la Garonne, qui entraîne une déconnexion de plus en plus importante de l’habitat avec la nappe. Au nord de Toulouse, des communautés de roselières (phragmitaies inondées) sont présentes dans les enclaves des bras morts de la Garonne « débordante », où les eaux sont stagnantes ou à écoulement lent. Ces végétations sont très sensibles aux modifications hydrologiques. C’est pourquoi leur état de conservation est menacé à court ou moyen terme. Dans ce type d’habitat, on peut rencontrer une espèce protégée en Midi-Pyrénées : le Butome en ombelle (Butomus umbellatus) au niveau de la confluence Garonne-Ariège et Garonne-canal de Golfech. Des gazons à petits souchets, d’extension souvent très réduite, sont localisés en bordure des bras morts du ramier de Bigorre, à l’ouest de Saint-Jory. Ces communautés amphibies apparaissent au cours de la phase d’assèchement des mares occasionnellement inondées. Enfin, des cariçaies à Carex paniculata ont également été observées en périphérie de ce ramier, occupant les flancs ou la totalité des dépressions humides.

Concernant la flore, la présence de nombreuses plantes des milieux aquatiques et humides constitue un des intérêts principaux de cette ZNIEFF. Les zones d’eaux stagnantes à fond vaseux formées dans les bras morts et autres annexes fluviales abritent quelques populations de Nénuphar jaune (Nuphar lutea), protégé dans le département de la Haute-Garonne. Un tapis de plusieurs centaines de pieds de cette espèce a notamment été répertorié à Cazères, dans un petit bras mort. Au parc du confluent de Portet-sur-Garonne se trouve une belle population d’Utriculaire commune (Utricularia vulgaris), flottant à la surface des eaux dormantes. Malgré son nom, c’est une espèce carnivore peu commune et protégée en Midi-Pyrénées : elle se nourrit de zooplancton aspiré par les utricules, des feuilles immergées transformées en pièges. Les eaux courantes sont quant à elles l’habitat de la Renoncule aquatique (Ranunculus aquatilis). Des tapis de plusieurs dizaines de pieds sont présents dans les eaux peu profondes d’une annexe fluviale à Cordes-Tolosane. Sur les bords de la Garonne, en aval, des formations pionnières de Bident penché (Bidens cernua) se développent sur les dépôts d’alluvions limoneux riches en azote. Il semble que les niveaux de plus en plus bas de la Garonne en fin d’été favorisent le développement de ces communautés qui semblent donc en expansion. Le Scirpe à nombreuses tiges (Eleocharis multicaulis) et en particulier, le Mouron d’eau (Samolus valerandi), forment des communautés de gazons amphibies dans les vases en voie d’assèchement des berges. Le Jonc des chaisiers (Schoenoplectus lacustris) s’y trouve également sous la forme de pieds isolés. L’Épiaire des marais (Stachys palustris) est une hôte de certaines prairies humides riveraines. Les forêts fluviales résiduelles abritent certaines espèces de sous-bois telles que la Julienne des dames (Hesperis matronalis). Sur la rive gauche de la Garonne entre Mauzac et Muret, la Capillaire de Montpellier (Adiantum capillus-veneris), une fougère pérenne, se développe le long des parois ombragées et humides des petites falaises. Contrastant avec cette flore des milieux humides et aquatiques, on rencontre sur les falaises marneuses de la rive droite de la Garonne, entre Cazères et Muret, des terrains plus secs qui favorisent des espèces thermophiles à tendance méditerranéenne. Ainsi, le Chêne vert y est présent avec certaines espèces de son cortège : le Rouvet (Osyris alba), le Nerprun alaterne (Rhamnus alaternus) et l’Asperge sauvage (Asparagus acutifolius). Enfin, d’autres espèces de milieux secs telles que l’Urosperme de Daléchamps (Urospermum dalechampii) et le Bugle petit-pin (Ajuga chamaepitys) poussent sur des zones légèrement surélevées par rapport au niveau de la Garonne, sur substrat calcaire. La faune est également remarquable et diversifiée. Le long de la Garonne piémontaise, en amont de Carbonne, la Loutre d’Europe (Lutra lutra) est présente de manière régulière. Les berges encore peu artificialisées et peu fréquentées de ce tronçon lui garantissent des zones de quiétude favorables à sa reproduction et à l’élevage des jeunes. La Garonne héberge une riche faune piscicole avec 8 espèces et un cortège déterminants. Notons la présence régulière du Saumon atlantique (Salmo salar) dans la partie piémontaise. L’Anguille (Anguilla anguilla) et la Grande Alose (Alosa alosa) sont également présentes. Étant migrateurs, ces poissons sont d’autant plus sensibles aux aménagements pouvant entraver leur circulation. Les obstacles principaux sont situés à Toulouse (chaussées) et à la confluence du Tarn (barrage de Malause). Le cortège composé du Brochet (Esox lucius), de la Tanche (Tinca tinca) et du Rotengle (Scardinius erythrophtalmus)caractérise les zones plutôt lentiques telles que les larges méandres ou les bras morts. Le Chabot (Cottus sp.), une espèce davantage inféodée aux cours d’eau supérieurs et aux torrents, est présent uniquement dans la partie pré-pyrénéenne, indiquant une bonne qualité des eaux, froides et bien oxygénées. Parmi les amphibiens, le Triton marbré (Triturus marmoratus), qui est également protégé en France, est l’hôte des mares à eau plutôt limpide présentes, notamment dans la forêt fluviale du parc du confluent, à Portet-sur-Garonne. Les nombreux bras morts, ripisylves, îlots et plans d’eau de la Garonne accueillent un nombre important d’oiseaux migrateurs, hivernants et nicheurs. Les confluences (notamment celles avec l’Ariège, la Gimone, la Save, le Salat et le Tarn) sont des zones particulièrement propices à l’accueil de ces oiseaux puisque l’élargissement du fleuve permet à de nombreuses espèces de trouver nourriture et tranquillité. Ces étendues d’eau hébergent des cortèges d’oiseaux hivernants intéressants. Il s’agit essentiellement de diverses espèces de canards au sens large (canards, fuligules, tadornes et sarcelles) et de limicoles (bécasseaux, chevaliers, courlis, avocettes, échasses, barges). Ces derniers sont également observés en halte migratoire, comme la Sarcelle d’été (Anas querquedula) et le Balbuzard pêcheur (Pandion haliaetus). En période de reproduction, diverses espèces de hérons (Hérons cendré, bihoreau et pourpré) ainsi que l’Aigrette garzette (Egretta garzetta) fréquentent la Garonne, où elles nichent dans les saules et les peupliers de la ripisylve. Leurs observations sont fréquentes et régulières depuis les années 1980 : si les effectifs du Héron cendré (Ardea cinerea) sont en augmentation et ceux de l’Aigrette garzette ainsi que du Héron pourpré (Ardea purpurea) sont stables avec une tendance à la baisse, le Bihoreau gris (Nycticorax nycticorax) voit une chute importante de ses effectifs sur le corridor garonnais. La Rousserolle turdoïde (Acrocephalus arundinaceus) et le Blongios nain (Ixobrychus minutus) nichent dans les roselières inondées. Ce dernier représente une espèce rare en déclin important sur la région Midi-Pyrénées et plus largement en France, suite à la disparition des habitats qui lui sont favorables et aux dérangements divers sur les sites de reproduction. Certaines anciennes gravières hébergent des oiseaux rencontrés plus fréquemment sur le littoral. Plusieurs dizaines de couples de Sterne pierregarin (Sterna hirundo) nichent sur des petits îlots de galets et de terre émergents ; l’Hirondelle de rivage (Riparia riparia) loge quant à elle dans les talus sableux. L’Aigle botté (Hieraaetus pennatus), dont la présence est ancienne sur les coteaux boisés du piémont pyrénéen, s’est installé récemment sur les bois riverains de la Garonne. Deux couples nicheurs ont été observés sur deux sites localisés. En aval de Cazères, les falaises calcaires exposées au sud offrent une niche idéale pour le Hibou grand-duc (Bubo bubo). Enfin, des observations récentes assez régulières de Cigogne blanche (Ciconia ciconia) ont permis de recenser deux couples nicheurs aux alentours de Saint-Gaudens. Sur les deux stations, il s’agit de zones ouvertes et dégagées de cultures et prairies humides bordant le cours du fleuve. Les bords de la Garonne sont également favorables à de nombreux insectes associés aux zones humides. Les libellules sont bien représentées sur le site, avec 7 espèces déterminantes. Certaines sont plutôt inféodées aux eaux courantes, telles que le Gomphe à crochets (Onychogomphus uncatus) et la Cordulie à corps fin (Oxygastra curtisii). Cette dernière espèce, d’intérêt communautaire (en annexe II de la directive « Habitats ») et protégée en France, affectionne les grands cours d’eau méridionaux, où elle fréquente en survol les zones d’eau libre. D’autres libellules d’intérêt patrimonial sont davantage associées aux eaux stagnantes bordées d’hélophytes des bras morts et annexes fluviales. Il s’agit de l’Agrion mignon (Coenagrion scitulum), de la Libellule fauve (Libellula fulva), du Sympétrum méridional (Sympetrum meridionale) et de l’Aeschne mixte (Aeschna mixta). Parmi les orthoptères déterminants recensés, le Grillon des torrents (Pteronemobius lineolatus) fréquente les berges pierreuses des bords de rivières ou d’étangs. Les substrats drainants des grèves de la moyenne vallée de la Garonne offrent des conditions favorables au rare Grillon noirâtre (Melanogryllus desertus, non déterminant) qui affectionne les milieux xériques. Les mégaphorbiaies de la moyenne vallée de la Garonne constituent le milieu de prédilection du Criquet tricolore (Paracinema tricolor bisignata), qui semble relativement localisé en Midi-Pyrénées. Au parc du confluent Ariège-Garonne, où se trouve la plus grande surface de forêt fluviale résiduelle, la mosaïque d’habitats présents est favorable à 7 espèces déterminantes de syrphes. Ces espèces, dont le rare Trichopsomyia lucida, témoignent de l’intégrité de ces milieux.

En plus des nombreuses espèces patrimoniales qu’abrite la Garonne, ce fleuve présente des intérêts fonctionnels importants. Alors que sa partie piémontaise a davantage une vocation de vivier écologique, la Garonne des terrasses (de la confluence avec l’Ariège jusqu’à la limite régionale) offre une grande richesse de milieux humides annexes. Ce sont des étapes indispensables pour les oiseaux migrateurs et de passage. Ils permettent à certaines espèces, notamment les hivernants, de passer l’hiver dans de bonnes conditions, et aux migrateurs de trouver des haltes favorables. Les anciennes gravières, nombreuses aux abords de Toulouse, présentent, pour certaines, un intérêt écologique pour la faune et la flore. Ces grandes étendues d’eaux stagnantes peu profondes accueillent des communautés végétales amphibies, et sont très utilisées par les oiseaux ainsi que par différentes espèces d’insectes. Néanmoins, les anciennes extractions de granulats dans le lit mineur et la plaine alluviale ainsi que les pompages à vocation agricole ont entraîné l’abaissement de la nappe alluviale de la Garonne. Les conséquences sont visibles sur les milieux forestiers, et en perturbent la dynamique. Les modifications hydrauliques et l’exploitation des forêts alluviales ou habitats humides (transformés en zones de cultures ou peupleraies) ont déjà causé la disparition de plusieurs habitats très sensibles aux perturbations.

Commentaires sur la délimitation

Cette ZNIEFF couvre la partie de piémont et de plaine du fleuve Garonne en Midi-Pyrénées, à partir de Montréjeau (31) jusqu’à la frontière avec la région Aquitaine à Lamagistère (82). Elle comprend la ZNIEFF de type 1 : « La Garonne de Montréjeau jusqu’à Lamagistère » à laquelle s’ajoutent les milieux riverains du lit majeur, bien préservés et/ou présentant des données déterminantes : forêts alluviales, zones humides, bras morts, prairies, gravières, etc. La partie amont de la Garonne fait l’objet d’autres ZNIEFF : « La Garonne de la frontière franco-espagnole jusqu’à Montréjeau » et « Garonne amont, Pique et Neste ».