Description de la zone
A une trentaine de kilomètres au nord de Grasse, à l’altitude comprise entre 1 200 et 1 300 m, le plateau de Calern constitue un exemple remarquable d’une formation géologique typique de l’arrière-pays grassois, le plateau karstique. Le socle calcaire subit une érosion intense : fissures, failles, et autres cavités souterraines donnant naissance par effondrement à des dolines d’un intérêt paysager hors du commun. De plus, ces dolines introduisent une grande hétérogénéité à la surface du plateau et sont à l’origine de son exceptionnelle diversité biologique.
Flore et habitats naturels
Le grand intérêt du plateau est la bonne représentation des pelouses calcicoles méditerranéo montagnardes de crête du Potentillo velutinae Ononidetum striatae (Genistion lobelii). Les dalles calcaires présentant une accumulation de terre fine sont colonisées par des pelouses rases du Saxifrageto granulatae Valerianetum tuberosae, abritant de nombreux géophytes dont différentes espèces patrimoniales de gagées. Les lapiaz abritent de belles communautés de fougères dont le rare Dryopteris submontana. Le plateau karstique est criblé de dolines à fond plat, offrant un sol plus profond dans lesquelles s’épanouissent des pelouses à Brome érigé (Bromopsis erecta) du Mesobromion erecti. Certaines dolines plus fortement effondrées abritent des formations de forêts de ravin de faible dimension dominées par le Tilleul à grandes feuilles (Tilia platyphyllos). La flore de ce plateau ressemble à celle du plateau de Caussols, avec des éléments communs comme la Pivoine officinale (Paeonia officinalis subsp. huthii), les Gagées (Gagea reverchonii, Gagea bohemica) ou encore le Cytise d'Ardoino (Cytisus ardoinoi). Les profondes fissures du karst sont l'habitat préférentiel de la fougère Dryopteris submontana. Le site constitue en outre une des deux seules stations connues des Alpes Maritimes de l’Armoise d’Arménie (Artemisia armeniaca). La bryoflore présente des espèces intéressantes et rares d’hépatiques à thalles comme Mannia fragrans et Athalamia hyalina.
Faune
Le plateau de Calern présente un intérêt faunistique très élevé avec 55 espèces animales d’intérêt patrimonial dont 17 sont déterminantes.
Le peuplement mammalogique est essentiellement caractérisé par la présence d’un cortège tout à fait intéressant de chauves-souris : le Petit Rhinolophe (Rhinolophus hipposideros), espèce remarquable en régression marquée, plutôt thermophile et anthropophile, préférant les milieux boisés clairs sur substrat calcaire qui alternent avec des espaces dégagés, assez rare en montagne mais présent jusqu’à 2 000 m. d’altitude, le Grand Rhinolophe (Rhinolophus ferrumequinum), espèce déterminante et menacée, en diminution partout en France, plutôt thermophile mais présent jusqu’à au moins 2 200 m, chassant dans les bocages et les paysages karstiques riches en broussailles, pelouses, pâtures et prairies, souvent proches de l’eau courante ou stagnante, de grottes et d’habitations, le Vespère de Savi (Hypsugo savii), espèce remarquable rupicole et montagnarde d’affinité méridionale, qui exploite d’une part les milieux forestiers (surtout ceux riverains de l’eau) pour la chasse et d’autre part les milieux rocheux (falaises) pour les gîtes, jusqu’à 2 400 m, le Vespertilion à oreilles échancrées (Myotis emarginatus), espèce cavernicole remarquable, commensale des rhinolophes, localisée et peu fréquente, thermophile et d’affinité méridionale, en régression en France, affectionnant les milieux boisés et buissonnants proches de cavités rocheuses, jusqu’à au moins 1 500 m, le Grand Murin (Myotis myotis), espèce remarquable plutôt commune mais localement en régression, thermophile et d’affinité méridionale, affectionnant les paysages semi ouverts légèrement boisés jusqu’à 2 000 m, le Minioptère de Schreibers (Miniopterus schreibersi), espèce grégaire remarquable, menacée, en régression partout en France y compris dans notre région, d’affinité méditerranéenne et typiquement cavernicole et troglophile, recherchant les grottes et les cavernes proches d’endroits dégagés, les paysages karstiques riches en falaises avec cavités, jusqu’à 2 000 m, le Molosse de Cestoni (Tadarida teniotis), espèce rupicole remarquable, rare, à effectifs faibles et donc vulnérable et en danger, thermophile d’affinité méditerranéenne, affectionnant les zones de collines et de montagnes avec falaises, ravins, grottes, constructions, ruines et murailles, jusqu’à 2 500 m.
L’avifaune nicheuse et estivante locale comporte nombre d’espèces intéressantes, d’affinité biogéographique variée (médioeuropéenne, voire nordique méditerranéenne, montagnarde). Ainsi, trois espèces déterminantes fréquentent le site : la Pie-grièche à tête rousse (Lanius senator), espèce de milieux ouverts méditerranéens, le Var concentrant la majorité de la population régionale, le Traquet oreillard (Oenanthe hispanica), espèce d’affinité méditerranéenne, rare et localisée, en légère régression en région P.A.C.A., affectionnant les zones rocailleuses dénudées avec quelques buissons et arbustes jusqu’à 1300 m et le Moineau soulcie (Petronia petronia), espèce paléoxérique de milieux ouverts et rocailleux et d’affinité méridionale, en forte régression depuis plusieurs décennies. Elles sont accompagnées de nombreuses espèces remarquables : Circaète Jean-le-Blanc (Circaetus gallicus), rapace d’affinité méridionale, au régime alimentaire ophiophage, Autour des palombes (Accipiter gentilis), rapace d’affinité médioeuropéenne, affectionnant les grands massifs forestiers avec des clairières jusqu’à 2 000 m, Faucon hobereau (Falco subbuteo), rapace diurne des milieux boisés clairs, en régression marquée actuellement, Caille des blés (Coturnix coturnix), espèce des milieux dégagés à végétation herbeuse haute (prairies et cultures notamment), jusqu’à 2 200 m, Petit duc scops (Otus scops), espèce d’affinité méridionale, en diminution aujourd’hui, présent jusqu’à 1 800 m, Grand-duc d’Europe (Bubo bubo), espèce rupicole, qui se nourrit préférentiellement dans les terrains dégagés proches des falaises et autres escarpements rocheux où il niche généralement, jusqu’à 2 600 m, Chevêche d’Athéna (Athene noctua), espèce de milieux semi ouverts, d’affinité méridionale, en déclin général, présente jusqu’à 1 100 m, Huppe fasciée (Upupa epops), espèce de milieux semi ouverts, d’affinité méridionale, en diminution aujourd’hui, Torcol fourmilier (Jynx torquilla), espèce plutôt localisée et peu fréquente dans la région, des milieux boisés clairs à tendance xérothermique jusqu’à 1 400 m, Pic épeichette (Dendrocopos minor), espèce plutôt localisée et peu fréquente dans la région, liée aux forêts claires de feuillus caducifoliés jusqu’à 1 600 m, Alouette calandrelle (Calandrella brachydactyla), espèce steppique en régression et devenue localisée, Monticole bleu (Monticola solitarius), espèce rupicole d’affinité méditerranéenne, se rencontrant dans les zones de falaises et d’escarpements rocheux, les gorges, les ruines, les garrigues claires rocailleuses, jusqu’à 1 600 m. d’altitude, Monticole de roche (Monticola saxatilis), espèce rupicole moins méridionale que la précédente, des terrains accidentés secs, rocailleux et ensoleillés à végétation rase, jusqu’à 2 700 m, Pie grièche méridionale (Lanius meridionalis), espèce de milieux ouverts et semi ouverts, en régression à l’heure actuelle, Pie grièche écorcheur (Lanius collurio), espèce de milieux ouverts et semi ouverts, en régression à l’heure actuelle, Crave à bec rouge (Pyrrhocorax pyrrhocorax), nicheur probable localement correspondant à une espèce grégaire et rupicole assez rare et en légère régression, d’affinité montagnarde, présente jusqu’à 2 300 m, propre aux falaises et escarpements rocheux (où il niche) situés à proximité de prairies, landes et pâturages (où il se nourrit), Bruant fou (Emberiza cia), passereau d’affinité à la fois méridionale et montagnarde, propre aux milieux ouverts et rocailleux, secs et ensoleillés, de 300 à 2 600 m, Bruant ortolan (Emberiza hortulana), espèce xérothermophile des milieux ouverts et semi ouverts, secs et ensoleillés, parsemés d’arbres et de buissons, d’affinité méridionale, en nette régression en France depuis 1950, jusqu’à 1 300 m, Bruant proyer (Emberiza milaria), espèce de milieux ouverts, encore assez fréquente de nos jours mais en régression.
Un reptile déterminant fréquente le secteur : la Vipère d’Orsini (Vipera ursinii), espèce d’affinité orientale aujourd’hui rare, très localisée, en régression et menacée d’extinction en France, liée aux pelouses sèches et rocailleuses à genévriers entre 900 et 2 200 m. Cette espèce est accompagnée de quatre autres reptiles remarquables, le Lézard ocellé (Timon lepidus), espèce typique des milieux ouverts arides rare et localisée dans les Alpes-Maritimes, le Seps strié (Chalcides striatus), espèce à répartition Franco-Ibérique qui fréquente les garrigues, les pelouses et les friches de Provence, sous les pierres et autres gîtes favorables, la Couleuvre verte et jaune (Hierophis viridiflavus), espèce à répartition majoritairement Franco-Italienne qui privilégie les fourrés et les friches, et la Couleuvre de Montpellier (Malpolon monspessulanus), espèce du sud de la France, de la péninsule Ibérique et du Maghreb qui affectionne les garrigues ouvertes et les milieux karstiques bien exposés.
Les amphibiens sont localement représentés par le Pélodyte ponctué (Pelodytes punctatus), espèce remarquable franco-ibérique et ouest méditerranéenne, aujourd’hui en régression et vulnérable, liée aux milieux ouverts humides proches de points d’eau riches en végétation aquatique jusqu’à 1 200 m.
Quant aux arthropodes patrimoniaux, le cortège local est très diversifié.Citons ainsi pour les orthoptères des espèces telles que le Criquet hérisson (Prionotropis azami), espèce déterminante, protégée et en régression, endémique des plateaux calcaires de Provence qui colonise les pelouses rases, le Criquet de la Bastide (Chorthippus saulcyi daimei), sous espèce déterminante et endémique de Haute Provence et des Alpes du sud, peuplant les landes et pelouses des versants montagneux et l'Arcyptère provençale (Arcyptera kheili), espèce remarquable de criquet à mobilité réduite et endémique de Provence, qui peuple divers milieux ouverts calcicoles, pelouses sèches et garrigues ouvertes.
Du côté des coléoptères, mentionnons la présence de trois espèces déterminantes, le Carabique Duvalius ochsi, espèce cavernicole et endémique de certains massifs calcaires des Alpes-Maritimes (débordant sur les Alpes-de-Haute-Provence) et de deux Léiodidés, Troglodromus bucheti, espèce endémique des Alpes-Maritimes et Bathysciola aubei, espèce cavernicole, troglobie, endémique du sud de la France. Elles sont accompagnées de deux Cerambycidae remarquables, le Lamie berger (Iberodorcadion fuliginator meridionale), sous-espèce aptère dont les larves terricoles se nourrissent de racines de fétuques, endémique de Provence et le Dorcadion meunier (Iberodorcadion molitor), espèce aptère dont les larves terricoles se nourrissent de racines de fétuques, endémique du nord-est de l'Espagne et de la France méridionale.
Les lépidoptères sont également bien représentés avec l’Alexanor (Papilio alexanor), espèce déterminante, protégée au niveau européen, rare et dont l’aire de répartition est morcelée, inféodée aux éboulis et pentes rocailleuses jusqu’à 1 700 m où croît sa plante hôte locale Ptychotis saxifraga, le Semi apollon (Parnassius mnemosyne), espèce déterminante et protégée au niveau européen, d'affinité montagnarde et liée à la présence de corydales, qui fréquente les pelouses et les lisières forestières, surtout entre 1000 et 2000 mètres d’altitude, l’Apollon (Parnassius apollo), espèce remarquable d'affinité montagnarde, protégée au niveau européen, peuplant les rocailles, pelouses et éboulis à Crassulacées et Saxifragacées entre 500 et 2 500 m, la Diane (Zerynthia polyxena), espèce méditerranéo asiatique, protégée au niveau européen, localement surtout inféodée à Aristolochia pistolochia, dans les chênaies claires et pentes rocailleuses bien exposées jusqu’à 1300 m, l’Azuré du Serpolet (Maculinea arion), espèce remarquable et protégée au niveau européen, inféodée aux bois clairs et ensoleillés, pelouses et friches sèches avec présence de ses plantes hôtes, des serpolets et de sa principale fourmi hôte, Myrmica sabuleti, le Moiré de Provence (Erebia epistygne), espèce déterminante d’affinité méditerranéo-montagnarde dont l’aire de répartition ibéro-provençale est morcelée et restreinte, inféodée aux pelouses sèches à fétuques (surtout Festuca cinerea) et la Zygène cendrée (Zygaena rhadamanthus), espèce remarquable d’affinité ouest méditerranéenne, protégée en France, liée aux friches, garrigues et boisements clairs.
Pour terminer, citons également la présente de la Lycose de Narbonne (Lycosa tarantula), espèce remarquable d'affinité ouest méditerranéenne qui recherche les pelouses sèches dans lesquelles elle creuse son terrier.
Le plateau karstique a été pris dans son ensemble.