ZNIEFF 930020308
LES SORGUES

(n° regional: 84100140)

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Description de la zone


Dans sa partie centrale, le paysage de la plaine comtadine est fortement marqué par un cours d’eau parmi les plus originaux de France, la Sorgue. Original car son cours, quelques kilomètres en aval de sa source (à hauteur de l’Isle sur la Sorgue) se diversifie en un réseau de bras façonnés par la main de l’homme et dont on a peine à suivre chacun des cheminements tant la pente est faible et l’enchevêtrement extrême. Si bien que les quelques dizaines de kilomètres qui séparent sa source à Fontaine de Vaucluse de sa confluence à Bédarrides se transforment en plusieurs centaines de kilomètres de bras et canaux. La Sorgue s’est installée probablement sur l’ancien lit de la Durance, à une époque où cette dernière rejoignait le Rhône bien plus au nord qu’actuellement. Mais on ne sait toujours pas si la Sorgue est un affluent de l’Ouvèze ou bien si c’est l’inverse qui correspond à la réalité. Façonné par la main de l’homme, son cours se développe essentiellement dans une ancienne plaine marécageuse (les paluds) formée principalement de limons battus qui, même si elle a été drainée, est toujours restée très humide car la nappe phréatique n’est jamais très éloignée de la surface. Original par sa source même, qui est un site historique et géographique emblématique. La Fontaine de Vaucluse a en effet donné son nom au département du Vaucluse (vallis clausae, vallée fermée). Mais elle est surtout connue pour être une résurgence, l’une des plus importantes d’Europe (21 m3/s en moyenne, avec des débits variables, généralement de 4 à 110 m3/s) et à l’origine du terme géographique de source vauclusienne. Elle est en effet l’unique exutoire d’un système aquifère très étendu, constitué par des terrains calcaires du Crétacé qui ont développé un modelé karstique et qui affleurent largement dans les monts de Vaucluse, vers le nord jusqu’au mont Ventoux, et vers le nord est jusqu'à la montagne de Lure. Cette résurgence comporte tout un réseau de diverticules (les griffons) dont les sorties les plus élevées ne fournissent de l’eau qu’au moment des crues. Cours d’eau original enfin car c’est le seul entièrement situé en région méditerranéenne à avoir un régime identique à celui des grands fleuves médio européens. Son débit est toujours puissant, et ce même en période estivale, avec un étiage d’un niveau soutenu et bien plus élevé que celui des cours d’eau méditerranéens à régime torrentiel (Aygues, Ouvèze, etc.). Ses crues n’y présentent pas également le caractère dévastateur qu’on leur connaît sur les cours d’eau méditerranéens en tresse et à forte charge. De plus, sa température toujours faible (pas plus de 11 °/13 °C sur le cours amont) et ses eaux courantes (malgré une pente presque nulle) éliminent pratiquement les phénomènes d’eutrophisation en période estivale.
À partir du moment où l’eau n’est plus un élément de destruction pour la végétation, cette dernière a pu s’exprimer pleinement à travers la très grande biodiversité des formations végétales qui développent souvent des stades matures. De plus, on y observe une stratification remarquable et complète des formations végétales d’un cours d’eau avec :
 les groupements herbacés à hydrophytes (potamots, renoncules aquatiques, etc.) ;
 les groupements à hélophytes ;
 les ripisylves qui occupent le lit majeur et dont certaines sont arrivées à un stade élevé de maturité ;
 les mégaphorbiaies ;
 les prairies de fauche à très forte biodiversité (graminées, cypéracées et orchidées en particulier). Ce sont des formations végétales entretenues par des pratiques agricoles.
Mais l’essence qui domine le long de ce corridor végétal c’est le platane qui a été planté au XIXe siècle à la suite des grands défrichements qui ont précédé la mise en culture de la plaine comtadine. Malheureusement, il est actuellement parasité par le chancre coloré, ce qui a pour conséquence sa disparition future. Son éradication a déjà et aura des conséquences paysagères significatives, sans compter les impacts possibles sur les écosystèmes.
Ainsi donc, éléments méditerranéens et médio européens se conjuguent pour favoriser la mise en place d’une végétation originale. La forêt riveraine est bien méditerranéenne, mais elle a pu évoluer vers des stades matures presque toujours inexistants sur les cours d’eau méditerranéens. Le réseau des Sorgues se comporte donc comme un « îlot biologique rivulaire » au sein de la région méditerranéenne française.

Flore et habitats naturels


En raison d’une eau à température basse pratiquement toute l’année et d’un débit toujours soutenu, et ce même en période d’étiage, d’importants herbiers à hydrophytes ont pu se maintenir, tout particulièrement en amont de l’Isle sur la Sorgue, secteur où le cours d’eau n’est pas encore divariqué et où le débit est le plus important. En dehors de la formation à renoncules du Ranunculion fluitantis, on y rencontre des espèces que l’on a pas l’habitude d’observer en région méditerranéenne comme Potamogeton perfoliatus (potamot perfolié). En revanche, Nuphar lutea (nénuphar jaune) citée au XIXe siècle par M. Palun à Châteauneuf de Gadagne n’a jamais été confirmée. Sur le cours aval, à la fin de l’été, au moment où l’étiage est le plus sévère, des plages de limons apparaissent. Elles sont colonisées par la formation nitratophile à petites cypéracées du Nanocyperion, formation éphémère qui peut rester de nombreuses années sans réapparaître. Toutefois, dès que le contexte devient à nouveau favorable, elle peut encore s’exprimer à la faveur du maintien de la banque de graines du sol. On peut aussi y trouver Ranunculus sceleratus (renoncule scélérate), près de Saint Albergaty. Sur les berges ou en pied de berges, les formations à hélophytes existent de façon discontinue, mais on n’y a plus confirmé la présence de Sium latifolium (grande berle) que le docteur J. Guérin citait au début du XIXe siècle à Fontaine de Vaucluse, ou encore Stachys palustris (épiaire des marais) qui existait encore il y a peu au Thor.
Mais ce qui marque surtout le paysage des Sorgues, c’est la forêt riveraine et ce, même si elle est relictuelle. En raison du contexte climatique et hydrologique, on est en présence d’une ripisylve à peuplier du Populetum albae qui a évolué vers les stades plus matures à orme et frêne oxyphylle du Fraxino angustifoliae Ulmenion minoris (avec un faciès à aulne glutineux). Et on y observe même, en aval du Thor, une chênaie ormaie à chêne pédonculé, stade ultime d’une dynamique qui rapproche cette formation de celles qui s’observent sur les grands fleuves médio européens. Toutefois, leur biodiversité y est plus réduite. En particulier on n’y retrouve pratiquement pas les espèces de ces derniers à l’exception d’Ophioglossum vulgatum (langue de serpent vulgaire) à Fontaine de Vaucluse, à Isle sur la Sorgue et à Entraigues sur la Sorgue.
Au delà du corridor végétal, quelques zones prairiales subsistent, en mosaïque avec de vastes ensembles voués à l’agriculture intensive. Celles du quartier des Herbages à Entraigues sur la Sorgue sont exceptionnelles. Elles se présentent sous forme d’un réseau de petites parcelles séparées par des haies et des roubines, dans un contexte où la ripisylve est encore très présente. La nappe phréatique très élevée confère à ce site un caractère presque marécageux. Aussi, les espèces qui arrivent à s’y maintenir sont toujours très rares comme Achillea ptarmica (herbe à éternuer), Trifolium patens (trèfle étalé), Anacamptis palustris (orchis des marais) et Anacamptis laxiflora (orchis à fleurs lâches). Cette dernière espèce était sans doute jadis plus fréquente puisqu’elle était citée par J. Guérin, au début du XIXe siècle, à la Fontaine de Vaucluse, comme d’ailleurs Gratiola officinalis (gratiole officinale). On y rencontre également des formations prairiales primitives du Thalictro flavi Althaetum officinalis. Dans les roubines, la présence de Zannichellia palustris subsp. pedicellata (zannichellie des marais, pédonculée) est à confirmer.

Faune


Cette zone possède un peuplement faunistique d’un intérêt élevé. Vingt six espèces animales patrimoniales dont 7 espèces déterminantes sont présentes ici.
Ces espèces forment un cortège extrêmement riche, complet, diversifié et intéressant comprenant à la fois des espèces forestières, des espèces de milieux ouverts et des espèces liées aux milieux aquatiques et rivulaires. Parmi les Mammifères, citons le Castor d’Europe et la Loutre d’Europe, le Vespertilion à oreilles échancrées et la Noctule de Leisler. L’avifaune nicheuse abrite quantité d’espèces patrimoniales : le Rollier d’Europe, l’Aigrette garzette, le Bihoreau gris, , la Bondrée apivore, le Petit duc scops, la Chevêche d’Athéna ou Chouette Chevêche, le Martin pêcheur d’Europe, le Guêpier d’Europe, la Huppe fasciée, le Pic épeichette, le Cincle plongeur, le Gobemouche gris, le Bruant proyer. Les Amphibiens locaux hébergent notamment le Triton palmé et le Pélodyte ponctué. Les Poissons sont représentées par des espèces rares et extrêmement localisées en région Provence Alpes Côte d’Azur comme, la Lamproie de Planer (une de ses deux stations provençales) et l’Ombre commun, ainsi que des espèces plus classiques mais encore intéressantes telles que le Blageon, la Bouvière, le Toxostome et l’Anguille d’Europe.
Quatre espèces patrimoniales d’arthropodes sont à signaler sur ce site : l'Acinope à grosse tête (Acinopus megacephalus), espèce déterminante de coléoptères Carabidae appréciant les milieux marécageux en zone méditerranéenne, le Sympétrum déprimé (Sympetrum depressiusculum), espèce déterminante de libellule, rare et en régression, dont la larve aquatique est inféodée aux pièces d’eau temporaires ou à niveau fluctuant, l'Agrion de Mercure (Coenagrion mercuriale), espèce remarquable d’odonates, protégée en France, qui affectionne les écoulements modestes à eaux courantes claires, ensoleillées et peuplées d'hydrophytes et le Cloporte Trichoniscus darwini, espèce d’altitude moyenne propre aux Préalpes françaises et au Jura méridional.

Comments on the delimitation

Dans le but de maintenir le continuum de l’hydrosystème, la ZNIEFF intègre tout le linéaire du lit mineur du réseau des Sorgues, y compris dans les traversées de zones très urbanisées comme à l’Isle-sur-la-Sorgue, et ce malgré un degré d’artificialisation parfois important.

La totalité du réseau des Sorgues a été retenue dans la mesure où il était difficile de faire la différence entre les bras « naturels » et « artificiels ».

Pour le lit majeur, la ZNIEFF s’est appuyée sur la ripisylve, même si parfois elle en était réduite à un linéaire.

La ZNIEFF a exclu les zones fortement anthropisées (agriculture intensive et urbanisation).