Commentaire général
La plaine de la Crau, épandage naturel de cailloutis grossiers sur un sol plus ou moins argileux, mis en place par l'ancienne Durance, constitue un vaste plan incliné s'abaissant du nord est au sud ouest. Ce vaste territoire présente un déficit hydrique qui détermine une végétation xérique (en limite du semi aride dans la partie sud de la zone selon le climagramme d’Emberger). Le pâturage multiséculaire à crée une association végétale spécifique qui est l'une des plus riches de toute la région méditerranéenne : le Coussoul. La Crau est l'unique zone méditerranéenne française présentant de tels biotopes steppiques, s'apparentant à un reg d’Afrique du nord.
Flore et habitats naturelsVégétation herbacée steppique comparable aux formations similaires des montagnes d’Espagne ou d’Afrique du nord, dont la composition floristique relève d’une interaction entre le sol, le climat et le pâturage extensif qui s’exerce depuis très longtemps. La steppe à Asphodèle (Asphodelus ayardii) et Stipe (Stipa capillata) est très bien développée et constitue en Crau sèche une association particulière (Asphodeletum fistulosi). Des variations floristiques existent entre le nord (plus humide) et le sud. Des “Coussous” particuliers au nord-est, vers le domaine du Luquier, avec une steppe à Brachypode rameux et Asphodèle, et un faciès à Lavandula latifolia.
Dans cette steppe à physionomie plus ou moins homogène apparaissent sur des surfaces d’une végétation plus basse à Crassula tillaea (pelouses acidophiles à Tuberaria guttata formant des tonsures).
Présence de groupements nitrophiles à Carduacée autour des bergeries et de pelouses à trèfle souterrain et de peuplements à Chêne kermès (Quercetum cocciferae) avec un faciès à Ciste (Cistus monspeliensis). Les zones humides interstitielles (fossés, mares …) présentent elles aussi un intérêt majeur avec la Gratiole (Gratiola officinalis), la Salicaire à trois bractées (Lythrum tribracteatum)… Les puits creusés par l’homme pour abreuver les animaux et les populations, montrent parfois de magnifiques populations de fougères, qui trouvent ici humidité et températures clémentes toute l’année. L’espèce la plus remarquable est Asplenium sagittatum, espèce très rare en France. Cette flore très particulière est malheureusement menacée par la fermeture et le comblement des puits
FauneLes coussouls de la Crau sèche recèlent un intérêt biologique exceptionnel avec 80 espèces patrimoniales, dont 31 sont déterminantes.
Au niveau avifaunistique citons l’Outarde canepetière (Tetrax tetrax), le Rollier d’Europe (Coracias garrulus), le Faucon crécerellette (Falco naumanni), le Faucon kobez (Falco vespertinus), le Ganga cata (Pterocles alchata), seul site français de reproduction, l’Alouette calandre (Melanocorypha clandra), les Pies Grièches à tête rousse et à poitrine rose (Lanius senator et L. minor). D’autres espèces remarquables, moins rares est moins localisées, ont dans cette zone des populations avec des effectifs souvent intéressants : le Coucou geai (Clamator glandarius), l'Œdicnème criard (Burhinus oedicnemus), la Chevêche d’Athéna (Athene noctua), le Petit Duc (Otus scops), le Guêpier (Merops apiaster), la Huppe (Upupa epops), les Busards cendré et des roseaux (Circus pygargus et C. aeruginosus), le Faucon hobereau (Falco subbuteo), la Pie grièche méridionale (Lanius meridionalis), l’Alouette calandrelle (Calandrella brachydactyla).
Les reptiles sont représentés par cinq espèces remarquables, la Cistude d'Europe (Emys orbicularis), espèce ayant une répartition lacunaire en Europe, inféodée aux zones humides et localisée en PACA, le Seps strié (Chalcides striatus), espèce à répartition Franco-Ibérique qui fréquente les garrigues, les pelouses et les friches de Provence, sous les pierres et autres gîtes favorables, le Lézard ocellé (Timon lepidus), espèce des écosystèmes ouverts et semi-ouverts à affinité méditerranéenne, la Couleuvre de Montpellier (Malpolon monspessulanus), espèce du sud de la France, de la péninsule Ibérique et du Maghreb qui affectionne les garrigues ouvertes et les milieux karstiques bien exposés et la Couleuvre à échelons (Zamenis scalaris), espèce à distribution franco-ibérique, typique du cortège provençal et affectionnant les milieux secs et broussailleux.
Quant aux amphibiens, citons la présence de deux espèces déterminantes, la Grenouille verte hybride (Pelophylax kl. esculentus), klepton (issu d'un processus d'hybridogenèse) surtout présent dans la moitié nord de l'Europe mais rare et localisé en PACA et la Grenouille de Pérez (Pelophylax perezi), espèce Ibérique rare et en limite de répartition en PACA, présente surtout en Camargue et dans de rares stations dans le Var.
Le cortège d’arthropodes comporte une grande originalité et un intérêt patrimonial majeur grâce à la présence de nombreuses espèces rares voire endémiques.
Un exceptionnel cortège d’espèces déterminantes méditerranéeo steppiques peuple le coussoul, dont le Criquet rhodanien (Prionotropis rhodanica), imposante espèce endémique de la Crau, à mobilité réduite et menacée d’extinction ; le Bupreste de Crau (Acmaeoderella cyanipennis perroti), coléoptère Buprestidés endémique des Bouches du Rhône mais dont les populations sont concentrées sur la Crau, étroitement liées à sa plante hôte (Onopordon illyricum, probablement aussi O. tauricum) ; l’Ascalaphon du midi (Deleproctophylla dusmeti), neuroptère ouest méditerranéen dont la Crau représente un bastion français ; l’abeille solitaire Anthophora fulvodimidialta, et le diplopode (« mille pattes ») Ommatoiulus sabulosus, appartenant à l’ordre des iules. Cinq espèces déterminantes de lépidoptères complètent le cortège lié aux milieux xériques : l’Ecaille rose (Eucharia festiva), superbe espèce printanière qui a fortement régressé ; la Noctuelle pluviophile (Ulochlaena hirta), espèce rare inféodée aux pelouses sèches ; l'Acidalie roussillonnaise (Idaea sardoniata) et l'Acidalie rougeâtre (Idaea rhodogrammaria), lépidoptères Geometridés très localisés sur le pourtour méditerranéen dont les chenilles se nourrissent des parties sèches de diverses plantes basses ; et l'Hespérie de la balotte (Carcharodus baeticus), lépidoptère diurne d'affinité ouest méditerranéenne, en régression et affectionnant les pelouses sèches et surfaces pâturées où croît sa principale plante hôte le Marrube commun (Marrubium vulgare).
Nombreuses sont les espèces remarquables qui complètent ce cortège d’affinité méditerranéenne lié aux milieux xériques : la Scolopendre ceinturée (Scolopendra cingulata), la Lycose de Narbonne (Lycosa tarantula), la Cigale argentée (Tettigetta argentata), le Grand fourmilion (Palpares libelluloides), la Mante terrestre (Geomantis larvoides), les orthoptères Oedipode occitane (Oedipoda charpentieri) et Sténobothre occitan (Stenobothrus festivus).
Concernant les lépidoptères, cinq hétérocères (« papillons de nuit ») et deux rhopalocères complètent ce cortège : le Bombyx du cyprès (Pachypasa limosa), espèce méditerranéenne liée aux cyprès et genévriers ; la Cléophane roussâtre (Metopoceras felicina), hétérocère Noctuidés très localisé qui peuple certaines friches xériques et boisements clairs ; l'Acidalie insignifiante (Idaea predotaria), hétérocère Geometridés d’affinité atlanto méditeréenne en limite d’aire orientale, lié aux friches et pelouses xériques ; le Louvet (Hyponephele lupina), rhopalocère Satyrinés d’affinité steppique dont la Crau représente un bastion en France et l’Hespérie de l'Herbe au vent (Syrichtus proto), rhopalocère Hespéridés qui affectionne les pelouses sèches et les friches où croissent ses plantes hôtes, Phlomis herba venti et Phlomis lychnitis.
Les milieux steppiques de la Crau offrent également une ressource alimentaire pour les coléoptères coprophages grâce à l’omniprésente activité pastorale. Citons trois espèces de Scarabaeidae remarquables : le Scarabée à gros cou (Scarabaeus laticollis), Euoniticellus pallipes et Gymnopleurus flagellatus, tous trois ayant probablement régressés en Europe à la suite de la généralisation des traitements phytosanitaires chimiques des troupeaux.
Dans les zones humides et leurs bordures, d’autres espèces patrimoniales d’insectes sont trouvées, citons la Noctuelle améthyste (Eucarta amethystina), hétérocère Noctuidés largement distribué en France mais localisé à certaines zones humides ; la Phalène consacrée (Casilda consecraria), espèce également nocturne localisée aux dunes littorales, marais salants et zones d’eaux saumâtres ; la Diane (Zerynthia polyxena), rhopalocère Papilionidés étroitement lié à la présence de sa plante hôte locale Aristolochia rotunda ; l’Ascalaphe loriot (Libelloides ictericus), neuroptère qui colonise les surfaces couvertes par une strate herbacée mésophile ; la Decticelle des ruisseaux (Roeseliana azami), sauterelle hygrophile endémique du sud de la France, le Criquet tricolore (Paracinema tricolor bisignata), espèce liée aux ceintures marécageuses des marais.
Les canaux permanents qui traversent la Crau abritent quant à eux des peuplements diversifiés d’odonates. Parmi ces derniers, figurent trois espèces déterminantes : l’Agrion bleuissant (Coenagrion caerulescens), espèce méditerranéenne globalement rare, localisée et menacée en France, le Leste à grands stigmas (Lestes macrostigma), très localisé et en régression, strictement inféodé aux eaux saumâtres temporaires dans lesquelles sa larve se développe et le Sympétrum déprimé (Sympetrum depressiusculum), rare et en régression, dont la larve aquatique est inféodée aux pièces d’eau temporaires ou à niveau fluctuant.. Ils sont accompagnés par l'Agrion de Mercure (Coenagrion mercuriale), espèce qui affectionne les écoulements modestes à eaux courantes claires, ensoleillées et peuplées d'hydrophytes, le Gomphe similaire (Gomphus similimus) et la Cordulie à corps fin (Oxygastra curtisii), recherchant les tronçons à courant plus lentiques des canaux de la Crau.
Citons enfin la présence du neuroptère Mantispa aphavexelte, espèce méso-méditerranéenne déterminante peu commune.
Limites fondées sur la répartition des habitats et des populations d’éléments patrimoniaux de faune et de flore mais en n’intégrant que les habitats liés à la Crau sèche (pelouses sèches et coussouls). Ne sont donc pas comprises les zones palustres ou de foin de Crau à part les canaux bordant les zones sèches.